Gants Omega

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On est là pour les liasses

Après celui sur E.G. Cappelli, voici le second article dédié à la fabrication napolitaine. Naples a longtemps été le centre de l’industrie du gant en Italie, et Omega est une entreprise familiale quasi-centenaire officiant dans ce secteur, en plein centre de Naples.

Niché à Naples dans le quartier de la Sanita, coeur battant de la capitale des Deux-Siciles, quartier populaire aussi vivant que déglingué, l’atelier d’Omega n’a pas pignon sur rue. Il n’y a pas non plus d’indication, c’est sur les conseils d’un voisin qu’on se rend au quatrième étage d’un bâtiment vétuste et que l’on frappe à la porte de l’appartement. Le curieux y est accueilli par Mauro, le patron, qui parle bien et beaucoup français. Véritable destination touristique (l’adresse de l’atelier figure même sur certains guides), on est immédiatement pris en main et guidé par Mauro et sa passionnante logorrhée artisanale.

L’atelier ressemble plutôt à un vieil appartement délabré, et a des allures de Disneyland de l’artisanat : des machines à coudre mécaniques, une cuisine à la tapisserie très 70’s, des sièges rafistolés créant une sorte de boro napolitain, des ouvrières en blouses colorées attelées à coudre des gants, la clope à l’équilibre précaire au bout des lèvres, et sur les murs les photos de vacances du staff accompagnant l’obligatoire poster de Naples, avec en fond le Vésuve siégeant en double mont Fuji local.

Je ne rentrerai pas dans les détails techniques de fabrication, le sujet ayant été déjà couvert sur le web français (sur Bonne Gueule et Milanese Special Selection). J’ajouterais juste que les liasses de peau découpée, passent littéralement par la fenêtre, via un système de poulie, en direction des appartements des ouvrières. Elles sont équipées chez elles pour réaliser la couture des gants, et réalisent une partie des finitions directement à la main.

Omega fait ou a fait des gants pour quasiment tout le monde, de grandes marques de luxe comme Dior ou Saint Laurent, en passant par des grands magasins français et japonais, jusqu’à des marques plus grand public aux prix plus accessibles. Mauro propose même certains de ses produits directement sur place au prix de gros. On repart donc avec une paire de gants en pécari doublés en cachemire pour l’hiver prochain.
Grazie. Arrivederci. Direction Da Michele pour une pizza.

Omega SRL
12 via Stella
80137 Napoli
www.omegasrl.com

Une sélection de gants Omega est aussi vendue sur Zampa di Gallina.

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E. & G. Cappelli, Naples

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A Naples, la cravate est sacrée et sa cathédrale s’appelle Marinella. La petite boutique de cette entreprise centenaire est un lieu de pèlerinage obligé pour tout homme d’affaire désireux de s’offrir un souvenir napolitain. Les plus renseignés s’orienteront vers l’appartement où la marque présente l’ensemble de ses collections. Situé à l’étage, on y accède au flair par la cour de l’immeuble. Mais il se peut qu’au faste baroque de la cathédrale, vous préféreriez le charme discret et l’intimité d’une chapelle, et c’est à peu près ce que propose E. & G. Cappelli.
A quelques encablures de Chiaia, il faudra s’aventurer dans une cour (le sport auquel tout visiteur en quête de fatto a mano devra s’habituer) – celle-là même qui abrite la Sartoria Formosa – pour trouver la petite porte menant à ce que l’on pourrait nommer la crypte des sept plis.
Pour des tarifs un poil en dessous de Marinella, Cappelli propose une offre moins classique, plus osée et contemporaine. Tout est là : grenadine de soie doublée ou non, cinq plis, sept plis, du tricot, de la laine et du lin, du paisley et de l’ancient madder, des mélanges de matières… Patrizio Cappelli, le propriétaire des lieux, voyage très régulièrement en Angleterre afin de sécuriser les plus belles étoffes et imprimés.
Le plus est l’offre sur mesure : pour une vingtaine d’euros et une petite semaine de patience supplémentaires, il vous est possible d’obtenir une cravate dans le tissu désiré et de choisir sa longueur, sa largeur, sa doublure ou son absence. Cela permet surtout de choisir parmi la très belle sélection de tissus vintage de la marque, dont les rouleaux et découpes sont disposés çà et là dans la boutique, telles les reliques du saint patron de la sprezzatura.

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La Stòffa

Le tricotage d’une cravate en soie

Une recherche syntaxique sur les noms de marques pour homme pourrait nous en dire long sur les tendances d’une époque et ses influences. Si dans le passé il a été tour à tour bien vu de s’inventer un nom français, italien, américain, anglais ou même écossais, il semble qu’aujourd’hui il soit à nouveau de rigueur de s’imaginer une histoire italienne. Après O. Ballou, traité ici il y a quelques semaines, voici une seconde marque anglo-saxonne se revendiquant de savoir-faire transalpins. Le développement d’une collection part généralement de la vision d’un créatif, les chefs de produits et façonniers faisant ensuite de leur mieux pour atteindre un résultat s’approchant au maximum de cette vision.
Stòffa prend le problème à l’envers : la jeune marque new-yorkaise prend ses fournisseurs – tous italiens – comme base pour la construction d’un assortiment de produit. Le fondateur de la marque – Agyesh Madan – se présente comme un chef de produit et non comme un styliste. Mais si Agyesh Madan est un chef de produit, c’est un chef de produit avec une vision forte et une bonne dose de bon goût. C’est en effet un de ces jeunes loups qui posent en chapeau mou à Pitti Uomo et, contrairement à certains, il peut se le permettre : après avoir été diplômé de Parsons et avant de monter Stòffa, ce jeune homme s’occupait de la direction du développement produit chez Isaia.
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O.Ballou

La gouaille napolitaine en cachemire à 400€

O.Ballou c’est un peu la rencontre du made in Italy et d’Akhenaton dans le clip de Je danse le Mia. La marque a un univers qui sent bon l’Italie du sud, à des lieues des vestes trop serrées et des accumulations de pochettes de Pitti Uomo. Cet univers est celui d’un fabuleux patrimoine artistique souvent laissé à l’abandon, de petits deals, de bouchers inquiétants, de grèves des éboueurs, de processions religieuses et de plages bondées. C’est un petit peu comme si les jeunes protagonistes de Gomorra magouillaient du Cucinelli tombé du camion.
En fouinant un peu, on réalise avec une pointe de déception que O.Ballou est en réalité une marque londonienne fondée par un Néo-Zélandais, qui prend donc tout logiquement son inspiration entre Naples et la Sicile.
Simon Cato, le fondateur, s’explique : « C’est important que les gens comprennent que cet esprit très italien est juste un concept avec lequel nous jouons« . Tout est tout de même fabriqué au pays de la porchetta, et la marque se spécialise dans la maille et le cuir, en recherchant en priorité une belle qualité de réalisation. « Il y a un aspect street assez fort, mais en même temps une certaine sophistication. C’est cet équilibre qui nous intéresse vraiment« . La marque est relativement nouvelle et n’a pour l’instant que quelques produits disponibles en ligne, et seulement 4 points de vente dans le monde.
A surveiller donc.
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Atelier Particulier

Jusqu’à il y a peu, les acteurs de la mode et du vêtement se sont contenté d’utiliser internet afin d’améliorer leur manière de travailler. Le web permis ainsi de toucher une clientèle toujours plus large, de montrer le produit sous de nouveaux angles et de raconter de nouvelles histoires autour de celui-ci. Ce sont certes des améliorations notables, mais qui ne font qu’effleurer les possibilités qu’apportent ces nouvelles technologies. L’étape suivante consiste à repenser les modèles de fonctionnement en partant d’internet. Repartir de zéro avec de nouveaux outils.

Et même si les possibilités sont très vastes, certains modèles nous semblent prometteurs et ont la qualité d’utiliser internet pour proposer des nouvelles voies pour la production et la commercialisation de vêtement. Atelier Particulier fait partie de ces acteurs innovants se basant sur les capacités d’internet.

L’idée consiste à se greffer sur un site de crowd-funding, type Kickstarter, et de permettre à tout backer un produit au prix juste si celui-ci a la patience d’attendre sa production. Pour rappel, les sites de crowd-funding, ou financement participatif, permettent de mettre en relation des porteurs de projets de tous types avec des particuliers. Ces derniers sont invités à payer pour aider à la réalisation d’un projet, en échange d’un service, d’un produit ou d’un avantage de toute sorte. Le modèle d’Atelier Particulier n’est pas nouveau et a déjà fait ses preuves aux États-Unis, avec The Ten Year Hoodie et Gustin, dont le succès est assez impressionnant. On arrive ainsi avec un denim en toile japonaise fabriqué en Californie pour 100$, ou dans le cas qui nous intéresse, à de belles cravates en merinos fabriquées en Italie pour 50€ frais de port compris. Les entrepreneurs y trouvent leur compte en ayant très peu besoin de trésorerie et en évitant les intermédiaires.

Un bref tour sur la partie mode de Ulule ou de Kiss Kiss Bank Bank permet rapidement de se rendre compte qu’en France c’est un peu le désert. En effet, jusqu’ici rares sont ceux qui ont travaillé leur image et produits comme un vrai projet de marque, et Atelier Particulier peut s’enorgueillir d’être le premier projet français avec une telle ambition.

Leurs clients ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, et à l’heure où j’écris ces lignes il y a déjà eu plus de deux fois les commandes espérées des cravates, seulement quelques jours après le lancement du projet. De quoi attendre avec impatience le suivant : des écharpes qui arriveront juste à temps courant novembre. Mais les commandes de cravates sont toujours ouvertes, et celles-ci sont d’une très belle qualité, pleines de ces petits détails qui raviront les connaisseurs. Et surtout, elles seraient vendues 90€ dans toute autre boutique moins web 2.0…

Frans Boone

La pochette Drakes fait toujours son petit effet

La vie vous réserve parfois de belles surprises : c’est lors d’une promenade touristique tout à fait innocente sur la côte flamande que je suis tombé sur la boutique Frans Boone. Connue pour son moulin pittoresque, son charmant belfort, et surtout les prix attractifs de ses boutiques de cosmétique en gros, j’étais loin d’imaginer que la ville frontalière de Sluis (2040 habitants) puisse réserver une telle pépite.

Car Frans Boone est une boutique véritablement exceptionnelle. En effet, très rares sont les multimarques ayant une telle sélection en Europe, et celle-ci fait intelligemment le pont entre l’univers de l’héritage américain et celui des vestes déstructurées, chemises cousues mains et autres petites joyeusetées bien italiennes.

Cela fait un petit moment que l’on entend parler du retour du made in Italy et avec lui de celui de l’influence culturelle vestimentaire italienne. Les flux RSS tendances débordant d’images volées à Pitti Uomo depuis maintenant plusieurs années, on se demandait quand est-ce que cela se traduirait par l’apparition en boutique d’une offre compatible. Et il semble que cela soit enfin en train de prendre forme, en effet de belles boutiques comme Trunk Clothiers à Londres (la boutique co-fondée par Monocle), Antonia/Excelsior à Milan, Frans Boone, mais aussi Mr Porter, Barneys… Toutes ont intégré de petites perles italiennes à leurs sélections.

Vous trouverez donc chez Frans Boone les marques assez familières que sont devenues Gitman Vintage, Alden, Orlebar Brown, Red Wing ou SNS Herning, mais accompagnées par les moins communs et parfois un peu moins casual Slowear, Crockett & Jones, Aspesi, Caruso, Barena, Essemplare, Boglioli, Salvatore Piccolo, Finamore, Barba et Drakes.

Frans Boone est un véritable prescripteur et déniche de nombreuses exclusivités pour sa sélection, en effet Salvatore Piccolo était chez lui avant d’avoir son stand à Pitti Uomo, et aujourd’hui il est le tout premier revendeur européen des new-yorkais Ovadia & Sons, qui font beaucoup parler d’eux outre-atlantique. Il réalise en plus de cela de nombreuses collaborations, par exemple avec Crockett & Jones, Salvatore Piccolo, Finamore, Caruso ou Alden.

La boutique possède une vitrine en ligne mais l’espace physique vaut vraiment le détour si vous êtes en train de faire du cyclotourisme dans les polders, voici quelques photos.


Frans Boone
Kapellestraat 17
4524 CW Sluis
The Netherlands
FransBooneStore.com



Interview – Husbands

On est comme ça chez Husbands, décontractés. Puis comme ça vous savez qui pose les questions (à gauche). Merci à Robin N. pour la photo !


Quand Nicolas Gabard nous a envoyé un mail pour nous présenter sa marque de vêtements pour homme, j’ai tout de suite été séduit, quelque chose m’avait interpellé dans la fraîcheur de l’image de marque et la simplicité du site internet. Le premier contact numérique réussi, il me fallait aller toucher les produits. Là encore bingo, une fois les pièces examinées je savais que c’était de loin la jeune marque la plus intéressante qu’il m’avait été donné de découvrir depuis longtemps. Après avoir écrit et publié ces quelques lignes pour vous faire part de mes premières impressions quelque chose me poussait à vouloir y retourner : outre les produits impeccables et l’image léchée, la démarche complète semblait particulièrement cohérente et différente de ce que le milieu avait à offrir d’habitude. Je suis donc retourné au 8 rue Manuel dans le 9ème arrondissement de Paris pour parler chiffons.

Après m’avoir offert un traditionnel café et quelques délicieux gâteaux italiens, Nicolas dû s’absenter un cour instant pour dissuader une pervenche un peu trop consciencieuse qui inspectait la rue. Je profitais de ce moment seul dans le bureau/boutique pour en balayer du regard les étagères où quelques vieux grands classiques de la littérature un peu jaunis attendaient tranquillement d’être redécouverts alors que de gros ouvrages de design et de mode masculines bataillaient avec des carnets d’échantillons de tissus très épais et quelques planches de boutons où la corne et le corroso taillaient le bout de gras. Quelques vinyls de groupes de rock anglais assistaient à la scène, observant les chaises de designers des années 70 savamment sélectionnées. Le bruit de la porte me tirait de ma rêverie et Nicolas qui entrait s’excusa de sa courte absence. Fasciné par l’environnement je ne lui répondais pas immédiatement mais entamais directement par une question qui venait de me traverser l’esprit:


Tu m’expliquais, la fois où tu me présentais Husbands, le lien entre culture et vêtement, pourquoi est ce que c’est important pour Husbands ?

Ce qu’il y a de fascinant dans le vêtement masculin, c’est qu’il dissimule des centaines d’histoires. Histoires liées à sa fonction qui appelle tels ou tel détails, formes, couleurs et qui perdurent jusqu’à nos jours. Histoires des savoir-faire qu’il véhicule, et de leurs évolutions. Histoires de ceux qui l’ont porté, en créant un style propre, encore source d’inspiration. Ces sous-bassements historiques, politiques, sociologiques, sont maginfiquement exliqués par Farid Chenoun dans son livre « Des Modes et des Hommes« . Bref on ne s’emmerde jamais quand on parle de vêtements masculins.

C’est l’ensemble de ces dimensions, qu’avec Synneve nous avons décidé d’explorer avec HUSBANDS, une démarche plus proche de l’archiviste, que du styliste. L’idée est d’explorer le vestiaire masculin et d’identifier les essentiels, les pièces maîtresses, ces pièces que chaque homme pourrait avoir pour construire sa garde robe idéale. Une sorte d’alphabet dans lequel tout à chacun pourra puiser pour raconter sa propre histoire. La construction de cette garde robe nécessite que chaque vêtement puisse durer, s’user, se patiner. D’où les savoir-faire traditionnels, gage de confort et de qualité, et les matières nobles et authentiques, à même de supporter la patine du temps.

Cet alphabet HUSBANDS le construit aujourd’hui en 2013, de sorte qu’il convient aussi d’intégrer dans cette garde robe idéale, évidemment le trois pièces en flanel rayures tennis, le costume croisé bleu en super 100, ou le manteau croisé Churchill mais aussi des éléments que s’évertuent à ignorer les Dressing the Man et autres Eternel Masculin : le selvedge denim 14,3/4OZ , les chelsea boots, la veste M65, le biker jacket, le pull de marin (toutes ces choses dont vous parlez sur redingote) etc.

Ce qu’on a envie de mettre en avant c’est la dimension culturelle dans sa fabrication mais également de redonner du sens aux pièces que nos contemporains peuvent avoir dans leurs garde robe.


Churchill en pinstripes.

Pourquoi est ce que c’est important pour toi de redonner du sens aux tenues que portent les gens ? Est ce que ça a été perdu ? Parce qu’on le veuille ou non le vêtement est vecteur d’idée, la première impression que tu as d’une personne est ce qui restera en tête pour un bon laps de temps, on ne peut donc pas dire que le vêtement n’est pas déterminant de l’avis que l’on se forge d’une personne que l’on rencontre pour la première fois…

Exactement, le vêtement dit beaucoup de nous. Le problème est que souvent il ne vient dire que ce que d’autres ont décidé de dire pour nous. Et ça s’appelle la mode, qui par un mouvement chaque fois changeant, auquel prennent part stylistes, bureau de tendances, journalistes, acheteurs, etc… vient rendre obsolètes les vêtements de l’année précédente. Me semble beaucoup plus intéressant celui/celle qui trouve sa propre voix(e) et vient expliciter année après année de façon de plus en plus précise la même histoire.

Beaucoup de gardes robes sont des cimetières, et les magasins actuels, des chambres funéraires (rires…).

Ce que nous voudrions, et j’en reviens à cette histoire d’alphabet, c’est qu’une nouvelle génération d’hommes, reviennent aux beaux vêtements qui durent, qu’ils se mettent à les porter, les user, les patiner, et que se faisant ils développent un style propre fait de nuances et de convictions.

Et dans la construction de cet alphabet/garderobe, HUSBANDS aimerait extirper toutes les explications, les histoires, les traditions, qui font du vêtement masculin quelque chose de quasi antinomique avec la notion de mode.

De ce point de vue, on est aussi là pour apprendre de ceux avec qui on travaille, et de nos clients. On a aussi un devoir de modestie et parfois devant la culture encyclopédique de certain, on se tait et on écoute (rire…).


Pantalon taille haute, boots et St James. Enfin lui on savait qu’il était bon.


Tu penses donc que l’on a perdu cette envie de donner du sens à nos tenues ?

Je ne sais pas. Il y a toujours eu des hommes élégants, qui savaient, qui s’intéressaient, qui pouvaient t’expliquer. Un vieux tailleur me disait l’autre jour, que si le vestiaire masculin aime tant les couleurs sombres c’est qu’au XIXème, la bourgeoise industrieuse triomphante entend se distancier de l’aristocratie oisive et de ses couleurs. Le même me racontait que jusqu’à la fin des années 60, les hommes portaient des uniformes codifiés par la nature même de leur activité professionnelle: on habillait le notaire garant du patrimone, en costume trois pièces gris rassurant, le médecin qui va en visite chez ses patients en tweed chaleureux, le banquier d’affaires, en costume bleu raisonnable etc. Puis Renoma est arrivé, et on est passé de Jean Gabin à Jacques Dutronc et Serge Gainsbourg!

Pour revenir à ta question du sens, si on l’a perdu  c’est peut être que l’on avait plus besoin de cette codification rigide et je n’ai pas le sentiment qu’il faille y retourner mais je crois qu’il faut connaître ces choses là. Quand tu mets un costume à rayures trois pièces, savoir que c’était l’uniforme des banquiers de La City, ou que Churchill l’arbore fièrement avec une mitraillette en 1936 dans une flanel Fox Brothers, mais que tu peux en faire autre chose est finalement assez drôle, parce que l’habillement peut être une source de plaisir. Qu’il existe probablement un espace de liberté entre la masturbation stylistique du dandy, l’obsession du détail du geek, et l’ennuyeuse banalité du salary man.


Et si c’est un jeu pourquoi le détail, les matières et le savoir faire ont une place si importante pour Husbands, après tout il suffirait d’aller chez Uniqlo, s’acheter un «déguisement» qui fera l’affaire de la première impression…

Je ne critique pas le genre d’enseignes dont tu parles, et qui ont une offre légitime, qui permettent de s’habiller sans trop dépenser. Reste que si tu désires des vêtements qui durent, si ta stratégie d’acquisition est de construire un vestiaire (et ce que nous voulons proposer avec HUSBANDS), alors deux éléments deviennent essentiels : la qualité de la construction (entoilage complet notamment) et le choix des matières (authentiques). Le vêtement doit se nourrir des beaux savoir faire traditionnels. Ce qui me gêne c’est quand certaines marques, dont on sait que la marge passe avant le souci de la qualité, tentent de faire prospérer un discours clairement opportuniste sur leurs soit disant savoir faire. C’est ce que j’explique à certains clients : il y a costumes et COSTUMES, qui finalement tous ont leur légitimité, mais qu’il ne faut pas tomber dans le piège du marketing de la tradition.

Ensuite, j’ai le sentiment que tu ne t’habilles pas pour les autres, mais pour exprimer une singularité et une personnalité qui t’est propre, en ayant conscience de ce qu’on fait les anciens et te construisant avec ce fond d’histoires.


L’alphabet selon HUSBANDS.


Mark Lee (CEO de Barneys), disait que l’homme en terme de shopping avait de plus en plus tendance à se comporter comme une femme, à voir le shopping comme un loisir plus que comme nécessité, de plus en plus sensible à la mode dans le sens courant du terme. Qu’est ce que tu en penses ?

Ah il doit avoir énormément de donnés que je n’ai pas, là où je vais simplement fonctionner sur de l’intuition. Si ce qu’il dit est que les types se réintéressent à leurs vestiaires, je suis d’accord avec lui. Mais ce qu’il semble sous entendre c’est que l’on va pouvoir faire de la mode pour homme et c’est précisément ce que je ne veux pas faire, la mode change par essence alors que je m’intéresse à la construction d’un vestiaire cohérent. J’en reviens à ta question de tout à l’heure sur le vêtement qui devrait dire de nous, et qui vient dire ce qu’on veut dire pour nous. L’homme n’est pas un femme avec de la barbe. Il ne m’apparait pas comme un animal de mode, continuellement changeant. L’homme se construit une personnalité en même temps qu’un style. Et le vêtement masculin fonctionne sur une temporalité longue, s’inscrit loin des modes, et dispose de ses propres prescripteurs là où la mode féminine  est chaque année soumise à un mécanisme normatif. Les prescripteurs masculins sont des sortes de pères putatifs, modèle de style et aussi de comportement, et de manière d’être. Des comédiens, des écrivains, des musiciens, des architectes ou simplement ton père ou ton grand-père.  Chaque homme raconte sa propre histoire (et pas celle d’un autre, et surtout pas une nouvelle chaque année). Il se choisit des modèles et s’en inspire.

Ensuite, j’ai l’impression que l’homme s’il est sensible à la coupe, et aussi intéressé par ce qu’il y a sous le “capot”. Quand j’observe mes clients, j’ai  l’impression que les deux hémisphères du cerveau sont sollicités, le gauche rationnel, explore les savoir faires, les détails, tandis que le droit  va être plus sensible à la coupe et aux matières. En résumé, je dirais, mais ma perception est peut être biaisé, que l’homme agit selon des stratégies d’acquisition du vêtements et de constitution de son vestiaire. Et c’est souvent aussi pour cette raison, que l’acte d’achat peut prendre du temps. Le problème avec la logique de mode, c’est que si tu mets 6 mois à te décider, et bien la pièce qui t’avait plû est forcément remplacée par une autre qui bien évidemment a peu à voir avec celle qui t’avait séduit. Je trouve cela désespérant, comme si chaque pièce était interchangeable, sans réelle légitimité. Nous avons une ambition tout autre : chaque vêtement HUSBANDS est motivé, a une raison d’être dans le vestiaire. On serait meutri de la voir dispparaître tellement on y a mis du coeur. Et cette pièce essentielle a vocation à rester chez nous des années. Autant te dire, que cette idée qui consiste à laiser le temps au client de réfléchir sans aucune pression n’est pas super bien vu par notre banquier (rires), pas plus que par notre expert-comptable; cela crée du stock et tu paies de l’impôt sur ton stock même quand il n’est pas vendu !

En conclusion, je dirais que ces stratégies où se mêlent rationnalité et plaisir, me semblent rétives à toute logique de mode, encore plus dans un univers hyperconnecté qui permet au gens de ne pas être dupe des discours marketing un peu faisandé.


Donc pour toi il n’y a pas vraiment d’engouement pour le travail du designer menswear ?

Je dirais qu’il en faut pour tout le monde mais que mes clients y sont finalement assez peu sensible. J’ai beaucoup de respect pour ceux qui utilisent le vêtement pour créer, innover, apporter une vision originale, cohérente et audacieuse. Mais ce n’est pas HUSBANDS : nous travaillons plus comme des archivistes, des historiens. Il nous appartient de construire un alphabet de pièces maitresses et de laisser nos clients innover dans la façon de les porter. En fait c’est ça, ce qui nous plaît, c’est la singularité dans l’assemblage, dans le mélange. Quand Gainsbourg associe un pantalon flannel à rayure craie, et un vieux Saint James, ou Redford, un denim et une veste en tweed, ça créé un accident qui fait style.

J’aime bien cette idée de Dries Van Noten qui expliquait qu’un vêtement doit assez peu dire de celui qui l’a conçu et beaucoup de celui qui le porte.

Parce que oui, ça ne marche pas à tous les coups… sorry Marc.


Husbands cherche donc un moyen moins calqué sur la mode féminine pour se développer ?

Oui HUSBANDS c’est du vêtement et pas de la mode. Nous voudrions que les hommes gardent leurs vêtements, les usent, les transmettent. Nous investissons dans les savoir-faire, pas dans les pas de porte. Nos vêtements sont livrés dans des sacs recyclés, pas des boîtes oranges. On cherche vraiment une autre façon de faire, moins violente, moins dévoreuse de ressources. Ce n’est pas forcément quelque chose que l’on met en avant mais cela constitue un objectif fort. D’être responsable dans la création de nos vêtements.

Mais ce n’est pas parce que tu fais du vêtement (et non de la mode ndr), que ta communication doit être forcément  ennuyeuse. Elle est peut-être là l’innovation à trouver.


Tu veux donc renouveler tout ça mais en éditant des classiques parfois centenaires, c’est amusant non ? Est ce qu’il n’y a pas un risque de perdre la mystique incroyable de la culture tailleur en voulant la dépoussiérer ?

On s’envisage comme un lieu de passages et de transmissions. Nous sommes très humbles et on se rend compte qu’il n’y pas un jour ou un client ne nous apprend pas un truc. Nous sommes bien conscients que nous avons beaucoup à découvrir, et nous sommes vraiment admiratifs du travail des artisans. Ça serait une grande fierté que des clients HUSBANDS nous quittent pour aller encore plus haut vers le grand artisanat, voilà encore un truc qui ne fera pas plaisir à notre banquier (rires).

J’ai bien conscience de ce que peut avoir de séduisant l’expérience du luxe, en revanche, ce qui est certain, c’est que pour toute une génération, tout le cérémonial, les codes, les boiseries et les fauteuils club sont au mieux impressionnants, au pire poussiéreux. On voudrait élaguer un peu, simplifier, rendre plus accessible, spontané. Tu sais, un jour je rentre chez un chausseur français bien connu et demande à essayer une paire de richelieu. Le type me regarde un rien méprisant en me disant «Non Monsieur, ceci est une paire de derby». Bon ben voilà, c’est un truc qui n’arrivera jamais chez nous… parce que je ne sais toujours pas ce qu’est un derby et ça ne sera jamais important.

Ensuite, toute cette pompe du luxe a un coût. Et il me semble que le critère prix, même pour des très beaux savoir faire, est important. La valeur que tu crée en tant qu’entrepreneur doit être équitablement partagé entre ton client, ton atelier, et toi qui doit continuer à développer ta marque.

La valeur ainsi créée ne doit pas être cannibalisée par une seule des entités de la relation. Aujourd’hui certaines marques de luxe font de jolies choses mais avec une exigence de qualité diminiuée par rapport à leurs pratiques passées, animées par des logiques financières. Si H&M et Uniqlo marchent autant, c’est qu’au delà de la démocratisation de la mode qu’ils proposent, leurs clients ont le sentiment d’en avoir pour leur argent. D’un autre côté certaines grandes maisons et marques prestigieuses pratiquent des prix décorrélés de la valeur intrinsèque du produit, le prix perdant toute sa valeur d’information. J’ai conscience que nos prix sont élevés, mais ils révèlent les savoirs faires de montages et matières qui définissent nos vêtements.

C’est aussi cette dimension qui fera que les hommes réinvestiront leur vestiaire.


Mais le costume n’a t il pas été un peu abandonné ? Même si certains d’entre nous aiment les silhouettes des années 40, il a une image parfois un peu ringarde ou trop attachée au monde du travail…

Notre ambition est de redonner à l’homme l’envie de remettre un costume. Il y a un retour à quelque chose. Les années 70/80 sont un peu la conquête du confort, on vient d’un monde très corseté, assez figé. Mais cette conquête du confort s’est un peu fait au détriment du vestiaire qui s’est peu à peu appauvri, certains d’hommes abdiquant tout intérêt pour cette richesse, le costume se trouvant alors préempté par l’univers professionnel ou à l’inverse par une espèce de sophistication stylistique d’initiés. Nous voudrions remettre le costume de la rue, montrer qu’on peut être aussi à l’aise et séduisant qu’en jeans et parka.

Les HUSBANDS ce sont forcément ceux du film de Cassavetes avec trois amis qui pendant quelques jours vont partir à la dérive, trois types normaux en costards mais avec une allure terrible.

Comme je te l’ai dit, nous voudrions que l’homme reprenne goût à s’habiller et s’approprie les essentiels que HUSBANDS va proposer. En les mixant à leur façon. Que le costume ne soit pas seulement un vêtement professionnel ou à l’inverse de cérémonie, mais qu’il soit porté quotidiennement avec un réel plaisir et selon un style singulier à chacun.


J’aime assez cette image de vêtement sans obsession: le but de tout ça ce serait finalement d’être suffisamment sûr de sa tenue pour s’en foutre, pour ne pas avoir à en parler plus que nécessaire ? Assez paradoxalement ça m’agace un peu de parler chiffons, j’aime bien quand il n’y a rien à dire à ce propos.

Oui je suis assez d’accord avec toi. C’est Scott Schuman du Sartorialist qui expliquait qu’il aimait bien l’attitude des Italiens, qui passaient beaucoup de temps à acheter un vêtement, mais que c’était justement pour ensuite ne plus y penser. Cela dit, le vêtement doit aussi être partie intégrante de ce que j’appellerais le bagage de « l’honnête homme » actuel, au même titre que les livres, la musique, le cinéma, le vin, la gastronomie etc. Or j’ai le sentiment que si cela semble être la cas en Italie, en Angleterre ou au Japon, ici en France, ça reste toujours un peu suspect, la condamnation pour frivolité n’étant pas loin. Avec HUSBANDS, j’aimerais bien redonner à certain cet intérêt pour le vêtement, sans jamais oublier que si cela est important, ce n’est qu’une partie de ce qui fait une personnalité.



Tu me parlais du choix délibéré de lancer HUSBANDS avec une distribution en propre…

Oui absolument, c’est apparu très vite. Et ce choix impacte tout ton modèle d’affaire, puisque tu dois financer ton propre stock, là ou la distribution t’autorise à ne financer qu’une tête de collection, la mise en production des vêtements ne venant qu’après les commandes des acheteurs/distributeurs.

Mais c’était vraiment ça qu’on voulait. J’expliquais l’autre jour, qu’on ne vendait pas des vêtements mais qu’on habillait des gens. Et ça change tout, parce que tu ne peux pas te permettre qu’un vêtement n’aille pas. Tu ne peux pas laisser partir un client avec un vêtement approximatif. Tu dois prendre en charge les retouches sans coût supplémentaire. Et tu ne dois pas hésiter à refuser une vente, si ton vêtement n’est pas adapté à la morphologie du client.

On voulait voir nos vêtements portés. Tu sais c’est très intéressant de monter une marque, de réfléchir à son identité, de travailler la coupe avec le modéliste, de choisir les matières en Angleterre, d’aller à l’atelier en Italie, mais la réelle satisfaction, le truc qui te fait dire que tu sers à quelque chose, c’est quand tu vois quelqu’un dans tes vêtements qui rayonne, et que tu vois qu’il se trouve élégant. C’est la récompense !

Ensuite, ce contact direct avec les clients, t’apporte une mine d’informations. D’abord sur les essayages. Je dis souvent aux gens qui rentrent que nos vêtements sont là pour être essayés avant d’être achetés. Oui je sais c’est très con, t’essaie toujours avant d’acheter, mais pour nous c’est particulièrement intéressant. Sérieusement, chaque essayage t’apporte une information sur la valeur de ton patron, sur la silhouette que tu veux proposer, le style devant se marier avec le confort. Et même si tu as des convictions, tu dois aussi entendre les retours que l’on te fait. Aujourd’hui nous en sommes à notre troisième évolution de patronage en moins d’un an. Et ça tu ne peux le faire, que parce que  chaque jour tu vois tes vêtements portés. Avec des distributeurs ou des détaillants nous serions moins à l’écoute du client final.

Ensuite, souvent nos client viennent nous nourrir, soit parce que ce sont eux aussi des  passionnés, parfois plus pointus que nous, soit qu’ils viennent t’apporter des anecdotes sur leur pères, leurs grands-pères, ou des histoires sur tel ou tels artistes. Et tout cela enrichit considérablement HUSBANDS.

Du coup un détaillant ne t’est pas utile dans la stratégie que tu as choisie?

Aujourd’hui c’est prématuré pour nous. Mais c’est vrai que cela me paraît légitime quand tu es fier de ce que tu fais, de vouloir que le maximum de personnes puissent y avoir accès. Reste que cela doit se faire avec le même souci de service. Aujourd’hui, compte tenu du niveau de notre marge, il nous est impossible d’en plus supporter celle du détaillant. Après tu sais que si tu montes en volume, tu gagnes en marge. À nous de donner ces marges supplémentaires au détaillant, mais en préservant à tout prix notre exigence de qualité.

Et se pose aussi la question de la légitimité et du rôle du détaillant.

Absolument. Avant Internet le détaillant physique était un découvreur en même temps qu’un prescripteur. Avec Internet, les hommes sont en mesure de découvrir eux même tel ou tel produit, de s’informer sur telle ou telle fabrication. Et de passer à l’achat sur un eshop. En boutique, les gens arrivent avec une réelle connaissance. Le détaillant maintenant doit être à niveau, sinon il disparaitra.


Dans le vêtement on a quand même la problématique de l’essayage: acheter sur internet c’est prendre le risque d’être déçu à un certain niveau, que ce soit au niveau du fiting, de la couleur ou du toucher de la matière…

Oui effectivement, et c’est plutôt bien. Reste que and tu vois des sites comme Mr Porter, tu ne peux qu’être bluffé par leur puissance de feu et la qualité de la gestion des retours et des échanges. Je vois les deux expériences comme étant complémentaires l’une de l’autre. Rien ne remplacera jamais un véritable essayage chez un détaillant passionné, mais encore faut-il qu’il le soit. Le web, lui, offre une exhaustivité irremplaçable et une source d’information et de découverte inépuisable.

Au final tout cela marque le retour des passionnés, qu’ils soient créateurs, blogueurs ou consommateurs. Et ce mouvement ne peut qu’améliorer la qualité général de nos vêtements et donnera à redingote encore des raisons d’écrire de nombreux posts (rires).

When in Rome, do as Romans do

30 chemises identiques ?


Récemment ouverte dans le marais à Paris, la galerie Made In Town propose régulièrement des expositions et événements sur des thèmes qui nous sont chers. Ayant accueilli la présentation de la première collection De Bonne Facture dès l’ouverture, ce lieu dédié à la fabrication locale accueille aujourd’hui une exposition sur le savoir-faire des chemisiers sur mesure romains.

Intitulée d’après le fameux proverbe, When in Rome, Do as Romans Do présente le résultat d’une expérience que rêvent d’effectuer tous les amateurs de belles chemises. Le créateur Pascal Gautrand, à l’occasion d’une résidence d’un an à la villa Médicis, est allé à la rencontre d’une quarantaine de chemisiers romains, afin de leur commander à chacun la réalisation, à leur manière, d’une reproduction d’une basique chemise Zara.

L’Italie, on en a déjà parlé, dispose toujours d’une forte tradition tailleur et les hommes, même les moins impliqués, continuent de s’y faire faire des vêtements sur mesure. Il en résulte dans la capitale italienne un écosystème complet composé de nombreux chemisiers, ayant tous développé un savoir-faire spécifique et une clientèle propre.

Au final, ce n’est pas moins d’une trentaine de chemisiers qui ont accepté de jouer le jeu. Tous ont effectué une chemise se rapprochant de la chemise Zara, utilisant un tissu parmi leur catalogue et travaillant à leur manière : prise de mesure, essayages, fabrication complètement artisanale ou semi-industrielle, demi-mesure ou grande mesure, tout cela pour des prix allant d’une cinquantaine à plus de trois cent euros.

L’exposition présente donc une trentaine de chemises, qui paraîtront identiques à première vue, mais s’avéreront pleines de petits miracles à ceux qui s’attarderont suffisamment. Forme et tissu des hirondelles de renfort, boutonnières finies ou non à la main, couture et taille des boutons, étiquettes plus ou moins visible, tissu d’une finesse particulière, broderies, nombre de points au centimètre, utilisation ou non de thermocollage dans le col et les poignets, montage des manches décalé, tout détail devient alors facteur de différentiation et porte l’empreinte du chemisier et de son savoir-faire.

L’exposition est une occasion rare d’approcher et de toucher les détails chargés d’histoire qui font la qualité et l’exceptionnalité des plus belles chemises romaines.

Celle-ci s’achève samedi prochain, est ouverte du mardi au samedi de 14H à 19H. Tous les détails sont sur le site de la galerie.

 

Les broderies dépendent énormément du savoir-faire de l’artisan.

 

Les coutures des boutons varient énormément d’un chemiser à l’autre, ici une couture fleur de lys contrastée, pas vraiment ce qu’on trouve de plus subtil …

 

Les étiquettes, leur place, leur taille, en disent souvent beaucoup sur un chemisier et l’esprit de sa maison

 

Un détail particulièrement recherché, les emmanchures rabattues à la main, on perçoit tout juste la couture.


Une boutonnière réalisée à la main, que l’on reconnait par l’irrégularité de ses points.

Pitti Uomo – Salvatore Piccolo PE 2013


Une belle étiquette qui fera frissonner le fan de Dragon Ball qui sommeille en vous

Faute à la tendance preppy à l’américaine, les chemises à cols boutonnés dominent la mode casual depuis maintenant de bonnes années. On a pu voir l’invention typiquement américaine de Brooks Brothers reprise à toutes les sauces, avec pour incontournable chez toutes les marques la chemise à col boutonné en oxford bleu ciel. De l’autre côté de l’échiquier de la mode casual, certains irréductibles persistent à sortir des chemises aux mini-cols étriqués, sortes de reliquats de l’esthétique Dior Homme par Hedi Slimane qui commence franchement à dater.

Ce bref panorama montre bien comme l’offre en terme de forme de chemise commence à manquer de fraîcheur, si bien que beaucoup se concentrent maintenant sur des matières et imprimés innovants pour se démarquer : tissus japonais, chemises hawaiienne, motifs africains, ou même en liberty.

Mais pour ceux qui cherchent un peu de changement sans trahir la discrétion de leur mise, la solution pourrait bien venir d’Italie. L’Italie est un pays à la forte culture vestimentaire masculine, et possède des savoirs-faire inégalés en terme de tissage et de confection de chemises ou de costumes. Non seulement c’est véritablement le dernier bastion d’Europe de l’ouest en terme d’industrie textile, mais en plus les italiens ont su conserver une certaine tradition de l’habillement, qui se traduit par l’existence de centaines d’artisans tailleurs, dont certains font sûrement parmi les plus belles choses au monde.

Voici donc mon coup de coeur de Pitti Uomo : à l’origine un de ces artisans créant des chemises à la demande, Salvatore Piccolo développe depuis quelques saisons une gamme de chemises en prêt à porter, disponibles dans quelques boutiques dans le monde. Pour ces collections, il utilise donc tout ce qui fait de la chemise italienne quelque chose d’unique : montage intégralement réalisé à la main dans la région de Naples (avec un point incroyablement fin), pas de thermo-collage dans les cols et poignets, des raccords particulièrement travaillés, et surtout des cols italiens! Le must reste dans la richesse des tissus utilisés, ceux-ci sont souvent réalisés en exclusivité par des tisseurs italiens pour Salvatore Piccolo, et ils sont sûrement parmis les plus beaux que nous ayons pu apprécier cette saison (à défaut de pouvoir toucher, n’hésitez pas à cliquer sur les photos pour voir de plus près).

La seule boutique où j’ai pu voir leurs chemises est Antonia à Milan (et donc aussi Excelsior, un grand magasin local qui mérite une visite si vous êtes dans le coin). En France la marque n’est disponible pour l’instant qu’à St Tropez, chez le multi-marque Battaglia, tandis qu’aux États-Unis, Barneys l’a rentré il y a quelques saisons. Au delà de ça, Salvatore Piccolo a aussi collaboré avec le magazine Monocle, qui choisit toujours très bien les marques avec lesquelles il s’associe. C’est donc encore une fois une marque que l’on aimerait bien voir se développer en France, je vous laisse apprécier quelques photos prises à Pitti Uomo.


Rayures et reliefs, on est loin de la simple bengal stripe


On atteint ici les limites de l’internet, vous ne pouvez hélas pas toucher ce tissu incroyable

 

Les imperfections de la présentation des modèles (autocollants ci-dessus + cintres métalliques + manque flagrant de repassage) : un moyen de rappeler que nous sommes en face d’un artisan ?


Un tissu rayé n’est jamais qu’un simple tissu rayé chez Salvatore Piccolo : celui-ci découvre des reliefs lorsqu’on regarde de plus près

 

Ce tissu n’est pas énormément étonant, c’est l’association avec un cutaway collar qui l’est plus


Ceci-dit cela reste une très belle étoffe

 

On apprécie aussi les boutonnières, réalisées à la main


Encore une fois, ce qui ressemble tout simplement à une rayure verticale …


…présente en fait une texture assez incroyable


La marque propose aussi des étoles, mouchoirs et vestes très intéressantes


Les effets de textures sont aussi présent sur ce « vichy à flocons »


Du carreaux ou du pied-de poule ?


Les tissus utilisés font un peu penser à ceux développés par Camoshita


Un oxford rouge de toute beauté, ainsi que le renfort qui tient lieu d’hirondelle (comme chez Charvet)

Mes Chaussettes Rouges

 

Parmi les innombrables sites de vente de chaussettes en ligne, certains sortent brillamment du lot. On vous avait déjà parlé de Archiduchesse, la marque de chaussettes Made in France fondée par Patrick Cassard, suivie par une importante communauté sur internet. Dans un tout autre registre, Mes chaussettes Rouges est un site proposant des chaussettes en ligne, mais pas n’importe lesquelles : des chaussettes hautes, luxueuses et d’exception.

L’idée est intéressante et met l’accent sur l’histoire de fournisseurs pas comme les autres.  Comme l’explique Vincent Metzger, un des deux fondateurs du site : « L’idée m’est venue le jour où j’ai appris que Balladur portait des chaussettes Gammarelli, la boutique romaine qui habille le pape ! Elles n’étaient donc disponibles qu’à Rome, où je n’avais malheureusement pas de raison d’aller. D’autres amis enthousiastes à l’idée d’en avoir m’avaient convaincu que je n’étais pas seul à en vouloir… ». Le site est donc lancé en 2009 et a la chance d’être le distributeur exclusif de chaussettes Gammarelli.

Gammarelli est une maison de tailleurs installée à Rome depuis la fin du 18ème siècle, époque depuis laquelle ils habillent le Vatican. Au sein de leur boutique discrète située derrière le panthéon romain, la 6ème génération d’une longue lignée de tailleurs s’occupe notamment des tenues du pape, des cardinaux et des évêques, ainsi que de leurs chaussettes aux couleurs si particulières : rouge vif, noir soutenu ou violet. Que l’on soit catholique ou pas, on ne peux qu’apprécier le savoir-faire et la longue expérience d’une telle maison, et l’anecdote est très sympathique.

C’est peu après que Mes Chaussettes Rouges se mirent à travailler avec un autre tailleur, parisien cette fois-ci : Stark & Sons. Cette ancienne maison à la clientèle prestigieuse est aujourd’hui responsable des habits d’apparat des membres de l’Académie française (une petite visite ici). Le résultat de cette collaboration est la gamme de chaussettes Mazarin Grand Faiseur, dont les plus emblématiques sont les vertes Académie, qui reprennent la couleur des rameaux d’olivier brodés sur les tenues des académiciens.

La qualité est bien sûr au rendez-vous : les chaussettes du site sont toutes fabriquées en Italie, en fil d’Écosse et ont la particularité d’être proposées pour toutes les pointures, taille par taille. De plus, le remaillage, « opération qui consiste à coudre les mailles au dessus des orteils » est entièrement fait à la main, « c’est coûteux en main d’œuvre, mais bien plus confortable » nous confie le co-fondateur.

Le site porte une attention particulière à la livraison de ses produits : une petit mot personnalisé et écrit à la plume, ainsi qu’une sympathique surprise sur l’enveloppe : « Nous sommes très attachés à l’idée d’avoir une relation dans la durée avec nos clients. Le titre que nous donnons à nos clients sur l’enveloppe évolue par exemple avec le nombre de commandes : Impeccable pour les deux premières commandes, Excellent de la 3ème à la 9ème, Eminent ensuite, puis pour 50 et 100, d’autres titres connus des seuls porteurs… ».

En plus de proposer des chaussettes bien pratiques pour colorer une tenue, Mes Chaussettes Rouges a trouvé la formule pour faire vivre une véritable expérience de luxe sur internet, une démarche dont beaucoup feraient bien de s’inspirer…