Interview d'Olivier Polge – SpiceBomb

Olivier Polge, entouré de Viktor et Rolf (ou Rolf et Viktor ?)

Il y a quelques semaines, nous avons été invités par L’Oréal à assister au défilé homme de Viktor & Rolf ainsi qu’à une soirée organisée pour le lancement de leur nouveau parfum pour homme : SpiceBomb. Pourquoi L’Oréal ? Tout simplement parce que c’est le géant des cosmétiques français qui est derrière de nombreux parfums de marques de mode, telles que Maison Martin Margiela, Cacharel ou Armani par exemple, et cela inclus donc Viktor & Rolf

Faute d’une véritable culture dans le domaine, nous ne traitons pas assez sur redingote de l’univers riche, complexe et très intéressant de la parfumerie. C’est un monde de créations qui possède ses chefs d’oeuvres, ses artistes, ses artisans, ses machines de guerres commerciales mais aussi ses challengers indépendants. Un monde qui évolue souvent de pair avec celui de la mode, et qui comme celui-ci se laisse s’approprier et concerne tout le monde.

Le point fort de la soirée fut ma rencontre avec Olivier Polge, le parfumeur derrière la dernière fragrance masculine de Viktor & Rolf. Olivier Polge n’en est pas à son coup d’essai car il a déjà participé à de nombreuses créations, dont FlowerBomb et Dior Homme. En effet, les créateurs de mode n’ayant généralement pas les compétences techniques pour réaliser un jus, ceux-ci travaillent habituellement avec un ou plusieurs parfumeurs professionnels. Ceux-ci participent donc pleinement au processus d’élaboration de ce qui fait l’essence d’un parfum, mais restent en général dans l’ombre. Certains font tout de même parler d’eux, tel que Jean-Claude Ellena, le nez exclusif d’Hermès et auteur d’ouvrages autour de la parfumerie, ou alors Jacques Polge (le père d’Olivier Polge) qui est responsable des créations chez Chanel depuis plus de 25 ans.

Par l’intermédiaire de L’Oreal, nous avons pu poser quelques questions à Olivier Polge sur le métier de parfumeur et autour de la création de SpiceBomb. Les voici accompagnées de ses réponses.


Redingote : Est-ce que vous vous êtes toujours destiné à devenir parfumeur ?

Olivier Polge : Non, je me suis d’abord intéressé à d’autres domaines, comme l’histoire de l’art que j’ai étudiée avant de faire un stage de parfumerie en laboratoire, où j’ai découvert les matières premières. Ce fût le départ de ma vocation pour le métier de parfumeur.

Redingote : Quel type de formation est-ce que l’on suit pour faire ce métier ? Comment apprend-on les bases techniques nécessaires à la création d’un parfum ?

Olivier Polge : Pour moi l’idéal est de se former sur le tas, à partir de l’expérience qu’on acquiert en pratiquant. C’est un métier expérimental, c’est auprès d’un parfumeur et au contact des métiers de la parfumerie qu’on se forme vraiment.

R. : Est-ce courant d’apprendre ce métier sur le tas ?

O. P. : Même si l’on suit le cursus d’une école, c’est une fois au sein d’une société au cœur de la parfumerie professionnelle que l’on se forme.

R. : Vous avez reçu le prix international du parfum en 2009, qu’est-ce que cela symbolise pour vous ?

O. P. : Une récompense est toujours un honneur. C’est très agréable de recevoir un prix, c’est aussi une forme de reconnaissance de son travail.

R. : Pouvez-vous nous parler du jus de Spicebomb ?

O. P. : L’idée était d’offrir un pendant masculin à Flowerbomb. J’ai composé le parfum autour de l’idée d’une explosion d’épices. Deux accords se confrontent dans le parfum : le premier est un accord explosif, détonnant fait de notes épicées fraîches fusantes – élémi et poivre rose – et de zestes frais de bergamote et pamplemousse. Le second est un accord addictif, brûlant fait de notes vibrantes d’épices incandescentes – piment et safran –, des notes masculines du cuir et du tabac, et des notes boisées brutes du vétiver.

 

Le flacon de SpiceBomb

R. : Aujourd’hui, une grande partie de l’offre parfum est associée à des marques de mode, comment se passe en général la collaboration avec ces marques ?

O. P. : C’est très différent d’une marque à l’autre. Cela peut aller d’une indépendance totale vis-à-vis de la maison de mode jusqu’à une implication à toutes les étapes du projet.

R. : Dans le cas de Viktor and Rolf, comment cela s’est-il passé ?

O. P. : Viktor & Rolf sont très impliqués. Après Flowerbomb, ils sont revenus nous voir avec l’envie de créer une bombe pour les hommes. Ils ont fondé les bases du projet et évoqué le nom « Spicebomb », qui a été le point de départ de ma création. Ils sont ensuite venus régulièrement au cours du développement, afin de partager leurs commentaires, leurs préférences et afin que je puisse leur soumettre mes idées. La collaboration a été très stimulante et créative.

R. : Comment est-ce que cela se passe lorsque les créateurs sont impliqués dans la création d’un parfum ? Échangez-vous en termes d’odeurs, de notes, ou plutôt d’idées, de concepts, d’images ?

O. P. : Cela dépend du créateur en face de nous mais l’on s’accroche souvent à des images. Le premier travail dans tous les cas est de trouver un langage commun afin que nous soyons sûrs de nous comprendre correctement.

R. : En quoi consiste le métier de parfumeur au jour le jour ?

O. P. : Beaucoup de notre temps est consacré à sentir des matières premières, à élaborer de nouvelles formules, à les retravailler en redosant certains ingrédients, en en ajoutant de nouveaux. On tâtonne, on réévalue  et on peaufine ses créations au jour le jour.

R. : Où est-ce qu’un parfumeur trouve son inspiration ?

O. P. : Je dirai que comme un peintre se nourrit de peinture, un parfumeur se nourrit de parfums.

R. : Qu’appréciez-vous en terme de mode masculine ? Qu’aimez-vous porter ? Est-ce ce que cela vous inspire dans votre travail ?

O.P. : Personnellement j’aime une mode un peu stricte et construite. J’aime porter des costumes. Ce que je porte n’est pas une source directe d’inspiration dans mon travail. Je fais passer en premier l’idée de la marque et l’interaction avec les créateurs.

The Rig Out par Oi Polloi

The Rig Out - Oi Polloi - Numéro 2

La volonté d’indépendance des boutiques et des marques vis à vis des médias se fait de plus en plus ressentir. Récement on a d’ailleurs croisé Chanel sur le terrain de la presse avec le premier numéro de « 31 rue cambon« , sans compter les inombrables blogs de marques, édités parfois par les créateurs eux mêmes. Il reste évidement à savoir ce que le lecteur préfère avoir: un regard plus ou moins indépendant, ou un contenu éditorial plébiscitant les choix de la marque, mais souvent plus intriguant: le côté backstage nous passionne un peu tous. On peut évidement retourner la question: quelle est la liberté de ton des blogs et autres publications web qui commencent à lancer leurs boutiques en ligne ? on pense notamment aux américains d’ ACL et Inventory magazine, au début simples diffuseurs d’une esthétique à travers l’amour d’un certain type de produit, ils se verront désormais subir une certaine pression économique quant aux objectifs de trafic et de vente.

Dans tout ça, The Rig Out, la publication d’ Oi Polloi, verra bientôt arriver son deuxième numéro et nous donne un bon aperçu des influences de la boutique. Développé comme un guide pour travailler un style, il met en situation des vêtements issus de la sélection et  qui ont encore du mal à trouver leurs places dans l’esprit  et les gardes robes du grand public.

The Rig Out - Oi Polloi - Numéro 2

The Rig Out - Oi Polloi - Numéro 2