Garmento – Mémoire vive

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Giorgio Armani 1988

Découvert il y a quelques années lors d’une recherche sur le Men’s Dress Reform Party, Garmento est un magazine doublé d’un blog qui traite de la mode de saisons passées.
C’est un constat relativement étonnant, voire passionnant : aujourd’hui, à l’heure où tout est disponible instantanément sur internet, il est toujours difficile de tomber sur des photos de défilés ou de campagnes publicitaires des années 80 ou 90, ou même de voir documenté en détail les marques qui eurent du succès il y a quelques décennies. Difficile donc pour les moins de 30 ans de se rendre compte de ce qu’était Helmut Lang à sa grande époque ou de l’ambiance qui régnait au sein des défilés joyeusement déjantés de Maison Martin Margiela. Comment pourrait-on même imaginer que GAP, à une époque, a été une marque cool ?
Garmento nous propose donc, à l’aide de publicités, d’extraits d’ouvrages vintages ou d’interviews, de retracer ces modes, vendues, portées, ou rêvées par les créateurs de l’époque. Dans un secteur où tous les regards sont constamment rivés sur la nouveauté, s’attarder sur ce qui a existé peut s’avérer salvateur.
L’occasion de se rendre compte que la silhouette des hommes évolue, et qu’aucun produit, aussi classique soit-il, n’est intemporel. Pour preuve cette oxford Ralph Lauren de 1992 que nous pourrions aujourd’hui utiliser comme parachute. Morale, destinée particulièrement à ceux qui ont besoin d’excuses pour assumer un gros craquage chez le tailleur : votre enfant n’aura probablement rien à faire des vieux vêtements élimés que vous imaginez lui transmettre, ils seront probablement has-been, c’est tout.

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Tokyo – Suite …

Une des petites mains, la seule en fait, à l’atelier de The Franklin Tailored

On vous a déjà parlé de Biotop, Wild Life Tailor, Vendor, et Saturday’s Surf, il reste cependant beaucoup de choses sur lesquelles on pourrait s’attarder, Tokyo recellant de mille bijous que l’on rêverait de voir dans nos villes. Que ce soit du petit magasin indépendant aux grandes enseignes qui y lancent des concepts que l’on tarde de voir arriver prêt de chez nous, il fallait faire un point sur ces trouvailles afin que vous puissiez vous y arrêter si il vous arrivait de passer dans les parages.

Found Muji

Si vous êtes un fan de Muji, commencez déjà à économiser. Le concept « Found » regroupe des produits de haute qualité que l’équipe de l’enseigne a dégoté aux quatres coins du monde, le tout allié au sens de présentation très japonais qui a fait le succès de la marque. En somme il s’agit d’un mini-supermarché regroupant le meilleur de chaque endroit où l’on a tout simplement envie de tout acheter. On sent le concept de Labour & Wait pas très loin.

Nakajima Bâtiment 5-50-6 Jingu-mae, Shibuya-ku, Tokyo 1 ~ 2F
www.muji.net/foundmuji/

Timeworn Clothing – At Last

Timeworn Clothing est l’une de ces boutiques qui proposent du workwear américain encore plus fidèle à l’original que ce que l’on peut trouver en Amérique. L’offre de la boutique est principalement composé de leur propre marque: At Last Clothing. Cependant vous y trouverez aussi d’autres labels, surtout japonais, proposant des accessoires. Les prix sont conséquents mais la qualité est au rendez-vous. J’ai bien failli dépenser un demi mois de loyer pour la veste ci-dessus.

3-12-3,Kitaaoyama,Minatoku,Tokyo

Loopwheeler

Loopwheeler a la réputation de faire certains des meilleurs sweatshirt du monde. L’homme derrière la marque, Satoshi Suzuki, n’est autre qu’un passionné de la matière, au point d’avoir plus de 350 pulls en jersey dans sa garde-robe. Ce n’est pas rien. Le nom de la marque vient de la machine qui était utilisée au début de 20ième siècle pour tisser le jersey. Alors que tout le monde passait aux machines automatisées qui permettaient d’avoir un meilleur rendement, Satoshi a décidé de sauver ces antiquités de la poubelle et d’en faire sa marque de fabrique. Le résultat: une entité connue mondialement qui travaille avec des marques comme Nike et Clark’s sur des produits en collaboration. Un endroit donc à visiter si vous cherchez le meilleur sweatshirt disponible, vous aurez l’embarra du choix en ce qui concerne les coupes et les couleurs (pas la matière cependant, qui reste celle de l’obsession de Satoshi). Une des fameuses machines est d’ailleurs exposée en vitrine pour tous les curieux.

Yamana Bldg. B1F, 3-51-3 Sendagaya, Shibuya-Ku, Tokyo
www.loopwheeler.co.jp

The Franklin Tailored

The Franklin tailored est une toute petite marque proposant des produits d’une extrème qualité avec une forte inspiration workwear. Présent notamment chez Biotop et Wild Life Tailor, ce petit atelier propose cette chemise en oxford d’apparence simple outre le fait qu’il s’agit d’un tissu triple retord. En somme, trois fois plus épaisse que votre chemise en oxford habituelle. Une petite merveille. L’atelier de la marque sert aussi de boutique / showroom. Si vous voulez voir le savoir-faire japonais en action, ça vaut le coup de passer y jeter un coup d’oeil et s’approprier cette chemise. Je regrette encore de ne pas l’avoir emporté avec moi dans ma valise.

3-14-10 Minami-Aoyama, Minato-ku, Tokyo
www.the-ft.com

Les costumes des films de Wes Anderson


The Royal Tenenbaums (2001)


Au cinéma, les costumes sont là pour servir l’histoire, ils permettent généralement de retranscrire une époque, la personnalité d’un personnage, ses aspirations et ses évolutions. Les costumes viennent donc appuyer le travail narratif et se font souvent discret, afin de ne pas distraire le spectateur de l’intrigue. Dans les films de Wes Anderson, il en est tout autre et les costumes ont une visibilité inhabituelle. Ici tout est fait pour que les vêtements définissent, de manière bien ostentatoire, les personnages et nous fasse adhérer à un univers plutôt particulier. Les costumes y font l’objet d’une minutie impressionnante et c’est un véritable plaisir que de se laisser guider à travers les frasques de ces personnages souvent farfelus aux looks intemporels. En effet, impossible de retranscrire à l’écran des modes éphémères telles que traitées dans les magazine de mode, Karen Patch, costumière pour Bottle Rocket (1996), Rushmore (1998) et The Royal Tenenbaums (2001), le confirme dans une interview à W magazine : « Il faut faire attention parce qu’un an après la création des costumes, lorsque le film sort dans les salles, un certain look peut être dépassé. C’est pour cela qu’il faut chercher à faire des choses plutôt classiques. ». Et lorsque Karen Patch n’est pas aux commandes, c’est Milena Canonero, géante du costume design qui s’en charge. Sachant qu’elle a notamment travaillé sur Barry Lindon, Out of Africa et Le Parrain 3, Wes Anderson pouvait difficilement se tromper en travaillant avec elle.


Rushmore (1998) – le tweed bien épais semble être un classique du corps professoral à travers le monde


Ces costumes nous permettent avant tout d’être plongé dans le monde du réalisateur : monde étonnant où chacun a son uniforme et où souvent, l’habit fait le moine. Ainsi les costumes de certains personnages ne changent jamais. On va jusqu’à imaginer que Max Fisher, dans Rushmore, possède une garde robe entière de blazers bleu marine et de chemises oxford bleues. Ceci est même mis en image au début de The Royal Tenenbaums où l’on voit Chas s’habiller. Que ce soit dans Rushmore (1998), The Royal Tennenbaums (2001), Life Aquatic with Steve Zissou (2004) ou The Darjeeling Limited (2007), les costumes ajoutent toujours une part d’inexplicable, d’irréel. Cette prise de distance avec la réalité permet d’ancrer le spectateur dans un monde loufoque, où l’on s’imagine que tout est possible. Cela, ajouté aux décors et à certaines animations, participe grandement à l’ambiance si particulière ayant fait le succès de ces films.


The Royal Tenenbaums (2001) – Chas Tenenbaum a l’embarras du choix…

 

The Royal Tenenbaums (2001)

 

Il est aussi intéressant de noter la traduction vestimentaire des liens entre les personnages. Par exemple, Margot Tenenbaum, tout comme sa mère, porte un sac à main classique de chez Hermès. Cependant, Margot a opté pour un Birkin alors que sa mère possède le plus classique Kelly. Certains soutiennent que le Birkin, créé dans les années 80, est une actualisation du Kelly, qui lui est apparut dans les années 30. Il paraît ainsi logique d’attribuer le Kelly à Ethelyn Tenenbaum et le Birkin à sa fille. C’est aussi un aspect fort du film Darjeeling Limited où les trois frères portent toujours des tenues coordonnées, souvent accompagnées de la maroquinerie monogrammée de leur père défunt.


The Royal Tenenbaums (2001) – Ethelyn Tenenbaum et son Kelly

 

The Darjeeling Limited (2007)


Mais ces liens vestimentaires ne se limitent pas aux familles, et comme en vrai, les vêtements servent aussi à se fondre dans son environnement, à adapter l’image que l’on souhaite présenter. Normal donc de voir Max Fisher troquer son uniforme de parfait preppy pour tout autre chose lorsqu’il quitte Rushmore. Il en est de même pour Ned Plimton qui quitte ses tshirt, vestes et autres accessoires estampillés « Air Kentucky » lorsqu’il rejoint l’équipe de Steve Zissou, reconnaissable à ses bonnets rouges, ses Adidas customisées et de superbes pulls marins à col châle.


Life Aquatic with Steve Zissou (2004) – Ces chaussures sont en fait des Adidas Rom créées spécialement pour le film, étonnament Adidas ne les a jamais commercialisées.

 

Life Aquatic with Steve Zissou (2004) – Pull marin à col châle

 

Beaucoup des films de Wes Anderson se passent aux Etats-Unis, et cela se ressent aussi bien dans les décors que dans les costumes. Particulièrement pour les films où Karen Patch s’occupe du costume design : Bottle Rocket (1996) , Rushmore (1998) et The Royal Tenenbaums (2001). Les chemises sont button-down et en oxford bleu, et les cravates club s’associent à des blazers bleu marine et à des chinos. Des noeuds papillons des personnages secondaires jusqu’aux mocassins portés par Margot Tenenbaum : On ne serait pas étonné d’apprendre que ces costumes aient tous été achetés chez Brooks Brothers…


Bottle Rocket (1996) – Bien que la garde robe du film soit bien ancrée dans les 90s, on y trouve tout de même le traditionnel combo : blazer/chino/chemise OCBD/cravate club

 

Rushmore (1998) – Jason Schwartzman en parfait preppy

 

Et lorsque le costume design s’éloigne des classiques américains, les influences restent liées aux Etats-Unis. C’est par exemple le cas dans The Darjeeling Limited, où les costumes cintrés, ceinturés sur le dos et avec des poches plaquées à rabat sortent tout droit de l’imagination de Marc Jacobs. Celui-ci n’est d’ailleurs pas étranger au fait que la maroquinerie du film ait été conçue chez Louis Vuitton.


The Darjeeling Limited (2007) – Vous avez remarqué la poche à rabat à la poitrine ?

 

The Darjeeling Limited (2007) – L’arrière de ces vestes. Casual juste ce qu’il faut


L’influence des costumes de ces films, notamment de Royal Tennebaums, a largement dépassé leur rôle et ont marqué beaucoup de spectateurs. A tel point que la sortie d’un film de Wes Anderson est à chaque fois un événement dans le monde du vêtement. Par exemple, pour la sortie de Fantastic Mr. Fox aux Etats-Unis, on a pu voir la vitrine du grand magasin Bergdorf Goodman à New-York être décoré avec des marionnettes du film. Et preuve ultime de l’entrée de ces costumes dans les esprits : impossible de passer une soirée de halloween aux Etats-Unis sans croiser des Richie et des Margot Tenenbaum à tous les coins de rue. Il y aurait beaucoup encore à dire, mais je vous laisse juger par vous même avec quelques photos supplémentaires qui ne rendent pas vraiment honneur aux films (par ailleurs tous disponibles en DVD).


The Royal Tenenbaums (2001) – Bill Murray en veste de velour « 3/2 roll » : une veste à 3 bouton transformée en veste à 2 boutons


The Royal Tenenbaums (2001) – Owen Wilson parvient à rendre élégantes des tenues fortement inspirées de l’ouest américain


Fantastic Mr. Fox (2009)

 

The Royal Tenenbaums (2001) – Danny Glover semble sortir tout juste de chez Brooks Brothers

 

Fantastic Mr. Fox (2009)


The Darjeeling Limited (2007) – La courte apparition de Bill Muray dans ce film fait son effet avec une belle association de couleurs


The Royal Tenenbaums (2001) – Norfolk jacket et ascot


Bottle Rocket (1996)


Made & Crafted: online !


Sans réellement nous attarder dessus, nous avions déjà mentionné ici Made & Crafted, la ligne développée par Levi’s XX (la branche premium, plus connue pour s’occuper également de Levi’s Vintage Clothing). La marque Made & Crafted vient donc d’ouvrir son site internet dédié qui présente dès maintenant l’ensemble de la collection pour la saison à venir.

Contrairement à Levi’s Vintage Clothing qui fait dans la reproductions de pièces tirées des archives Levi’s, Made & Crafted s’occupe d’y puiser quelques inspirations pour développer une collection contemporaine. Lancée début 2010, il n’est pas surprenant de voir que la marque ai choisi de laisser un peu de temps s’écouler avant de communiquer, elle avait sûrement besoin de prendre de la distance par rapport à Levi’s Vintage Clothing et trouver une identité propre. La collection à venir, que vous pouvez avoir sous les yeux sur le site, reflète donc parfaitement l’esprit Made & Crafted: les vêtements sont actuels, de belle qualité, et ne viennent pas de nulle part car ils n’oublient pas leurs racines, ce qui assure une bonne cohérence à la série.

Les matériaux utilisés sont beaux, les finitions de bonne qualité et quelques petits détails témoignent de l’esprit inventif derrière la marque: les chemises oxford sont par exemple dotées de boutons réalisés dans le même coton, qui aura donc été simplement compressé; le fond de certaines poches est incurvé par choix esthétique, alors que la réalisation de ces poches est plus compliquée que celle des rectangulaires, le « button down » est caché… bref, un soin particulier est apporté au produit et rien ne semble laissé au hasard.


Le site Made & Crafted présente donc classiquement les collections homme et femme de la marque, renseignera sur les points de vente mais est pourvu d’un onglet « Stories » qui explique très simplement les pièces emblématiques du label et qui devrait être mis à jour régulièrement.

Uniqlo – Produits d'appel

Il faut l’avouer, les vêtements dont nous traitons sur redingote sont généralement plutôt cher. Ces prix sont souvent justifiés par l’apport de valeurs difficilement trouvables dans des produits de grande consommation : une démarche travaillée, une qualité irréprochable ou une histoire ancienne…


Cependant, Uniqlo, une de ces grandes enseignes à bas prix, sort des produits semblant nous cibler directement. Que ce soit pour des chemises button-down en oxford, des sweaters à bouclettes ou bien des jeans bruts en toile japonaise, Uniqlo a de quoi attirer le connaisseur. Bien entendu, aucune des valeurs ajoutées citées précédemment ne sont présentes, leurs produits sont le plus souvent fabriqués en Chine et parfois les finitions laissent un peu à désirer. La qualité perceptible reste tout de même importante, on est loin du produit qui se désintègre après deux lavages en machine.

Ouvrons une petite parenthèse pour traiter de leurs jeans made in japan. Uniqlo propose en effet plusieurs coupes d’un jean totalement confectionné au Japon, en toile japonaise. Ce produit d’appel est assez impressionnant car tous les détails que l’on trouve habituellement sur des produits plus haut de gamme y sont présents, c’est donc un bon compromis pour les amateurs de denim que l’histoire du produit importe peu.

Comment expliquer qu’Uniqlo, concurrent d’H&M, de Zara et de Gap, propose aujourd’hui des produits pointus de la sorte ?

Une partie de la réponse vient probablement de la nationalité de la marque japonaise. En effet, aujourd’hui il y a 835 boutiques Uniqlo dans le monde, dont 703 rien qu’au Japon. On imagine donc que ces quelques produits ont trouvé une clientèle au Japon où l’on sait que les pièces d’héritage américain ont actuellement un grand succès.

Peut-être aussi s’agit il de faire cross-shopper ces connaisseurs. Prenons le cas des grandes enseignes de fast-fashion (Zara et Topshop en tête) : Celles-ci attirent leurs clients en proposant des modèles fortement inspirés des créations de grands noms du prêt à porter de luxe.  Non seulement des personnes non-clientes des grandes marques viennent acheter ces produits, mais aussi les clients de ces grandes marques de luxes, qui y voient une solution complémentaire de remplir leur garde robe. Proposer de tels produits est donc un bon moyen pour Uniqlo d’attirer les amateurs de denim bruts et autres chemises en chambray.

Ci-dessous quelques exemples des produits simples et efficaces proposés chez Uniqlo. Sont présents notamment la chemise button-down en oxford, le sweater ainsi que le denim japonnais mentionnés plus haut.