La Stòffa

Le tricotage d’une cravate en soie

Une recherche syntaxique sur les noms de marques pour homme pourrait nous en dire long sur les tendances d’une époque et ses influences. Si dans le passé il a été tour à tour bien vu de s’inventer un nom français, italien, américain, anglais ou même écossais, il semble qu’aujourd’hui il soit à nouveau de rigueur de s’imaginer une histoire italienne. Après O. Ballou, traité ici il y a quelques semaines, voici une seconde marque anglo-saxonne se revendiquant de savoir-faire transalpins. Le développement d’une collection part généralement de la vision d’un créatif, les chefs de produits et façonniers faisant ensuite de leur mieux pour atteindre un résultat s’approchant au maximum de cette vision.
Stòffa prend le problème à l’envers : la jeune marque new-yorkaise prend ses fournisseurs – tous italiens – comme base pour la construction d’un assortiment de produit. Le fondateur de la marque – Agyesh Madan – se présente comme un chef de produit et non comme un styliste. Mais si Agyesh Madan est un chef de produit, c’est un chef de produit avec une vision forte et une bonne dose de bon goût. C’est en effet un de ces jeunes loups qui posent en chapeau mou à Pitti Uomo et, contrairement à certains, il peut se le permettre : après avoir été diplômé de Parsons et avant de monter Stòffa, ce jeune homme s’occupait de la direction du développement produit chez Isaia.
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O.Ballou

La gouaille napolitaine en cachemire à 400€

O.Ballou c’est un peu la rencontre du made in Italy et d’Akhenaton dans le clip de Je danse le Mia. La marque a un univers qui sent bon l’Italie du sud, à des lieues des vestes trop serrées et des accumulations de pochettes de Pitti Uomo. Cet univers est celui d’un fabuleux patrimoine artistique souvent laissé à l’abandon, de petits deals, de bouchers inquiétants, de grèves des éboueurs, de processions religieuses et de plages bondées. C’est un petit peu comme si les jeunes protagonistes de Gomorra magouillaient du Cucinelli tombé du camion.
En fouinant un peu, on réalise avec une pointe de déception que O.Ballou est en réalité une marque londonienne fondée par un Néo-Zélandais, qui prend donc tout logiquement son inspiration entre Naples et la Sicile.
Simon Cato, le fondateur, s’explique : « C’est important que les gens comprennent que cet esprit très italien est juste un concept avec lequel nous jouons« . Tout est tout de même fabriqué au pays de la porchetta, et la marque se spécialise dans la maille et le cuir, en recherchant en priorité une belle qualité de réalisation. « Il y a un aspect street assez fort, mais en même temps une certaine sophistication. C’est cet équilibre qui nous intéresse vraiment« . La marque est relativement nouvelle et n’a pour l’instant que quelques produits disponibles en ligne, et seulement 4 points de vente dans le monde.
A surveiller donc.
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Milan, prendre le pli

Cet article a été rédigé et illustré par nos amis de L’Impeccable, un team créatif formé par Foucauld & Quentin.
L’un écrit, l’autre dessine, les deux s’expriment ensemble sur des supports allant de la publicité au dessin de presse, des nouvelles aux bandes dessinées.
Qu’ils patinent leurs Church’s ou inspectent la cuisson d’un gigot de sept heures, Maître Renard et Compère Loup ont l’œil qui brille derrière la fumée de leurs havanes…


Dans la capitale de la mode italienne, l’automne est sur les larges avenues et donne des envies de velours. Malgré les Vans qui consolent mes pieds meurtris, je tente de prendre l’air vénérable et sonne chez Stivaleria Savoia, bottier et sellier sur mesure de la Via Vincenzo Monti. Une dame m’ouvre, me salue sans sourire, puis retourne s’affairer en retrait. Je contemple les cravates E.Marinella et les parapluies, les bottes de cavalerie et les richelieus de daim. La fille de la famille vient surveiller ce client suspect. Fauché, je sors en m’inclinant.

De ce premier séjour milanais, je prends quelques notes fugaces, au gré de l’inspiration. Rapidement, les faits sont là : bon nombre de mes impressions sont liées à la cause vestimentaire. Qu’iraient-elles faire dénudées sur La Conjuration quand ces messieurs de Redingote acceptent de les recevoir au chaud ?

S’épuiser à parcourir la ville, connaître le plaisir de l’apprivoiser, d’appréhender enfin les distances. Sentir, puis lever les yeux. Toscano ? Oui. Un monsieur pédale cigare au bec. Il y en aura d’autres, pistés à l’odorat.

Au détour de diverses ruelles, je tombe sur Artisanal dont Scott Schuman louait les mérites. Je trouve porte close puis comprends. Ah ces boutiques où il faut sonner… Le carillon tinte et une dame se lève de son bureau pour me dévisager. Do you come from The Sartorialist ? J’acquiesce rougissant. Comment l’avez-vous deviné ? Our regular customers are old men… Elle me présente divers souliers. Des bottines Trickers, de splendides Edward Green, d’attirantes inconnues romaines, des Alfred Sargent à prix doux, mais également ses services de ressemelage et d’entretien. Je saisis sa carte filigranée et prends congé de cet heureux voisinage.

À la Pasticceria Cucchi, une serveuse me tend une brioche à la crème en forme de croissant et me dirige vers un vieux monsieur cravaté, vêtu d’une veste de tweed. Elle lui indique le montant à encaisser, avant de clore respectueusement sa phrase par « Signore… » Etait-ce le Signore Cucchi ? Propriétaire ou non, l’ancêtre avait de l’allure, de la tenue, et forçait le respect.

En face, au Caffè Della Pusterla, un chocolat chaud épais comme une Danette m’aide à patienter jusqu’à l’aperitivo. Je fume et lis dehors. À travers la porte fenêtre, je regarde le personnel s’affairer. Bouteilles d’alcool, verres, tasses et théières sont rangées derrière les portes coulissantes et vitrées d’un grand buffet qui donne du cachet à cet établissement. Pourtant, il sert davantage de salle de perm’ que de spot à bobo. L’enseigne précise même « con sala di lettura ». Au pied de la porte, une gamelle de flotte pour d’éventuels toutous déshydratés. On m’apporte l’addition dans une petite boîte en métal et je file siffler des Spritz ailleurs.

Je ne parviens pas à mettre des mots sur les points communs qu’ont les italiennes que je trouve jolies : ce brun si particulier, ce grain de peau visible, ce nez, la forme de leurs yeux et la manière qu’elles ont de vous regarder. Qui a écrit sur elles ? Qu’a-t-on écrit sur elles ?

Je quitte des femmes inconnues, mais j’ai déjà du mal à les quitter. Je suis dans le taxi, une autre femme, sans visage, chante à la radio un air qui me cause un pincement au cœur. Ces « allora » qui retentissent, solitaires comme peuvent l’être les soupirs.

Nous sommes samedi après-midi et dans la Via Belfiore, des hommes d’âges divers s’entassent au numéro 9. Il s’agit de Cardinale, une boutique qui confectionne des souliers d’inspiration anglaise mais ici, en Italie. On y trouve pour moins de deux cents euros des brogues qui n’ont pas à rougir face aux Chetwynd de Church’s, également disponibles en cinq patines de cuir grainé, sans jamais verser dans l’excentricité.

Dans les looks des élégants milanais, il y a quelque chose du BCBG des années 90, mais en plus ajusté. Comment font de si jeunes gens pour avoir des 501 parfaitement délavés ? Et pour porter ces blousons en daim sans avoir l’air déguisés ? Leurs chinos cintrés marquent le pli. L’ourlet extérieur et la jambe courte cassent sur des derbies à boucles ou mocassins à pampilles. Ils ont l’air intemporels et immuables, sont élégants mais jamais guindés. Quand lundi reviendra, ils porteront de fines doublures matelassées sous leurs vestes de costume et, comme beaucoup, opteront pour un parapluie plutôt qu’un pardessus. Pour l’heure, je patiente à leurs côtés : je suis tombé sur ce que je cherchais en vain chez les grands chausseurs : une paire de derbies à double boucles dénuée de bout marqué. Manque de veine, elle n’existe qu’en un unique exemplaire prototype. Allons, je n’ai qu’à me dire que tout ceci n’est que plaisir du repérage : je reviendrai à Milan me refaire une garde-robe.

Je bats en retraite sous un ciel si bas qu’il me force à pencher la tête. Ce n’est pas un jour à mettre du daim dehors ! Peut-être, pour les automobilistes, est-ce un prétexte pour sortir ses Car Shoes ? Piéton las de sinuer entre les flaques, je m’engouffre dans une galerie. Le nez sur la vitrine de Boggi, je lorgne les costumes en prêt à porter, puis entre à tout hasard. Qu’auriez-vous comme chemises cintrées, taille 37 ? Celle-ci ? Fait rare, elle tombe parfaitement. La maison milanaise a ouvert pignon sur boulevard (Saint-Germain). La nostalgie aura donc sa parade parisienne.

Dans quelques heures je reprendrai l’avion. Dans ma tasse vide, la mousse du capuccio a triste mine. Au poignet gauche, un oud d’Acqua di Parma pulvérisé à la Rinascente. Sur l’autre, le Grey Vetiver de Tom Ford découvert à l’Excelsior. Entre mes doigts cassants, un noir Toscano et un stylographe. Un jour, quand je serai grand, j’aurai l’œil aussi aiguisé que le pli d’un pantalon milanais, et ma prose n’aura plus besoin d’ourlet.

Liens :

http://www.stivaleriasavoia.it/eng.htm
http://www.marinellanapoli.it/fr/
http://www.thesartorialist.com/photos/great-new-shop-artisanal-milan/
http://www.carshoe.com/fr/en
http://www.boggi.it/default_eng.php
http://www.excelsiormilano.com/en

Pitti Uomo – Salvatore Piccolo PE 2013


Une belle étiquette qui fera frissonner le fan de Dragon Ball qui sommeille en vous

Faute à la tendance preppy à l’américaine, les chemises à cols boutonnés dominent la mode casual depuis maintenant de bonnes années. On a pu voir l’invention typiquement américaine de Brooks Brothers reprise à toutes les sauces, avec pour incontournable chez toutes les marques la chemise à col boutonné en oxford bleu ciel. De l’autre côté de l’échiquier de la mode casual, certains irréductibles persistent à sortir des chemises aux mini-cols étriqués, sortes de reliquats de l’esthétique Dior Homme par Hedi Slimane qui commence franchement à dater.

Ce bref panorama montre bien comme l’offre en terme de forme de chemise commence à manquer de fraîcheur, si bien que beaucoup se concentrent maintenant sur des matières et imprimés innovants pour se démarquer : tissus japonais, chemises hawaiienne, motifs africains, ou même en liberty.

Mais pour ceux qui cherchent un peu de changement sans trahir la discrétion de leur mise, la solution pourrait bien venir d’Italie. L’Italie est un pays à la forte culture vestimentaire masculine, et possède des savoirs-faire inégalés en terme de tissage et de confection de chemises ou de costumes. Non seulement c’est véritablement le dernier bastion d’Europe de l’ouest en terme d’industrie textile, mais en plus les italiens ont su conserver une certaine tradition de l’habillement, qui se traduit par l’existence de centaines d’artisans tailleurs, dont certains font sûrement parmi les plus belles choses au monde.

Voici donc mon coup de coeur de Pitti Uomo : à l’origine un de ces artisans créant des chemises à la demande, Salvatore Piccolo développe depuis quelques saisons une gamme de chemises en prêt à porter, disponibles dans quelques boutiques dans le monde. Pour ces collections, il utilise donc tout ce qui fait de la chemise italienne quelque chose d’unique : montage intégralement réalisé à la main dans la région de Naples (avec un point incroyablement fin), pas de thermo-collage dans les cols et poignets, des raccords particulièrement travaillés, et surtout des cols italiens! Le must reste dans la richesse des tissus utilisés, ceux-ci sont souvent réalisés en exclusivité par des tisseurs italiens pour Salvatore Piccolo, et ils sont sûrement parmis les plus beaux que nous ayons pu apprécier cette saison (à défaut de pouvoir toucher, n’hésitez pas à cliquer sur les photos pour voir de plus près).

La seule boutique où j’ai pu voir leurs chemises est Antonia à Milan (et donc aussi Excelsior, un grand magasin local qui mérite une visite si vous êtes dans le coin). En France la marque n’est disponible pour l’instant qu’à St Tropez, chez le multi-marque Battaglia, tandis qu’aux États-Unis, Barneys l’a rentré il y a quelques saisons. Au delà de ça, Salvatore Piccolo a aussi collaboré avec le magazine Monocle, qui choisit toujours très bien les marques avec lesquelles il s’associe. C’est donc encore une fois une marque que l’on aimerait bien voir se développer en France, je vous laisse apprécier quelques photos prises à Pitti Uomo.


Rayures et reliefs, on est loin de la simple bengal stripe


On atteint ici les limites de l’internet, vous ne pouvez hélas pas toucher ce tissu incroyable

 

Les imperfections de la présentation des modèles (autocollants ci-dessus + cintres métalliques + manque flagrant de repassage) : un moyen de rappeler que nous sommes en face d’un artisan ?


Un tissu rayé n’est jamais qu’un simple tissu rayé chez Salvatore Piccolo : celui-ci découvre des reliefs lorsqu’on regarde de plus près

 

Ce tissu n’est pas énormément étonant, c’est l’association avec un cutaway collar qui l’est plus


Ceci-dit cela reste une très belle étoffe

 

On apprécie aussi les boutonnières, réalisées à la main


Encore une fois, ce qui ressemble tout simplement à une rayure verticale …


…présente en fait une texture assez incroyable


La marque propose aussi des étoles, mouchoirs et vestes très intéressantes


Les effets de textures sont aussi présent sur ce « vichy à flocons »


Du carreaux ou du pied-de poule ?


Les tissus utilisés font un peu penser à ceux développés par Camoshita


Un oxford rouge de toute beauté, ainsi que le renfort qui tient lieu d’hirondelle (comme chez Charvet)

éclectic – 8 rue Charlot


Un classique bien coupé qui recèle bien des secrets…


Par les temps qui courent, il pourrait paraître un peu étrange d’imaginer une marque de vêtement sans logo. Une marque qui ne se soucierait pas du calendrier des saisons de mode ou encore qui ne tournerait qu’autour d’une pièce et non pas d’une ligne complète, le tout sans chercher à communiquer plus que ça. Finalement ce serait vouloir se placer comme un spécialiste soigné et soucieux de l’allure et des besoins de ses clients plus que comme une marque commerçante cherchant à combler leurs envies fugaces.

Frank Malègue fait un peu ce pari en lançant éclectic l’année dernière, une marque avec laquelle il ne propose que des vestes et de belles pièces à manches. Dès le départ éclectic se positionne comme un spécialiste de la veste en prêt à porter : on fait très attention aux coupes, qui donnent de l’allure en restant près du corps, et également aux matières qui sont  belles, recherchées et agréables au toucher. Alors que la plupart des acteurs versaient l’année dernière dans l’héritage, le retour aux sources et la mode des pièces vintage, Frank Malègue décide avec éclectic de commencer à travailler sur des tissus techniques. Ainsi vous pourrez retrouver des pièces en laines imperméables, d’autres dotées de doublures chauffantes et respirantes ou encore un caban en Cordura indéchirable, spécialement étudié pour sa resistance à l’abrasion.

Veste en laine, doublée en polaire: on est bien.


Soucieux de faire fabriquer des vêtements véritablement beaux, éclectic ne coupe pas les ponts avec l’amour du savoir faire malgré son penchant pour l’innovation. L’ensemble de la collection est donc fabriqué dans un atelier italien du Veneto, à Trévise, qui travaille habituellement avec les grandes maisons de tailleurs: on peut donc compter sur une réalisation de haute qualité. Vous pouvez également le constater avec les quelques clichés qui illustrent mon propos: les finitions sont impeccables (même vraiment très belles, regardez les boutons) et le labeling est des plus discrets.

Boutons en métal lisse, joli contraste chaud/froid d’une direction artistique soignée.

 

Un labeling très discret, témoignage de bon goût.

En terme d’image, Frank Malègue semble vouloir souhaiter que sa marque reste accessible à une population plus large que celle de quelques initiés méticuleux: pour lui, chaque veste peut être portée par des gens différents d’un nombre de manières tout autant différentes. Pour mettre en lumière cet aspect il a lancé le projet photographique « éclectic portraits » qui met en scène des clichés de ses clients, ses proches et ses amis ayant étés photographiés dans la cave de la boutique. Chacun porte une veste éclectic à sa façon et participe à l’image de la marque, le résultat est bien sûr moins diffusé qu’une campagne classique, moins onéreux également mais beaucoup plus authentique, et sur le long terme ça peut donner quelque chose d’assez intéressant.

Rien à craindre avec ça sur le dos, en hiver comme par temps de pluie.


La veste devient alors un élément vraiment remarquable de votre garde-robe, assez décomplexée, un peu à la manière d’un jean que chacun usera et portera selon son look. On s’approprie une pièce multiforme qui devient quasiment une armure, qui protège volontiers du monde extérieur et que l’on pourra adapter à sa silhouette selon ses envies et ses humeurs. On l’envisage également comme une pièce hors du temps, dont on ne se lassera pas au bout d’une saison et qui relèvera avec succès l’épreuve du temps: l’idée du haut de gamme revient à grand pas, mieux vaut avoir une veste incroyable que 10 blazers mal coupés aux finitions juste moyennes que l’on est sûr de croiser à tous les coins de rues. Au pire on pourra la remiser dans un vieux coffre, le temps que vos enfants la trouvent assez cool pour l’enfiler à leurs tours.

Pas de photo maison pour celle ci, mais ça vous donne un aperçu de l’endroit.


Le positionnement luxe de la marque ne serait rien sans un un bel endroit pour lui servir d’écrin. La boutique éclectic est située dans le haut-marais à Paris, au 8 rue Charlot et l’espace joue également la carte du travail bien fait au niveau des matières et des textures (métal brut, pierres apparentes, peintures et plâtres burinés…). Les quelques vestes suspendues ou sur mannequins qui occupent l’endroit y apportent une ambiance chaude assez particulière et en sont les pièces maîtresses: rien ne vient perturber la lecture de la collection, on a tout de suite les yeux rivés sur les vêtement. L’accueil sympathique, ouvert et prompt à la conversation de Frank et de son équipe termine d’en faire un endroit où l’on a une réelle envie d’aller s’habiller. Je vous invite donc vraiment à aller y faire un tour, et surtout à aller essayer les pièces que propose la marque, ne serait ce que pour vous faire une idée du toucher des lainages et autres matières utilisées.

Pitti Uomo – Mackintosh

Mackintosh utilise des laines de chez Loro Piana et n’hésite pas à le faire savoir.

Cet article est le premier article d’une petite série qui durera tout le long de la fashion-week homme. Le but est de donner un aperçu de ce que réserve la saison prochaine (ici l’hiver 2012-2013) via quelques photos prises sur les salons professionnels, de surveiller ce que font les marques qu’on aime, et pourquoi pas d’en découvrir des nouvelles. Ces articles présenteront nos réactions à chaud, accompagnés de photos prises lors des salons.

Commencons donc par Pitti Uomo où j’ai la chance d’avoir été dépêché cette semaine. Ce salon, situé à Florence en Italie, et dédié au vêtement masculin, est une énorme machine : plus de 950 marques exposées (dont près de 620 italiennes) et 30 000 visiteurs sur une petite semaine. Depuis quelques saisons déjà, les projecteurs du monde entier se braquent sur l’Italie, qui a conservé un bien meilleur tissu industriel textile que ses voisins, et qui cultive un style bien particulier. C’est pour toutes ces raisons que Pitti Uomo est aujourd’hui devenu un salon de référence dans la mode masculine haut de gamme en Europe.

Première marque ayant attiré mon attention : Mackintosh. La marque britannique au très riche héritage a récemment subit un petit lifting. Ce rajeunissement s’est vu accompagné d’une ouverture d’un magasin dans le quartier de Mayfair, à Londres, ainsi que de quelques collaborations remarquées : Kitsuné, Converse, Nigel Cabourn … Pour ce qui est de l’histoire de la marque, les marketeux parleront ici d’un branduit : en effet « mac » est devenu un nom courant pour désigner le type d’imperméable vendu par la marque. La maison britannique s’est en effet fait connaître grace à des imperméables taillés dans un tissu très particulier composé de sergé sur le dessus, de popeline en dessous, et de gomme entre les deux pour garantir l’étanchéité. C’est toujours le même tissu qui est utilisé par la marque aujourd’hui sur toute une gamme de produits, qui sont encore réalisés à la main en Écosse. Cette gamme est assortie de doublures détachables en laine, sourcée chez Loro Piana, de quoi ravir des clients exigeants. La marque collabore aussi avec Loro Piana pour une autre gamme d’imperméables, où la matière première est une laine traitée et sistante à l’eau. Enfin une dernière gamme plus originale et créative appelée « 104 » reprend des classiques de l’outerwear anglais et les adapte à la sauce Mackintosh.

La gamme de Mackintosh en laine Loro Piana


La gamme de Mackintosh en laine Loro Piana

 

La marque fait attention aux détails : ici le raccord sur la poche d’un imperméable

 

La gamme « 104 », plus créative (et colorée !)

 

La gamme « 104 »

 

Encore un exemple de détail travaillé : la patte de serrage du poignet est doublée en velours côtelé marron assorti au col.

 

Le col d’un veste de la collection « 104 »

Leur modèle iconique, dans la matière qui a fait le succès initial de Mackintosh


Leur modèle iconique, dans la matière qui a fait le succès initial de Mackintosh

 

Leur modèle iconique, dans la matière qui a fait le succès initial de Mackintosh

Mes Chaussettes Rouges

 

Parmi les innombrables sites de vente de chaussettes en ligne, certains sortent brillamment du lot. On vous avait déjà parlé de Archiduchesse, la marque de chaussettes Made in France fondée par Patrick Cassard, suivie par une importante communauté sur internet. Dans un tout autre registre, Mes chaussettes Rouges est un site proposant des chaussettes en ligne, mais pas n’importe lesquelles : des chaussettes hautes, luxueuses et d’exception.

L’idée est intéressante et met l’accent sur l’histoire de fournisseurs pas comme les autres.  Comme l’explique Vincent Metzger, un des deux fondateurs du site : « L’idée m’est venue le jour où j’ai appris que Balladur portait des chaussettes Gammarelli, la boutique romaine qui habille le pape ! Elles n’étaient donc disponibles qu’à Rome, où je n’avais malheureusement pas de raison d’aller. D’autres amis enthousiastes à l’idée d’en avoir m’avaient convaincu que je n’étais pas seul à en vouloir… ». Le site est donc lancé en 2009 et a la chance d’être le distributeur exclusif de chaussettes Gammarelli.

Gammarelli est une maison de tailleurs installée à Rome depuis la fin du 18ème siècle, époque depuis laquelle ils habillent le Vatican. Au sein de leur boutique discrète située derrière le panthéon romain, la 6ème génération d’une longue lignée de tailleurs s’occupe notamment des tenues du pape, des cardinaux et des évêques, ainsi que de leurs chaussettes aux couleurs si particulières : rouge vif, noir soutenu ou violet. Que l’on soit catholique ou pas, on ne peux qu’apprécier le savoir-faire et la longue expérience d’une telle maison, et l’anecdote est très sympathique.

C’est peu après que Mes Chaussettes Rouges se mirent à travailler avec un autre tailleur, parisien cette fois-ci : Stark & Sons. Cette ancienne maison à la clientèle prestigieuse est aujourd’hui responsable des habits d’apparat des membres de l’Académie française (une petite visite ici). Le résultat de cette collaboration est la gamme de chaussettes Mazarin Grand Faiseur, dont les plus emblématiques sont les vertes Académie, qui reprennent la couleur des rameaux d’olivier brodés sur les tenues des académiciens.

La qualité est bien sûr au rendez-vous : les chaussettes du site sont toutes fabriquées en Italie, en fil d’Écosse et ont la particularité d’être proposées pour toutes les pointures, taille par taille. De plus, le remaillage, « opération qui consiste à coudre les mailles au dessus des orteils » est entièrement fait à la main, « c’est coûteux en main d’œuvre, mais bien plus confortable » nous confie le co-fondateur.

Le site porte une attention particulière à la livraison de ses produits : une petit mot personnalisé et écrit à la plume, ainsi qu’une sympathique surprise sur l’enveloppe : « Nous sommes très attachés à l’idée d’avoir une relation dans la durée avec nos clients. Le titre que nous donnons à nos clients sur l’enveloppe évolue par exemple avec le nombre de commandes : Impeccable pour les deux premières commandes, Excellent de la 3ème à la 9ème, Eminent ensuite, puis pour 50 et 100, d’autres titres connus des seuls porteurs… ».

En plus de proposer des chaussettes bien pratiques pour colorer une tenue, Mes Chaussettes Rouges a trouvé la formule pour faire vivre une véritable expérience de luxe sur internet, une démarche dont beaucoup feraient bien de s’inspirer…


 

 

Tommy Ton à Pitti Uomo

C’est le début de la courte période des salons et autres défilés présentant les collections hommes de la saison automne-hiver 2011. Depuis l’avènement du street-style, ces rendez-vous du monde professionnel de la mode sont particulièrement scrutés. En effet, qui de mieux que les acheteurs, les agents ou les vendeurs concernés pour présenter les modes et tendances des prochaines saisons ? Tous les street-styleurs, confirmés ou amateurs s’y donnent donc rendez-vous, à l’affut des nouvelles tendances et du parfait cliché. Tommy Ton fait plutôt parti des premiers, il s’occupe du site Jak & Jil depuis plus de deux ans, et c’est même lui qui a remplacé Scott Schuman (alias The Sartorialist) en tant que street-styleur officiel de Style.com l’an dernier.

Alors que Jak & Jil est plutôt dédié aux femmes et aux accessoires, Style.com et GQ US ont demandé à Tommy Ton de cette fois-ci se consacrer exclusivement au style masculin sur le luxueux salon italien Pitti Uomo. Le résultat est plus qu’intéressant, et vaut largement le détour. L’ensemble y est plutôt chic, et bien qu’on y croise les maintenant inévitables paires de Red Wing et autres sacs Filson, on retiendra surtout les blazers aux originalités bien italiennes. On y croise aussi de bonnes idées (vous aviez pensé à ranger vos écouteurs dans votre boutonnière vous ?), beaucoup de coudières, du tweed, des dizaines de pantalons cargos plutôt ajustés et une bonne quantité de cheveux gominés.

Voici une petite sélection, le reste est sur Style.com et GQ.com.

Be Linen – La clé du lin


Au travers de cette vidéo de Benoit Millot vous pourrez découvrir la filière complète du lin. De la récolte à la confection de vêtements ou de décoration, le réalisateur nous emmène dans différents endroits en France et en Italie et parvient à nous immerger dans l’univers de cette matière dont nous sommes loin de soupçonner toutes les propriétés. Une vidéo comme on les aime.

vu sur Kitsuné Noir




BE LINEN MOVIE from Benoit MILLOT on Vimeo.


Men of the Cloth

L’artisanat vestimentaire a le vent en poupe. Même si beaucoup s’intérèssent en ce moment de très près à ce qui se fait de l’autre côté de l’Atlantique, il ne faut pas oublier le patrimoine exceptionnel en la matière dont nous disposons ici, à proximité, en Europe.

Le documentaire Men of the Cloth, qui promet d’être un document assez exceptionnel, nous raconte donc l’histoire de trois maîtres tailleurs italiens, en situant ensuite leur profession dans le contexte actuel en soulignant parfois la difficulté pour ce corps de métier de susciter des vocations.

Produit par la Fondation nationale Italo-américain et par l’ Institut New yorkais de la Culture Italienne, le documentaire s’attache à faire ressentir la passion qui anime ces hommes et révéle la complexité d’un tel artisanat dans un monde très concurrentiel, où le costume a tout de même perdu beaucoup de la magie qu’il dégageait à l’époque à laquelle aller chez le tailleur n’était pas seulement l’affaire de quelques passionnés.

Vicki Vasilopoulos (journaliste pour Esquire, DNR…) suit donc pendant quelques temps Joe Centofanti, Nino Corvato et Checchino Fonticoli trois tailleurs italiens aux parcours bien différents: si les deux premiers exercent aux États Unis, l’un dans la banlieue de Philadelphie, l’autre sur la Madison avenue à New York, le dernier n’est autre que le co-fondateur de l’illustre maison Brioni, qui se tourne vers le futur en fondant une école, la « Brioni factory of artisans ».

Le budget du film étant malheureusement assez léger il semble que la production soit assez lente, le site internet fait d’ailleurs appel aux dons, mais il est sûr qu’à sa sortie il devrait séduire plus d’un amateur de vêtement et de traditions.

photos superbes: JDN