Drake’s SS15

« – Comment vais-je pouvoir peler cette orange avec sprezzatura sans faire tomber ma veste ? »

Pour son lookbook SS15, Drake’s a fait appel à l’illustrateur japonais Akira Sorimachi, dont le trait vous sera peut-être familier pour être régulièrement apparu sur les couvertures du magazine Monocle. Sur ces illustrations, toutes les pièces présentées sont extraites de la nouvelle collection de Drake’s et de ses diverses collaborations, des cravates aux souliers, en passant par les vestes, chemises, panamas et pochettes. La marque s’aventure petit à petit dans un vestiaire complet, mais toujours avec l’extrême justesse qui caractérisait déjà ses collections d’accessoires.
Nous avons été récemment exposés à quelques illustrateurs japonais avec des styles aussi différents qu’intéressants, qui possèdent souvent une patte rétro très contemporaine. Leurs univers sont simples, colorés et positifs et ceux-ci s’attardent parfois sur la mode masculine, on pense notamment à Hiroshi Watatani, à Satoshi Hashimoto (qui a collaboré sur la dernière maquette de M, le magazine du Monde) ou à Kazuo Hozumi, dont les figurines que l’on peut apprécier dans Free & Easy sont de pures petites merveilles…
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Last


Last but not least

En terme de mode masculine, le Japon est sûrement le pays où l’on trouve les journaux spécialisés les plus pointus au monde. C’est donc toujours un plaisir de parcourir les rayons de la librairie japonaise Junku à Paris (je vous en avais déjà parlé ici) à la recherche de nouvelles merveilles de maniaquerie obsessionnelle.

Mon dernier butin s’appelle Last, se lit à l’envers, et ne possède que de très rares phrases déchiffrables par le non-japonophone que je suis. Last, les calcéophiles les plus bilingues d’entre vous le savent déjà, signifie « forme » en anglais: c’est un terme qui décrit l’outil en bois ou en plastique sur lequel va être bâti et « formé » un soulier. Last est donc bien entendu dédié aux amateurs de belles chaussures, et le numéro que j’ai entre les mains propose un véritable abécédaire des grands bottiers internationaux: y figurent nos nationaux Corthay, John Lobb, Paraboot, Berluti, aux côtés de classiques tels qu’Edward Green ou Alden, et accompagnés de quelques découvertes.

La mise en page et les visuels sont d’une qualité assez rare, et chaque marque est présentée accompagnée de quelques-uns de ses modèles emblématiques. Sont aussi présentés quelques visites d’ateliers français d’exception, notamment ceux de John Lobb et de Berluti, et d’un tailleur japonais basé à Courbevoie dont il me tarde d’apprendre un peu plus …


J.Press York Street


J.Press, normalement, c’est ça : pas moins de 10 versions différentes du classique blazer bleu-marine, on est perfectionniste ou on ne l’est pas

Fondée en 1902 sur le campus de Yale, et depuis présente à Harvard, New York et Washington, la marque J.Press est sûrement la plus belle représentante du style preppy américain. Le label a habillé les étudiants de ces prestigieuses écoles à l’époque où le jean était prohibé et où les sweats encore réservés au sport, étudiants qui n’ont jamais vraiment hésité à revenir une fois installés dans la vie professionnelle. Aujourd’hui, franchir la porte d’un de leur magasin équivaut à un voyage dans le temps. Rien ne semble y avoir changé depuis des années, si bien que même les vendeurs paraissent avoir largement passé l’âge de la retraite. Se cache au sein des boiseries patinées et de l’apparent bazar une véritable mine d’or pour tout amateur à la recherche d’authenticité : les si particuliers pulls Shaggy Dog y côtoient des chemises button-down qui n’ont rien à envier à celles du concurrent Brooks Brothers, tandis que des écharpes et bracelets de montre aux couleurs des écoles Ivy League ainsi que l’obsession pour les motifs de crustacés rappellent que l’histoire de la marque est bien ancrée en Nouvelle-Angleterre.

Rivale éternelle de Brooks Brothers, la marque distribue de très belles chemises button-down

L’intérêt névrosé des Japonais pour le style américain ne datant pas d’hier, la marque connu un fort succès au pays du soleil levant où celle-ci fut licenciée dès 1974, devenant ainsi la première marque américaine avec ce type de contrat. A l’instar de ce qui est arrivé à Carven il y a peu, J.Press fut racheté par son licencié en 1986. La marque est aujourd’hui 6 fois plus distribuée au Japon qu’elle ne l’est aux États-Unis et son coeur de métier n’a pas changé : faire du  vêtement classique, en portant une attention toute particulière à rester éloigné des tendances, à toujours utiliser des matières naturelles et à conserver l’essentiel de sa fabrication dans le pays de l’oncle Sam.

Le fameux pull Shaggy Dog, en laine des Shetlands, qu’on ne trouve que chez J.Press

Depuis le milieu des années 2000, et le retour sur le devant de la scène mode internationale de tout ce qui ressemblait de près ou de loin à de l’intemporel, la marque multiplie les appels du pied vers une cible plus jeune, sûrement afin d’éviter de disparaître avec sa clientèle historique. Mark Mc Nairy fut ainsi embauché à la direction de la création en 2005. Il introduisit des nouveautés, comme par exemple une cravate ironique reprenant l’emblème de l’association secrète de Yale Skull and Bones (c’est de l’ironie pour initiés), mais sans toutefois révolutionner la ligne de l’enseigne. Suivit en 2010 une collaboration oubliable avec Urban Outfitters, dont nous fumes bien évidemment privés en France. A l’instar de Brooks Brothers et de sa ligne Black Fleece avec Thom Browne, c’est maintenant toute une collection dessinée par les frères d’Ovadia and Sons qui insuffle de la nouveauté chez J.Press. Baptisée York Street, d’après l’adresse du premier magasin de la marque, celle-ci propose des coupes modernisées, ainsi que des pièces plus casual et plus sportswear, synthèse de l’interpretation contemporaine du style preppy. Ovadia and Sons, en seulement deux ans, a su se faire une place de choix au sein des labels américains de mode masculine, modernisant des classiques issus de leur histoire. Le choix est donc très cohérent et cela fonctionne plutôt bien. De quoi faire effectivement entrer des étudiants d’aujourd’hui dans une boutique J.Press.

Ci-dessous un aperçu de la collection York Street printemps-été 2013, pour une vue complète, c’est ici que cela se passe.

Pitti Uomo – Camoshita – United Arrows


On connait le Japon pour sa forte culture vestimentaire. Parmi les très nombreux magasins pointus que comptent l’archipel nippon, certaines chaînes de magasins comme Adam et Ropé, Beams ou United Arrows ont une réputation qui a depuis longtemps dépassé les frontières japonaises. Beams a sa propre marque avec Beams+, et United Arrows développe depuis quelques saisons un label nommé Camoshita qui, à l’instar de Beams+, est aussi distribué à l’étranger. Si la marque propose des modèles plutôt classiques, inspiré du tailoring à l’italienne, c’est dans les matières utilisées qu’elle frappe fort. Par exemple des tissus plutôt d’habitude réservés à une offre casual ou même workwear (chambray, laine …) sont utilisés sur des chemises à spread collar. De même, les vestes sont cintrées juste ce qu’il faut et déclinées dans une gamme de tissus originaux et travaillés. Toutes ces pièces sont confectionnées aux Japon avec une attention toute particulière aux détails.


Arts & Science – L'essentiel


Lors du salon Capsule femme, on nous a glissé le nom d’une marque à l’oreille: Arts & Science. À ce stade là, tout ce que nous savions était qu’il s’agissait d’une marque japonaise qui avait un pop-up shop pendant la fashion week dans le magasin Astier de Villates.

En creusant un peu plus, j’ai découvert une marque qui se focalisait sur l’esprit « artisan » de manière épurée avec seulement les meilleurs matériaux. Ça peut sonner comme du réchauffé, sauf que quand l’on sait que Rei Kawakubo est une habituée de la boutique, ça montre qu’il y a du niveau. Ceci explique aussi pourquoi on retrouve Arts & Science à Londres chez Dover Street Market et à Milan au 10 Corso Como.

L’histoire derrière la marque est assez simple. Tout à commencé au printemps 2003, quand Sonya Park a ouvert une petite boutique dans le quartier de Daikanyama, à Tokyo. L’idée initiale est celle que beaucoup ont eu: vendre que ce qu’il leur plaisait. Cela comprenait en particulier un petit coin friperie composé de pièces de sa propre collection. Ces dernières ont été les premières à partir de la boutique. Les fripes étant ce qu’elles sont, pour les remplacer sur l’étalage, Sonya Park a eu l’idée de les refaire faire à l’identique, trouvant rapidement des difficultés pour se fournir en tissus d’époque. Tour à tour s’associant à une modéliste, une couturière, puis un expert en textiles, la marque Arts & Science s’est créée, représentant aujourd’hui 6 magasins en propre et une petite poignée de revendeurs.



Malgré une apparence entre Muji et Labour and Wait, on parle bien ici de « luxe », de workwear ou basiques de « luxe » en quelques sortes, avec des produits faits par des artisans au Japon et avec une coupe étudiée par un tailleur. Mais outre la qualité et le prix, là où Arts & Science applique une facette du « luxe » que l’on ne retrouve plus chez les grands nom de cette catégorie, c’est la rareté. Voulant que ses clients voient, touchent, sentent ses produits, la marque n’est pas disponible en ligne mais seulement en magasin. Et autant dire qu’il n’y en a pas à tous les coins de rues. Pour revoir la marque en France, il faudra attendre sa prochaine apparition chez Astier de Villates ou se déplacer à Aix à en croire le site de la marque. Si voyager ne vous fait pas peur, il y a toujours le Japon.

arts-science.com


Levi's Vintage Clothing – La toile


Gamme brute Levi’s Vintage Clothing

Avec notre rapide aperçu du marché du denim premium, on avait souligné la pertinence de la démarche adoptée par Levi’s XX, la nouvelle entité premium de la marque américaine, distincte du géant Levi’s « red tab ». On en avait d’ailleurs parlé plus précisément par la suite, mais sans vraiment s’attacher à inspecter minutieusement quelques modèles.

Il ne suffit en effet pas vraiment de dire qu’un produit est différent pour qu’il le soit réellement et dans un secteur aussi concurrentiel que celui du denim, il fait bon disséquer quelques pièces pour comprendre leurs particularités.

On peut tout d’abord commencer par la matière. La matière d’un jean, c’est de la toile. Or, la toile de jean, c’est américain. Ce que l’on appelle « toile japonaise » est en fait un témoignage de l’amour que les japonais portent à la culture vestimentaire américaine : dans les années 80, quand il a fallu aux États-Unis produire plus et plus rapidement pour satisfaire une demande mondiale croissante, les géants américains du jean ont commencé à produire ailleurs, donc différemment de ce qu’ils avaient l’habitude de faire et le produit a perdu en qualité. Les japonais ont récupéré les machines américaines inutilisées et ont commencé à produire une toile de meilleure qualité que celle utilisée par les grandes marques. La toile japonaise c’est donc une des premières manifestation de la reproduction d’éléments textiles américains par les perfectionnistes japonais amoureux du vêtement.

Cone Denim – North Carolina

Seulement voilà, l’appellation « toile japonaise »  ne veut plus dire grand chose de nos jours: certaines ne sont même plus produites au Japon mais en dehors, à moindre coût, et gardent l’appellation car il s’agit d’une pâle imitation dont la volonté est d’être une toile de jean « façon toile japonaise ». Le tout dans un soucis marketing évidemment.

De ce constat, on peut pointer du doigt l’étiquette présente sur les jeans de la collection de Levi’s Vintage Clothing. Cone Mills est en effet le producteur de toile historique de Levi’s, qui a conservé les machines d’origine et qui tissent comme à l’époque des pièces du début du XXème. Levi’s Vintage Clothing a donc bien sa place sur la American List de Michael Williams : la matière vient des États Unis, elle est produite comme à l’époque et il s’agit d’une des plus belles toiles du monde (appelée « White Oak » du nom de l’usine).

Usine de tissage Cone Mills

Si certaines de ses autres pièces sont assemblées en Turquie, les jeans bruts en toile Cone Mills que propose la marque sont montés outre-atlantique, afin de satisfaire sa clientèle puriste, désireuse de retrouver le produit des années 50 et de coller à son ADN d’archiviste du vêtement américain.

Dans les articles qui vont suivre on va pouvoir s’amuser à continuer de remarquer le travail effectué par Levis Vintage Clothing pour reproduire les modèles d’époque jusque dans les moindres détails. Une fois que ce sera fait, les modèles phares de la marque n’auront plus de secrets pour vous !

Mighty-Mac – Lookbook par Hiroshi Watatani

 

L’illustration a longtemps été le standard pour représenter la mode. Avant que la photographie se fasse plus accessible, les magazines ainsi que les publicités nous présentaient des produits exclusivement dessinés. Rien de tel qu’une illustration de qualité pour représenter l’univers d’une marque, le travail d’un créateur et les valeurs que celui-ci porte. Un petit tour à l’exposition Drawing Fashion (jusqu’au 6 mars au Design Museum de Londres) m’a convaincu que nous avons beaucoup perdu lorsque la photo a remplacé les dessins sur les couvertures des magazines de mode.

Avec un peu de retard, j’ai découvert lors du dernier salon Capsule le lookbook de l’été 2010 de Mighty-Mac. L’été dernier a été l’apogée du retour du look BCBG américain, qui se fera surement moins présent l’été prochain. Personnellement je ne m’en lasse pas et j’ai donc adoré ce lookbook illustré, présentant des scènes semblant sorties d’un été des années 60 à Cap Cod.

Mighty-Mac est une de ces marques japonaise dont on entend pas trop parler en Europe. Peu distribuée, je n’ai pu apprécier la qualité de leurs produits que la semaine dernière, lors d’une visite au Dover Street Market, le fameux multi-marque londonien. Mighty-Mac se spécialise dans le vêtement à inspiration nautique avec une précision toute japonaise. Les vêtements reprennent les couleurs des pavillons, sortes de drapeau servant à communiquer en mer, chaque forme signifiant une lettre ou un chiffre. Ces pavillons se retrouvent parfois même sur la totalité d’une veste ou sur les poches de leurs pantalons et shorts et assurent à leurs propriétaires d’apporter une touche de fantaisie lors de leurs prochaines régates.




L’auteur de ce lookbook est Hiroshi Watatani, illustrateur reconnu au Japon pour son travail. Bien que non-spécialisé, il avoue volontiers être intéressé par la mode et ses illustrations ont souvent pour thème l’Amérique de l’après guerre ou le vêtement masculin classique (qu’il semble apprécier personnellement). Je vous laisse avec une photo de lui ainsi que quelques-unes de ses créations trouvées sur la toile.


Hiroshi Watatani très élégant en col rond épinglé, malgré une veste un peu grande – photo provenant de Bespoke Me