M&S – British Quality Goods

Michael Marks et Thomas Spencer, les fondateurs de Marks & Spencer

Marks & Spencer, pour beaucoup de français de notre génération, c’est ce magasin de sandwichs clubs, de plats préparés et de friandises qu’on a rencontré lors d’une visite à Londres. Du coup on peut être assez surpris lorsque ce dernier revient en France avec une boutique de vêtement. Les plus anciens, eux, se souviendront de l’époque où notre pays possédait de nombreuses boutiques Marks & Spencer. Celles-ci furent toutes fermées (peu après que Burger King ait fait de même, triste époque). Le coeur de métier de Marks & Spencer est bien le vêtement, d’ailleurs c’est le premier distributeur de vêtement au Royaume-Uni : il y détient à peu près 11% du marché. Pour information, en France – le pays de la mode – c’est Decathlon qui occupe cette place, avec plus de 3% de parts de marché.

Le magasin de Southampton au début du XXème siècle

L’histoire de Marks & Spencer remonte à 1884 où l’entreprise écumait les marchés du nord-est de l’Angletterre. Rapidement elle se spécialisa sur un concept à l’époque novateur : le magasin à prix unique. Marks & Spencer est donc un peu comme le grand cousin briton des distributeurs français Monoprix, Prisunic ou Uniprix. Tous les produits qui y étaient vendus étaient à 1 penny. Le succès et le développement furent tels que le réseau du distributeur comptait déjà 145 magasins en 1915. L’entreprise se diversifia petit à petit dans le vêtement, les produits de la maison, la nourriture, les cafés … Et devint enfin le Marks & Spencer d’aujourd’hui. La marque de vêtement vendue chez Marks & Spencer fut longtemps nommé St Michael, du nom du fondateur, il n’est donc pas rare de tomber sur des vêtements de cette marque dans les friperies anglaises ou françaises. Petite anecdote historico-financière : Marks & Spencer racheta Brooks Brothers en 88, avant de  revendre la marque américaine au fils du patron de Luxotica en 2001.

Un de leurs deux magasins de Oxford Street, à Londres en 1932

Un peu comme notre boutique La Belle Échoppe, Marks & Spencer avait une politique forte en terme de sourcing et proposait presque exclusivement des produits fabriqués au Royaume-Uni. Ils durent changer ceci au début des années 2000 car la concurrence gagnait des parts de marché en important des produits pour les proposer à plus bas prix. Depuis ses débuts, Marks & Spencer tente d’offrir à ses clients de la qualité à moindre coût, et la marque a longtemps été une icone des « British Quality Goods ». La marque a aussi collaboré à plusieurs reprises avec de grands noms de Savile Row pour sa gamme de formal wear. Elle a plus précisément travaillé avec des tailleurs de la nouvelle génération des années 90, que certains surnommèrent le New Bespoke Movement car ils brouillaient les pistes entre designer et tailleurs : Timothy Everest et maintenant Richard James.

La visite d’un magasin du distributeur peut être une expérience troublante car la segmentation des sous-marques et des produits est un peu confuse. D’autant plus que l’offre du distributeur est très large, il y en a en effet pour tous les goûts. L’expérience est cohérente sur internet, où les brushings des mannequins et les traductions un peu hasardeuses peuvent effrayer. Malgré ces lacunes, pour moi Marks & Spencer est un peu l’Uniqlo anglais, sans l’excellence marketing du japonais. Si on cherche bien, on y trouve de nombreux basiques de bonne facture, et aussi des classiques très anglais : des pantalons en velours côtelé ou en moleskine de multiples couleurs, des vestes de chasse type barbour, des vestes en Harris Tweed … Donc si vous arrivez à vous frayer un chemin à travers leurs 20 modèles de chinos différents (!), et que vous n’avez pas peur de tomber face à des choses étranges, vous pourrez très certainement dégoter une belle pièce, durable et accessible. L’enseigne va bientôt ouvrir de nombreux points de vente en France, l’occasion pour les curieux d’aller voir ça de plus près.

En cherchant un peu, on tombe rapidement sur des modèles basiques d’un excellent rapport qualité prix

Jeans, une planète en bleu



On en a déjà parlé, le monde du denim peut s’avérer particulièrement abyssal. Plus l’on s’y intéresse et plus l’on découvre de détails historiques ou techniques passionnants. Ceci-dit, ce qui n’était réservé qu’aux plus fanatiques au début des années 2000 est en train de se développer pour toucher une partie bien plus large de la population, certainement pas prête à passer ses nuits à débattre du sens de la trame sur Superfuture. La toile brute non prélavée et le liseré sont devenus omniprésents, maintenant distribués par des grandes enseignes telles qu’Uniqlo, Marks & Spencer ou même H&M. Ce qui n’étaient il y a quelques années que des détails intéressants les plus passionnés d’entre nous sont maintenant reconnus par tous et devenus très abordables, même si cela a créé certaines dérives dénoncées par les puristes…



Poussé par cet attrait croissant pour les détails historiques du jean, les ouvrages sur le sujet se multiplient, il n’est donc pas surprenant qu’aujourd’hui un documentaire se concentre sur l’histoire de la toile indigo. « Jeans, une planète bleue » nous plonge ainsi au coeur de l’histoire du jean et de la toile duquel il est issu. C’est avec plaisir que nous sont notamment livrés les témoignages de l’archiviste de Levi’s, du président de Momotaro Jeans (qui y fait une démonstration de teinture) et même de Jean Touitou. Nous retiendrons particulièrement la découverte de Ruedi Karrer, ce zurichois possédant une impressionnante collection de plus de 7000 jeans.


Jeans, une planète en bleu from Sylvain on Vimeo.

Uniqlo – Produits d'appel

Il faut l’avouer, les vêtements dont nous traitons sur redingote sont généralement plutôt cher. Ces prix sont souvent justifiés par l’apport de valeurs difficilement trouvables dans des produits de grande consommation : une démarche travaillée, une qualité irréprochable ou une histoire ancienne…


Cependant, Uniqlo, une de ces grandes enseignes à bas prix, sort des produits semblant nous cibler directement. Que ce soit pour des chemises button-down en oxford, des sweaters à bouclettes ou bien des jeans bruts en toile japonaise, Uniqlo a de quoi attirer le connaisseur. Bien entendu, aucune des valeurs ajoutées citées précédemment ne sont présentes, leurs produits sont le plus souvent fabriqués en Chine et parfois les finitions laissent un peu à désirer. La qualité perceptible reste tout de même importante, on est loin du produit qui se désintègre après deux lavages en machine.

Ouvrons une petite parenthèse pour traiter de leurs jeans made in japan. Uniqlo propose en effet plusieurs coupes d’un jean totalement confectionné au Japon, en toile japonaise. Ce produit d’appel est assez impressionnant car tous les détails que l’on trouve habituellement sur des produits plus haut de gamme y sont présents, c’est donc un bon compromis pour les amateurs de denim que l’histoire du produit importe peu.

Comment expliquer qu’Uniqlo, concurrent d’H&M, de Zara et de Gap, propose aujourd’hui des produits pointus de la sorte ?

Une partie de la réponse vient probablement de la nationalité de la marque japonaise. En effet, aujourd’hui il y a 835 boutiques Uniqlo dans le monde, dont 703 rien qu’au Japon. On imagine donc que ces quelques produits ont trouvé une clientèle au Japon où l’on sait que les pièces d’héritage américain ont actuellement un grand succès.

Peut-être aussi s’agit il de faire cross-shopper ces connaisseurs. Prenons le cas des grandes enseignes de fast-fashion (Zara et Topshop en tête) : Celles-ci attirent leurs clients en proposant des modèles fortement inspirés des créations de grands noms du prêt à porter de luxe.  Non seulement des personnes non-clientes des grandes marques viennent acheter ces produits, mais aussi les clients de ces grandes marques de luxes, qui y voient une solution complémentaire de remplir leur garde robe. Proposer de tels produits est donc un bon moyen pour Uniqlo d’attirer les amateurs de denim bruts et autres chemises en chambray.

Ci-dessous quelques exemples des produits simples et efficaces proposés chez Uniqlo. Sont présents notamment la chemise button-down en oxford, le sweater ainsi que le denim japonnais mentionnés plus haut.