"Buy less, spend more"

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Et oui John, la mode est sans pitié.

Je crois que c’est Our Legacy qui m’a la première fait réaliser que la qualité de la chaîne de production faisait également partie de la beauté d’un objet. Je commençais tout juste à m’intéresser au vêtement et la marque est l’une des première dont j’ai vraiment suivi l’évolution. Lors d’une interview à l’époque, l’un des deux fondateurs expliquait que pour lui ça n’avait pas vraiment de sens de faire fabriquer des vêtements si cela engendrait un coût humain, si quelqu’un devait souffrir lors du processus.
Il justifiait par là le choix de ne faire appel qu’à des fabricants européens, sûr de trouver en Europe une règlementation et des normes de sécurité adéquates pour assurer de bonnes conditions de travail. On venait de fonder le blog, on avait 20 ans et on y connaissait vraiment pas grand chose en industrie textile. Je pense que cette idée a vraiment joué un rôle essentiel dans notre culture vestimentaire et forgé petit à petit notre approche du consumérisme.
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Les Ramones sur un t-shirt H&M ?

Chez H&M, il y a quelques années

1947. Erling Persson fonde Hennes & Mauritz et s’apprête à bâtir un empire mondial du prêt à porter, mais encore personne ne le sait.

1974. New York. Les Ramones fondent les prémices du punk rock. C’est rapide, violent, les paroles débiles et pessimistes. Les Ramones sont une légende, et s’ils n’ont pas eu un grand succès commercial, ils restent considérés comme premier groupe de punk américain.

Aujourd’hui, H&M est un broyeur, rapide, réactif et redoutable. Avec plus de 2200 points de vente dans 42 pays, l’entreprise connaît une croissance impressionnante. La marque propose une mode accessible inspirée des tendances vues sur les podiums. Il faut seulement quelques mois à un géant comme celui-là pour dessiner et fabriquer une pièce, contrairement à un créateur ayant des quantités moindres. Un autre de ses points forts et d’avoir une cible très large, ou même de n’avoir pas de cible : elle habille tout le monde, hommes, femmes, enfants, rondes, femmes enceintes…

Puis vient le jour où vous croisez les Ramones chez H&M. Sur un t-shirt. Puis d’autres groupes, Iron Maiden, Rolling Stones, Blondie, Bowie, fruits d’une tendance rock omniprésente. Musicalement, on assiste au retour du rock dès le début des années 2000, et si les rockeurs ont eu tant d’influence sur les dressings c’est qu’ils soignent leur image. Cette période est aussi celle d’Hedi Slimane chez Dior Homme. Il révolutionne la mode masculine et impose une silhouette nouvelle, slim, sophistiquée, en noir et blanc. Les rockeurs adoptent le costume-cravate, et deviennent des icônes au-delà du monde de la musique : les détracteurs des Strokes leur reprochent d’avoir fait leur premier shooting mode avant d’enregistrer leur premier album. Julian Casablancas, le chanteur, est d’ailleurs le visage du nouveau parfum Azzaro : Db decibel. Pete Doherty, habitué des tabloïds depuis son idylle avec Kate Moss, incarne l’homme Roberto Cavalli durant la saison 2007-2008 et est l’objet d’un livre de photos edité par Hedi Slimane, London Birth of a Cult. Le groupe The Kills, malgrè leur image anti-star, s’est quant à lui laissé photographié par Olivier Zahm pour la campagne hiver 2010 de Zadig&Voltaire.

Cette diversité des sources d’inspiration est aujourd’hui naturelle, et un t-shirt « rock » est désormais un basique de la garde-robe féminine. L’image de groupes pas axés grand public, qui ont parfois choqué, s’est transformée en prenant la forme d’un t-shirt. Le contexte d’achat y contribue : ce n’est pas un t-shirt noir basique et mal coupé acheté dans un obscur festival boueux, mais bien une pièce validée par ce que l’on considère comme une certaine référence populaire : une marque multinationale.

Oui FM, avait lancé en 2007 une offensive à travers un des visuels de sa campagne publicitaire : une photo du groupe et le commentaire «Après leur mort, ces gars ont connu pire qu’aller en enfer. Devenir un tee shirt Zadig&Voltaire ». C’est l’agence Leg qui a fait le coup, et a remporté pour cela le Grand Prix Stratégies de la publicité 2008.

Publicité Oui FM sortie en 2007

Mais finalement, est ce que ce n’est pas le destin de groupes de rock de finir sur des t-shirts ? Et si, comme le dit la légende, les Sex Pistols n’avaient pas été créés pour assurer la promo de la boutique « Sex» de Malcom McLaren et des vêtements de Vivienne Westwood ? McLaren, en tant que manager, aurait été le précurseur d’’une tendance lourde en communication, et le premier à vendre un packaging autour de l’artiste et de sa musique. Choquer fait parler, et la méthode a depuis maintes fois fait ses preuves à travers les passages TV sulfureux de Gainsbourg ou les paroles de Brassens, consacré premier punk à moustache cette semaine par Les Inrocks. Et si Les Sex Pistols n’étaient pas morts, est ce qu’aujourd’hui ils n’iraient pas, justement là où ne les attendrait pas, exactement chez H&M ?

Si les puristes sont indignés que l’image de leur groupe adoré soit portée par des filles qui n’ont peut-être jamais écouté un seul morceau, ils ne sont pas au bout de leur peine. Sandro vient de dévoiler une mini collection de trois t-shirts immortalisant les plus beaux moments des concerts de Nirvana. A l’origine pour hommes, les filles s’enthousiasment et  s’imaginent déjà le porter « loose » sur leur slim. Toutes nos excuses à feu Kurt Cobain.

Campagne Zadig & Voltaire avec The Kills – Automne-Hiver 2010


T-shirts Sandro Nirvana – Automne-Hiver 2011

Jeans, une planète en bleu



On en a déjà parlé, le monde du denim peut s’avérer particulièrement abyssal. Plus l’on s’y intéresse et plus l’on découvre de détails historiques ou techniques passionnants. Ceci-dit, ce qui n’était réservé qu’aux plus fanatiques au début des années 2000 est en train de se développer pour toucher une partie bien plus large de la population, certainement pas prête à passer ses nuits à débattre du sens de la trame sur Superfuture. La toile brute non prélavée et le liseré sont devenus omniprésents, maintenant distribués par des grandes enseignes telles qu’Uniqlo, Marks & Spencer ou même H&M. Ce qui n’étaient il y a quelques années que des détails intéressants les plus passionnés d’entre nous sont maintenant reconnus par tous et devenus très abordables, même si cela a créé certaines dérives dénoncées par les puristes…



Poussé par cet attrait croissant pour les détails historiques du jean, les ouvrages sur le sujet se multiplient, il n’est donc pas surprenant qu’aujourd’hui un documentaire se concentre sur l’histoire de la toile indigo. « Jeans, une planète bleue » nous plonge ainsi au coeur de l’histoire du jean et de la toile duquel il est issu. C’est avec plaisir que nous sont notamment livrés les témoignages de l’archiviste de Levi’s, du président de Momotaro Jeans (qui y fait une démonstration de teinture) et même de Jean Touitou. Nous retiendrons particulièrement la découverte de Ruedi Karrer, ce zurichois possédant une impressionnante collection de plus de 7000 jeans.


Jeans, une planète en bleu from Sylvain on Vimeo.