Pitti Uomo – Salvatore Piccolo PE 2013


Une belle étiquette qui fera frissonner le fan de Dragon Ball qui sommeille en vous

Faute à la tendance preppy à l’américaine, les chemises à cols boutonnés dominent la mode casual depuis maintenant de bonnes années. On a pu voir l’invention typiquement américaine de Brooks Brothers reprise à toutes les sauces, avec pour incontournable chez toutes les marques la chemise à col boutonné en oxford bleu ciel. De l’autre côté de l’échiquier de la mode casual, certains irréductibles persistent à sortir des chemises aux mini-cols étriqués, sortes de reliquats de l’esthétique Dior Homme par Hedi Slimane qui commence franchement à dater.

Ce bref panorama montre bien comme l’offre en terme de forme de chemise commence à manquer de fraîcheur, si bien que beaucoup se concentrent maintenant sur des matières et imprimés innovants pour se démarquer : tissus japonais, chemises hawaiienne, motifs africains, ou même en liberty.

Mais pour ceux qui cherchent un peu de changement sans trahir la discrétion de leur mise, la solution pourrait bien venir d’Italie. L’Italie est un pays à la forte culture vestimentaire masculine, et possède des savoirs-faire inégalés en terme de tissage et de confection de chemises ou de costumes. Non seulement c’est véritablement le dernier bastion d’Europe de l’ouest en terme d’industrie textile, mais en plus les italiens ont su conserver une certaine tradition de l’habillement, qui se traduit par l’existence de centaines d’artisans tailleurs, dont certains font sûrement parmi les plus belles choses au monde.

Voici donc mon coup de coeur de Pitti Uomo : à l’origine un de ces artisans créant des chemises à la demande, Salvatore Piccolo développe depuis quelques saisons une gamme de chemises en prêt à porter, disponibles dans quelques boutiques dans le monde. Pour ces collections, il utilise donc tout ce qui fait de la chemise italienne quelque chose d’unique : montage intégralement réalisé à la main dans la région de Naples (avec un point incroyablement fin), pas de thermo-collage dans les cols et poignets, des raccords particulièrement travaillés, et surtout des cols italiens! Le must reste dans la richesse des tissus utilisés, ceux-ci sont souvent réalisés en exclusivité par des tisseurs italiens pour Salvatore Piccolo, et ils sont sûrement parmis les plus beaux que nous ayons pu apprécier cette saison (à défaut de pouvoir toucher, n’hésitez pas à cliquer sur les photos pour voir de plus près).

La seule boutique où j’ai pu voir leurs chemises est Antonia à Milan (et donc aussi Excelsior, un grand magasin local qui mérite une visite si vous êtes dans le coin). En France la marque n’est disponible pour l’instant qu’à St Tropez, chez le multi-marque Battaglia, tandis qu’aux États-Unis, Barneys l’a rentré il y a quelques saisons. Au delà de ça, Salvatore Piccolo a aussi collaboré avec le magazine Monocle, qui choisit toujours très bien les marques avec lesquelles il s’associe. C’est donc encore une fois une marque que l’on aimerait bien voir se développer en France, je vous laisse apprécier quelques photos prises à Pitti Uomo.


Rayures et reliefs, on est loin de la simple bengal stripe


On atteint ici les limites de l’internet, vous ne pouvez hélas pas toucher ce tissu incroyable

 

Les imperfections de la présentation des modèles (autocollants ci-dessus + cintres métalliques + manque flagrant de repassage) : un moyen de rappeler que nous sommes en face d’un artisan ?


Un tissu rayé n’est jamais qu’un simple tissu rayé chez Salvatore Piccolo : celui-ci découvre des reliefs lorsqu’on regarde de plus près

 

Ce tissu n’est pas énormément étonant, c’est l’association avec un cutaway collar qui l’est plus


Ceci-dit cela reste une très belle étoffe

 

On apprécie aussi les boutonnières, réalisées à la main


Encore une fois, ce qui ressemble tout simplement à une rayure verticale …


…présente en fait une texture assez incroyable


La marque propose aussi des étoles, mouchoirs et vestes très intéressantes


Les effets de textures sont aussi présent sur ce « vichy à flocons »


Du carreaux ou du pied-de poule ?


Les tissus utilisés font un peu penser à ceux développés par Camoshita


Un oxford rouge de toute beauté, ainsi que le renfort qui tient lieu d’hirondelle (comme chez Charvet)

Interview d'Olivier Polge – SpiceBomb

Olivier Polge, entouré de Viktor et Rolf (ou Rolf et Viktor ?)

Il y a quelques semaines, nous avons été invités par L’Oréal à assister au défilé homme de Viktor & Rolf ainsi qu’à une soirée organisée pour le lancement de leur nouveau parfum pour homme : SpiceBomb. Pourquoi L’Oréal ? Tout simplement parce que c’est le géant des cosmétiques français qui est derrière de nombreux parfums de marques de mode, telles que Maison Martin Margiela, Cacharel ou Armani par exemple, et cela inclus donc Viktor & Rolf

Faute d’une véritable culture dans le domaine, nous ne traitons pas assez sur redingote de l’univers riche, complexe et très intéressant de la parfumerie. C’est un monde de créations qui possède ses chefs d’oeuvres, ses artistes, ses artisans, ses machines de guerres commerciales mais aussi ses challengers indépendants. Un monde qui évolue souvent de pair avec celui de la mode, et qui comme celui-ci se laisse s’approprier et concerne tout le monde.

Le point fort de la soirée fut ma rencontre avec Olivier Polge, le parfumeur derrière la dernière fragrance masculine de Viktor & Rolf. Olivier Polge n’en est pas à son coup d’essai car il a déjà participé à de nombreuses créations, dont FlowerBomb et Dior Homme. En effet, les créateurs de mode n’ayant généralement pas les compétences techniques pour réaliser un jus, ceux-ci travaillent habituellement avec un ou plusieurs parfumeurs professionnels. Ceux-ci participent donc pleinement au processus d’élaboration de ce qui fait l’essence d’un parfum, mais restent en général dans l’ombre. Certains font tout de même parler d’eux, tel que Jean-Claude Ellena, le nez exclusif d’Hermès et auteur d’ouvrages autour de la parfumerie, ou alors Jacques Polge (le père d’Olivier Polge) qui est responsable des créations chez Chanel depuis plus de 25 ans.

Par l’intermédiaire de L’Oreal, nous avons pu poser quelques questions à Olivier Polge sur le métier de parfumeur et autour de la création de SpiceBomb. Les voici accompagnées de ses réponses.


Redingote : Est-ce que vous vous êtes toujours destiné à devenir parfumeur ?

Olivier Polge : Non, je me suis d’abord intéressé à d’autres domaines, comme l’histoire de l’art que j’ai étudiée avant de faire un stage de parfumerie en laboratoire, où j’ai découvert les matières premières. Ce fût le départ de ma vocation pour le métier de parfumeur.

Redingote : Quel type de formation est-ce que l’on suit pour faire ce métier ? Comment apprend-on les bases techniques nécessaires à la création d’un parfum ?

Olivier Polge : Pour moi l’idéal est de se former sur le tas, à partir de l’expérience qu’on acquiert en pratiquant. C’est un métier expérimental, c’est auprès d’un parfumeur et au contact des métiers de la parfumerie qu’on se forme vraiment.

R. : Est-ce courant d’apprendre ce métier sur le tas ?

O. P. : Même si l’on suit le cursus d’une école, c’est une fois au sein d’une société au cœur de la parfumerie professionnelle que l’on se forme.

R. : Vous avez reçu le prix international du parfum en 2009, qu’est-ce que cela symbolise pour vous ?

O. P. : Une récompense est toujours un honneur. C’est très agréable de recevoir un prix, c’est aussi une forme de reconnaissance de son travail.

R. : Pouvez-vous nous parler du jus de Spicebomb ?

O. P. : L’idée était d’offrir un pendant masculin à Flowerbomb. J’ai composé le parfum autour de l’idée d’une explosion d’épices. Deux accords se confrontent dans le parfum : le premier est un accord explosif, détonnant fait de notes épicées fraîches fusantes – élémi et poivre rose – et de zestes frais de bergamote et pamplemousse. Le second est un accord addictif, brûlant fait de notes vibrantes d’épices incandescentes – piment et safran –, des notes masculines du cuir et du tabac, et des notes boisées brutes du vétiver.

 

Le flacon de SpiceBomb

R. : Aujourd’hui, une grande partie de l’offre parfum est associée à des marques de mode, comment se passe en général la collaboration avec ces marques ?

O. P. : C’est très différent d’une marque à l’autre. Cela peut aller d’une indépendance totale vis-à-vis de la maison de mode jusqu’à une implication à toutes les étapes du projet.

R. : Dans le cas de Viktor and Rolf, comment cela s’est-il passé ?

O. P. : Viktor & Rolf sont très impliqués. Après Flowerbomb, ils sont revenus nous voir avec l’envie de créer une bombe pour les hommes. Ils ont fondé les bases du projet et évoqué le nom « Spicebomb », qui a été le point de départ de ma création. Ils sont ensuite venus régulièrement au cours du développement, afin de partager leurs commentaires, leurs préférences et afin que je puisse leur soumettre mes idées. La collaboration a été très stimulante et créative.

R. : Comment est-ce que cela se passe lorsque les créateurs sont impliqués dans la création d’un parfum ? Échangez-vous en termes d’odeurs, de notes, ou plutôt d’idées, de concepts, d’images ?

O. P. : Cela dépend du créateur en face de nous mais l’on s’accroche souvent à des images. Le premier travail dans tous les cas est de trouver un langage commun afin que nous soyons sûrs de nous comprendre correctement.

R. : En quoi consiste le métier de parfumeur au jour le jour ?

O. P. : Beaucoup de notre temps est consacré à sentir des matières premières, à élaborer de nouvelles formules, à les retravailler en redosant certains ingrédients, en en ajoutant de nouveaux. On tâtonne, on réévalue  et on peaufine ses créations au jour le jour.

R. : Où est-ce qu’un parfumeur trouve son inspiration ?

O. P. : Je dirai que comme un peintre se nourrit de peinture, un parfumeur se nourrit de parfums.

R. : Qu’appréciez-vous en terme de mode masculine ? Qu’aimez-vous porter ? Est-ce ce que cela vous inspire dans votre travail ?

O.P. : Personnellement j’aime une mode un peu stricte et construite. J’aime porter des costumes. Ce que je porte n’est pas une source directe d’inspiration dans mon travail. Je fais passer en premier l’idée de la marque et l’interaction avec les créateurs.

Les Ramones sur un t-shirt H&M ?

Chez H&M, il y a quelques années

1947. Erling Persson fonde Hennes & Mauritz et s’apprête à bâtir un empire mondial du prêt à porter, mais encore personne ne le sait.

1974. New York. Les Ramones fondent les prémices du punk rock. C’est rapide, violent, les paroles débiles et pessimistes. Les Ramones sont une légende, et s’ils n’ont pas eu un grand succès commercial, ils restent considérés comme premier groupe de punk américain.

Aujourd’hui, H&M est un broyeur, rapide, réactif et redoutable. Avec plus de 2200 points de vente dans 42 pays, l’entreprise connaît une croissance impressionnante. La marque propose une mode accessible inspirée des tendances vues sur les podiums. Il faut seulement quelques mois à un géant comme celui-là pour dessiner et fabriquer une pièce, contrairement à un créateur ayant des quantités moindres. Un autre de ses points forts et d’avoir une cible très large, ou même de n’avoir pas de cible : elle habille tout le monde, hommes, femmes, enfants, rondes, femmes enceintes…

Puis vient le jour où vous croisez les Ramones chez H&M. Sur un t-shirt. Puis d’autres groupes, Iron Maiden, Rolling Stones, Blondie, Bowie, fruits d’une tendance rock omniprésente. Musicalement, on assiste au retour du rock dès le début des années 2000, et si les rockeurs ont eu tant d’influence sur les dressings c’est qu’ils soignent leur image. Cette période est aussi celle d’Hedi Slimane chez Dior Homme. Il révolutionne la mode masculine et impose une silhouette nouvelle, slim, sophistiquée, en noir et blanc. Les rockeurs adoptent le costume-cravate, et deviennent des icônes au-delà du monde de la musique : les détracteurs des Strokes leur reprochent d’avoir fait leur premier shooting mode avant d’enregistrer leur premier album. Julian Casablancas, le chanteur, est d’ailleurs le visage du nouveau parfum Azzaro : Db decibel. Pete Doherty, habitué des tabloïds depuis son idylle avec Kate Moss, incarne l’homme Roberto Cavalli durant la saison 2007-2008 et est l’objet d’un livre de photos edité par Hedi Slimane, London Birth of a Cult. Le groupe The Kills, malgrè leur image anti-star, s’est quant à lui laissé photographié par Olivier Zahm pour la campagne hiver 2010 de Zadig&Voltaire.

Cette diversité des sources d’inspiration est aujourd’hui naturelle, et un t-shirt « rock » est désormais un basique de la garde-robe féminine. L’image de groupes pas axés grand public, qui ont parfois choqué, s’est transformée en prenant la forme d’un t-shirt. Le contexte d’achat y contribue : ce n’est pas un t-shirt noir basique et mal coupé acheté dans un obscur festival boueux, mais bien une pièce validée par ce que l’on considère comme une certaine référence populaire : une marque multinationale.

Oui FM, avait lancé en 2007 une offensive à travers un des visuels de sa campagne publicitaire : une photo du groupe et le commentaire «Après leur mort, ces gars ont connu pire qu’aller en enfer. Devenir un tee shirt Zadig&Voltaire ». C’est l’agence Leg qui a fait le coup, et a remporté pour cela le Grand Prix Stratégies de la publicité 2008.

Publicité Oui FM sortie en 2007

Mais finalement, est ce que ce n’est pas le destin de groupes de rock de finir sur des t-shirts ? Et si, comme le dit la légende, les Sex Pistols n’avaient pas été créés pour assurer la promo de la boutique « Sex» de Malcom McLaren et des vêtements de Vivienne Westwood ? McLaren, en tant que manager, aurait été le précurseur d’’une tendance lourde en communication, et le premier à vendre un packaging autour de l’artiste et de sa musique. Choquer fait parler, et la méthode a depuis maintes fois fait ses preuves à travers les passages TV sulfureux de Gainsbourg ou les paroles de Brassens, consacré premier punk à moustache cette semaine par Les Inrocks. Et si Les Sex Pistols n’étaient pas morts, est ce qu’aujourd’hui ils n’iraient pas, justement là où ne les attendrait pas, exactement chez H&M ?

Si les puristes sont indignés que l’image de leur groupe adoré soit portée par des filles qui n’ont peut-être jamais écouté un seul morceau, ils ne sont pas au bout de leur peine. Sandro vient de dévoiler une mini collection de trois t-shirts immortalisant les plus beaux moments des concerts de Nirvana. A l’origine pour hommes, les filles s’enthousiasment et  s’imaginent déjà le porter « loose » sur leur slim. Toutes nos excuses à feu Kurt Cobain.

Campagne Zadig & Voltaire avec The Kills – Automne-Hiver 2010


T-shirts Sandro Nirvana – Automne-Hiver 2011

Designers et Vidéos – AW 2011

Sur redingote, nous traitons assez rarement des marques de designer telles que Lanvin ou Dior. A tort ! La création et l’innovation est au coeur du métiers de ces entreprises, et que cela leur permette de vendre ces créations, des parfums ou des baskets montantes ne devraient pas empêcher d’apprécier leurs expérimentations… C’est aussi toujours intéressant de voir comment de telles marques font le pont entre une communication grand public et une création pointue.

Voici donc quelques vidéos de promotion, sorties dernièrement et qui méritent le détour.

La première représente la campagne de promotion de la collection automne-hiver 2011 de Lanvin. Pour ceux qui ne l’auraient pas encore vu, cette vidéo est pleine d’humour, chose assez rare pour qu’on puisse le noter. Là où certains reconnaîtront les mannequins, je me contente personnellement d’apprécier le décalage entre la musique et l’esthétique travaillée des images. Décalage que l’on trouve aussi sur la vidéo de promotion de la collection femme printemps-été 2011, où la bande son était le fameux Superfreak, de Rick James. Le trouble perceptible des mannequins ajoute aussi sa petite touche bien sympathique.

 


La deuxième est à l’opposée de la première : beaucoup moins drôle et même carrément inquiétante. Cette vidéo, réalisée par Willy Vanderperre nous plonge tout droit dans une expérience à la croisée des univers de David Lynch et de Chris Cunningham. Cette vidéo met en scène les créations de Kris Van Assche pour la collection Dior Homme automne-hiver 2011. Willy Vanderperre, photographe belge reconnu, a sûrement été très occupé ces derniers temps car il a aussi réalisé les vidéos de présentation des collections automne-hiver de Raf Simons et de Adidas SLVR, toutes assez troublantes. On se souvient aussi de sa vidéo de présentation de la dernière collection été de Dior Homme, que j’avais aimé sans pouvoir trop me l’expliquer. Les créations du designer de Dior Homme prennent toutes leurs mesures présentées de cette manière, d’une perspective bien différente que lors du défilé (où nous avions la chance d’avoir été invité), où le pas des mannequins était soutenu par une version bien rythmée de Eisbär, de Grauzone.