Gauthier Borsarello et son showroom

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C’est en emménageant à Londres il y a quelques années que je suis tombé pour la première fois sur une approche toute particulière du vintage, que je n’avais pas rencontré encore à l’époque à Paris. Présents sur les marchés (les boutiques s’évertuant à vendre de la fripe de piètre qualité au kilo …), ces stands pilotés par de véritables experts de la sape proposaient des sélections hyper référencées, pleines de belles pièces, souvent issues du monde militaire ou workwear. Il fallait pour cela se rendre à Portobello market tôt le vendredi matin ou à Spitalfields market le jeudi, à l’instar de nombreux designers londoniens. J’ai dégotté de très belles pièces à cette époque, sympathisé avec Doug du Vintage Showroom qui nous avait alors ouvert les portes de sa caverne d’Ali Baba, pour ensuite suivre l’ouverture de leur boutique à Covent Garden puis la sortie de leurs fantastiques livres.

Impossible alors de se rendre compte de l’ampleur du business côté showroom : en effet, en plus de vendre du vintage aux particuliers, The Vintage Showroom proposait à la location ou à la vente, souvent pour des prix importants, des pièces d’exception, parfois de véritables pièces de musée, permettant aux designers de s’inspirer de petits détails, de tissus, de coupe ou de couleurs.

J’ai pu vérifier l’importance du Vintage Showroom quelques années plus tard en travaillant chez Burberry, où de très belles pièces provenant de leur showroom, souvent même du Burberrys vintage, trainaient dans les archives et les studios.

Etonnement, ce genre de service n’existait pas sur Paris alors que de très nombreuses marques internationales y sont basées. C’est ici que notre ami Gauthier intervient : fort d’une expérience de chineur aguerri, et d’expériences chez Cifonnelli, Edward Green puis RRL, il a lancé l’an dernier son showroom, où il propose à la location et à la vente des pièces de sa collection. Les designers des marques qu’on suit avec attention sont déjà clients et Gauthier est entre temps devenu Style Director de la marque Holiday, lancée par Atelier Franck Durand (dont nous avions parlé ici). On sait déjà que sa culture du beau vêtement permettra à cette marque de se faire une place de choix dans nos colonnes.

Contactez-le pour une visite.

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Milan, prendre le pli

Cet article a été rédigé et illustré par nos amis de L’Impeccable, un team créatif formé par Foucauld & Quentin.
L’un écrit, l’autre dessine, les deux s’expriment ensemble sur des supports allant de la publicité au dessin de presse, des nouvelles aux bandes dessinées.
Qu’ils patinent leurs Church’s ou inspectent la cuisson d’un gigot de sept heures, Maître Renard et Compère Loup ont l’œil qui brille derrière la fumée de leurs havanes…


Dans la capitale de la mode italienne, l’automne est sur les larges avenues et donne des envies de velours. Malgré les Vans qui consolent mes pieds meurtris, je tente de prendre l’air vénérable et sonne chez Stivaleria Savoia, bottier et sellier sur mesure de la Via Vincenzo Monti. Une dame m’ouvre, me salue sans sourire, puis retourne s’affairer en retrait. Je contemple les cravates E.Marinella et les parapluies, les bottes de cavalerie et les richelieus de daim. La fille de la famille vient surveiller ce client suspect. Fauché, je sors en m’inclinant.

De ce premier séjour milanais, je prends quelques notes fugaces, au gré de l’inspiration. Rapidement, les faits sont là : bon nombre de mes impressions sont liées à la cause vestimentaire. Qu’iraient-elles faire dénudées sur La Conjuration quand ces messieurs de Redingote acceptent de les recevoir au chaud ?

S’épuiser à parcourir la ville, connaître le plaisir de l’apprivoiser, d’appréhender enfin les distances. Sentir, puis lever les yeux. Toscano ? Oui. Un monsieur pédale cigare au bec. Il y en aura d’autres, pistés à l’odorat.

Au détour de diverses ruelles, je tombe sur Artisanal dont Scott Schuman louait les mérites. Je trouve porte close puis comprends. Ah ces boutiques où il faut sonner… Le carillon tinte et une dame se lève de son bureau pour me dévisager. Do you come from The Sartorialist ? J’acquiesce rougissant. Comment l’avez-vous deviné ? Our regular customers are old men… Elle me présente divers souliers. Des bottines Trickers, de splendides Edward Green, d’attirantes inconnues romaines, des Alfred Sargent à prix doux, mais également ses services de ressemelage et d’entretien. Je saisis sa carte filigranée et prends congé de cet heureux voisinage.

À la Pasticceria Cucchi, une serveuse me tend une brioche à la crème en forme de croissant et me dirige vers un vieux monsieur cravaté, vêtu d’une veste de tweed. Elle lui indique le montant à encaisser, avant de clore respectueusement sa phrase par « Signore… » Etait-ce le Signore Cucchi ? Propriétaire ou non, l’ancêtre avait de l’allure, de la tenue, et forçait le respect.

En face, au Caffè Della Pusterla, un chocolat chaud épais comme une Danette m’aide à patienter jusqu’à l’aperitivo. Je fume et lis dehors. À travers la porte fenêtre, je regarde le personnel s’affairer. Bouteilles d’alcool, verres, tasses et théières sont rangées derrière les portes coulissantes et vitrées d’un grand buffet qui donne du cachet à cet établissement. Pourtant, il sert davantage de salle de perm’ que de spot à bobo. L’enseigne précise même « con sala di lettura ». Au pied de la porte, une gamelle de flotte pour d’éventuels toutous déshydratés. On m’apporte l’addition dans une petite boîte en métal et je file siffler des Spritz ailleurs.

Je ne parviens pas à mettre des mots sur les points communs qu’ont les italiennes que je trouve jolies : ce brun si particulier, ce grain de peau visible, ce nez, la forme de leurs yeux et la manière qu’elles ont de vous regarder. Qui a écrit sur elles ? Qu’a-t-on écrit sur elles ?

Je quitte des femmes inconnues, mais j’ai déjà du mal à les quitter. Je suis dans le taxi, une autre femme, sans visage, chante à la radio un air qui me cause un pincement au cœur. Ces « allora » qui retentissent, solitaires comme peuvent l’être les soupirs.

Nous sommes samedi après-midi et dans la Via Belfiore, des hommes d’âges divers s’entassent au numéro 9. Il s’agit de Cardinale, une boutique qui confectionne des souliers d’inspiration anglaise mais ici, en Italie. On y trouve pour moins de deux cents euros des brogues qui n’ont pas à rougir face aux Chetwynd de Church’s, également disponibles en cinq patines de cuir grainé, sans jamais verser dans l’excentricité.

Dans les looks des élégants milanais, il y a quelque chose du BCBG des années 90, mais en plus ajusté. Comment font de si jeunes gens pour avoir des 501 parfaitement délavés ? Et pour porter ces blousons en daim sans avoir l’air déguisés ? Leurs chinos cintrés marquent le pli. L’ourlet extérieur et la jambe courte cassent sur des derbies à boucles ou mocassins à pampilles. Ils ont l’air intemporels et immuables, sont élégants mais jamais guindés. Quand lundi reviendra, ils porteront de fines doublures matelassées sous leurs vestes de costume et, comme beaucoup, opteront pour un parapluie plutôt qu’un pardessus. Pour l’heure, je patiente à leurs côtés : je suis tombé sur ce que je cherchais en vain chez les grands chausseurs : une paire de derbies à double boucles dénuée de bout marqué. Manque de veine, elle n’existe qu’en un unique exemplaire prototype. Allons, je n’ai qu’à me dire que tout ceci n’est que plaisir du repérage : je reviendrai à Milan me refaire une garde-robe.

Je bats en retraite sous un ciel si bas qu’il me force à pencher la tête. Ce n’est pas un jour à mettre du daim dehors ! Peut-être, pour les automobilistes, est-ce un prétexte pour sortir ses Car Shoes ? Piéton las de sinuer entre les flaques, je m’engouffre dans une galerie. Le nez sur la vitrine de Boggi, je lorgne les costumes en prêt à porter, puis entre à tout hasard. Qu’auriez-vous comme chemises cintrées, taille 37 ? Celle-ci ? Fait rare, elle tombe parfaitement. La maison milanaise a ouvert pignon sur boulevard (Saint-Germain). La nostalgie aura donc sa parade parisienne.

Dans quelques heures je reprendrai l’avion. Dans ma tasse vide, la mousse du capuccio a triste mine. Au poignet gauche, un oud d’Acqua di Parma pulvérisé à la Rinascente. Sur l’autre, le Grey Vetiver de Tom Ford découvert à l’Excelsior. Entre mes doigts cassants, un noir Toscano et un stylographe. Un jour, quand je serai grand, j’aurai l’œil aussi aiguisé que le pli d’un pantalon milanais, et ma prose n’aura plus besoin d’ourlet.

Liens :

http://www.stivaleriasavoia.it/eng.htm
http://www.marinellanapoli.it/fr/
http://www.thesartorialist.com/photos/great-new-shop-artisanal-milan/
http://www.carshoe.com/fr/en
http://www.boggi.it/default_eng.php
http://www.excelsiormilano.com/en

Last


Last but not least

En terme de mode masculine, le Japon est sûrement le pays où l’on trouve les journaux spécialisés les plus pointus au monde. C’est donc toujours un plaisir de parcourir les rayons de la librairie japonaise Junku à Paris (je vous en avais déjà parlé ici) à la recherche de nouvelles merveilles de maniaquerie obsessionnelle.

Mon dernier butin s’appelle Last, se lit à l’envers, et ne possède que de très rares phrases déchiffrables par le non-japonophone que je suis. Last, les calcéophiles les plus bilingues d’entre vous le savent déjà, signifie « forme » en anglais: c’est un terme qui décrit l’outil en bois ou en plastique sur lequel va être bâti et « formé » un soulier. Last est donc bien entendu dédié aux amateurs de belles chaussures, et le numéro que j’ai entre les mains propose un véritable abécédaire des grands bottiers internationaux: y figurent nos nationaux Corthay, John Lobb, Paraboot, Berluti, aux côtés de classiques tels qu’Edward Green ou Alden, et accompagnés de quelques découvertes.

La mise en page et les visuels sont d’une qualité assez rare, et chaque marque est présentée accompagnée de quelques-uns de ses modèles emblématiques. Sont aussi présentés quelques visites d’ateliers français d’exception, notamment ceux de John Lobb et de Berluti, et d’un tailleur japonais basé à Courbevoie dont il me tarde d’apprendre un peu plus …


Leffot – La bonne pointure


De passage à New York, j’en ai profité pour passer par la fameuse boutique Leffot dans le quartier du West Village. Ayant une certaine passion pour les chaussures, surement proche de la maladie, autant dire que j’ai apprécié les lieux. La boutique est relativement petite, du moins plus petite que je l’imaginais. Le magasin s’organise autour d’une grande salle avec une très belle sélection de chaussures alignées sur une table située au milieu. Vous pourrez aussi trouver des chaussures au sol, sur les fenêtres, un peu partout en somme.

La sélection est loin d’être chauviniste. On retrouve bien sur un certain nombre de classiques américains tels que Danner, Quoddy, Viberg, Wolverine et Alden, dont certains modèles sont disponibles en exclusivité dans la boutique, mais aussi des anglais avec Alfred Sargent, Edward Green ou encore Church’s (même si la marque appartient à Prada), sans oublier la France avec des marques comme Corthay ou Aubercy. Le magasin ne s’arrête cependant pas aux chaussures et propose aussi des accessoires pour s’en occuper comme des chausse-pieds en corne et des brosses ainsi que d’autres accessoires en cuir tel que des bracelets de montre en cordovan, des porte billets, ceintures et sacs de voyages. Du côté de la toile, on trouvera des chaussettes, écharpes et chapeaux de belles marques comme Pantherella et Borsalino.

Le choix est donc large et divers afin de répondre aux besoins de tous. Avec un slogan comme « Numquam Jactate » ayant pour signification voulue « Ne Jamais Se Vanter », le magasin prone la simplicité et la qualité avant tout, voulant ses modèles versatiles et discrets. Certaines qualités que l’on a un peu de mal à trouver chez les marques françaises proposées. Cependant, il en faut pour tous les goûts, et si vous ne trouvez rien du votre, la boutique propose aussi le sur-mesure. Une sacrée pointure.

10 Christopher Street
New York, NY 10014
(212) 989-4577
leffot.com