Cachemire – Bonne ou mauvaise affaire?


Une chèvre de la région d’Ordos en Mongolie. La région est réputée pour produire la meilleure qualité de cachemire au monde.

Il commence a faire froid, bien froid et on ne rêve que d’une chose, s’envelopper dans un pull bien chaud et doux pour passer l’hiver. Pour cela quoi de mieux que le cachemire: connu pour sa douceur et sa chaleur, il est aussi connu pour son prix. On trouve des prix très diverses cela dit, d’une centaine d’ Euros chez Uniqlo à plusieurs centaines chez des marques comme Bompard, voir plus de mille Euros chez Ralph Lauren, on peut alors se demander qu’est-ce qui justifie une telle différence de prix?


Une chèvre à cachemire venant de se faire peignée de son duvet

Ce qui explique le prix du cachemire est avant tout sa rareté. Il provient des chèvres de la région du Cachemire que l’on peut trouver principalement en Chine (Mongolie Intérieure) et en Mongolie et ne peut être récolté que pendant l’hiver lorsque les chèvres produisent ce duvet supplémentaire pour se protéger du froid extrème de la région (de -30°C à -40°C). Chaque chèvre ne produit que environ 150 gr de Cachemire par an. Il faudrait donc le duvet d’environ six chèvres du Kashmir pour faire une veste de sport.  La production annuelle mondiale de cachemire se situe entre 15 000 et 20 000 tonnes en brut, ce qui une fois lavé et dégraissé descend à 6 500 tonnes environ de cachemire « pure ». Si l’on compare ce chiffre à la production mondiale de laine, cachemire inclus, qui est de environ 1.3 millions de tonnes par an, on comprend qu’il s’agit bien d’une denrée rare.

 

Un exemple d’éjarrage en Mongolie. Il s’agit ici de laine de Yak

La qualité de la récolte dépend de plusieurs paramètres: la qualité de la saison et l’attention portée au peignage. Plus il aura plu, plus la qualité de l’herbe sera bonne, ce qui influencera la qualité de la laine et la quantité produite. Concernant le peignage dont le but est normalement de ne récupérer que la partie la plus fine de la laine, il se peut qu’il ne soit pas raffiné au maximum afin de récupérer de la matière en plus.

Une fois la matière « brute » issue du peignage de la chèvre récupérée, le duvet est lavée pour éliminer les impuretés et aussi pour enlever la graisse naturelle présente dans la laine. S’en suit l’éjarrage, qui a pour but d’éliminer les fils longs et durs du duvet, puis le cardage qui permettra de démêler les fibres et les paralléliser ainsi que d’enlever les dernières impuretés restantes. Ce n’est que après le cardage que les fibres pourront êtres filées, et donc transformées en fils pouvant être utilisés à la confections de tricots, ou autres.


Du cachemire brut avant d’être filé

Comme toutes les fibres textile naturelles, la qualité se mesure selon la finesse de la fibre et sa longueur. Plus une fibre sera fine, plus elle sera dure à tisser, mais la toile sera plus fine et donc plus agréable. Concernant la longueur de la fibre, il sera plus facile de faire un fil solide si la fibre est longue. On pourra alors la filer, alors que si la fibre est courte, on aura recours à la technique dite du « open end », qui consiste à passer les plus petites fibre dans une turbine pour en faire un fil. Le fil sera alors moins solide et aura plus facilement tendance à pelucher.La fibre récupérée est considérée comme du Cachemire véritable si sa longueur dépasse 36mm.

Les standards américains définissent la largeur maximale d’une fibre de cachemire à 19 microns, les plus fines pouvant être de 14 microns. La principale qualité de cette fibre est qu’elle contient des minuscules capsules d’air qui permettent une meilleure isolation ainsi qu’une grande légèreté. De plus, la fibre est recouverte de cuticules très fins qui lui donnent ce touché doux et soyeux. En clair, une très bonne isolation pour un poid minimal avec un touché doux, que demander de plus?


Un fil de cachemire passant dans une machine chaine et trame

Le plus gros producteur de cachemire et de loin, est la Chine (10 000 tonnes brut), suivie de la Mongolie (3 000 tonnes brut) qui est aussi connue pour produire la meilleure qualité (environ 15 microns). Les autres pays producteurs sont l’Australie, l’Inde, le Pakistan, l’Iran, la Nouvelle Zealande, la Turquie et les USA.

Au vu de sa rareté, le cachemire pur n’est pas courant et est donc très cher, on trouve principalement des mélanges avec d’autre laines. Donc quand vous voyez un pull en cachemire « pas cher » il y a des chances qu’il peluche rapidement et soit moins doux qu’une qualité supérieure car le fil sera surement issu de l’ « open end » avec une fibre plus courte et plus large. Si vous voulez vérifier la qualité d’un pull, n’hésitez pas à tirer une fibre et voir sa longueur et sa finesse. Plus elle sera longue et fine, plus la matière sera de bonne qualité. Et si vous voulez être sûr qu’il s’agit bien de fibre animale, il suffit de bruler une fibre. Si ça sent le cochon, c’est du bon.

Madras – La faute des Écossais



L’été arrivant et me trouvant actuellement à Dehli, la question du madras est venue tout naturellement. La plupart des tissus de madras que nous connaissons sont souvent à carreaux, alors qu’aux dernières nouvelles, le carreau n’a pas toujours été un des signes distinctifs de l’Inde, mais plutôt de… l’Écosse.

Le madras est originaire d’Inde, de la ville du même nom qui s’appelle aujourd’hui Chennai. La ville est située au sud-est du pays, sur les bords de la baie du Bengale.

La ville est connue pour son coton depuis 3000 av. J.-C. Autant dire qu’ils ont de l’expérience. Au 12ème siècle, la qualité reconnue de ce coton lui a valu d’être exporté vers l’Afrique et le Moyen-Orient. Le tissu fait de ce coton était alors appelé gada et était principalement utilisé pour faire des coiffes. Il n’était alors pas du tout recouvert de rayures ni de carreaux. Le tissu a commencé à être imprimé de motifs floraux et religieux à partir du 17ème siècle par le moyen de tampons et est devenu le tissu servant à la confection des tenues traditionnelles de la région jusqu’au 19eme siècle.



La région a été occupée pendant le 19ème siècle par les Écossais. Il paraîtrait que les tisseurs se soient tout simplement inspiré des nombreux tartans qu’arboraient les fiers Écossais pour en faire des créations à leurs goût aux couleurs vives de l’Inde. Tout comme le tricotage pour les pulls marins écossais, chaque village, voir parfois chaque tisseur, a développé son propre tartan, ce qui permet de remonter à l’origine de la fabrication mais aussi de garder une belle diversité de motifs.

Avec l’évolution des technologies, les couteuses teintures naturelles ont été remplacées par leurs homologues chimiques, plus fixatrices, concentrées et facile à produire appelées color-fast.
C’était pourtant là toute la beauté de ce qu’on appelle le bleeding madras. Ce madras est appelé ainsi car les couleurs tendent à dégorger aux premiers lavages et s’atténuer avec le temps. Chacun des lots de coton est trempé dans une mixture de colorant naturels, sels, levures et agents fixateurs avant d’être tissés à la main. Une simple façon de vérifié que votre tissu a été bien teint fil à fil et pas imprimé est de vérifié l’envers du tissu, qui n’est logiquement pas teint dans le cas d’un tissu imprimé. Également, le tissage à la main n’est pas une science exacte et peut parfois faire apparaître des petites erreurs dans le tissu, preuve de la confection manuel. Des petits grumeaux ou slubs en anglais paraissent sur la toile dut à un manque de peignage du tissu. Cet effet, appelé « slubbé » est une des preuves que la toile a bien été tissée manuellement.



Le bleeding madras a eu ses heures de gloire dans les années 50-60 avec la tendance preppy qui a donné naissance à plus de 150 000 nouvelles combinaisons de carreaux. Le premier à importer du madras aux USA n’est autre que le fameux Brooks Brothers (BB pour les intimes) à la fin du 19 siècle. La matière n’est devenue à la mode que quelques années après, dans les années 30 et est encore disponible aujourd’hui dans tous les magasin hors et sur les campus de l’Ivy league tel que J.Press, Brooks, Paul Stuart ou the Andover Shop pour n’en citer que quelques uns. A noter également que l’imprimé qui recouvre le Preppy Handbook n’est autre que du Madras.



Le madras est donc un tissu léger, tissé de manière assez lâche et arborant des couleurs vives. Il est entièrement teint et tissé à la main et peut être uni, à tartan, avec des rayures aléatoires ou avec des dessins. La Commission Fédérale Américaine du Commerce a décrété que le terme de madras ne peut être utilisé sur une étiquette ou de manière commerciale que si il est d’origine indienne et correspond à cette description. Le madras est généralement fait de coton.

Les tissus faits à la main représentent une très grande partie de la production indienne et sont une fierté nationale, le madras en tête. Ce n’est pas pour rien qu’il y a une roue à tisser sur le drapeau indien.


Jeans, une planète en bleu



On en a déjà parlé, le monde du denim peut s’avérer particulièrement abyssal. Plus l’on s’y intéresse et plus l’on découvre de détails historiques ou techniques passionnants. Ceci-dit, ce qui n’était réservé qu’aux plus fanatiques au début des années 2000 est en train de se développer pour toucher une partie bien plus large de la population, certainement pas prête à passer ses nuits à débattre du sens de la trame sur Superfuture. La toile brute non prélavée et le liseré sont devenus omniprésents, maintenant distribués par des grandes enseignes telles qu’Uniqlo, Marks & Spencer ou même H&M. Ce qui n’étaient il y a quelques années que des détails intéressants les plus passionnés d’entre nous sont maintenant reconnus par tous et devenus très abordables, même si cela a créé certaines dérives dénoncées par les puristes…



Poussé par cet attrait croissant pour les détails historiques du jean, les ouvrages sur le sujet se multiplient, il n’est donc pas surprenant qu’aujourd’hui un documentaire se concentre sur l’histoire de la toile indigo. « Jeans, une planète bleue » nous plonge ainsi au coeur de l’histoire du jean et de la toile duquel il est issu. C’est avec plaisir que nous sont notamment livrés les témoignages de l’archiviste de Levi’s, du président de Momotaro Jeans (qui y fait une démonstration de teinture) et même de Jean Touitou. Nous retiendrons particulièrement la découverte de Ruedi Karrer, ce zurichois possédant une impressionnante collection de plus de 7000 jeans.


Jeans, une planète en bleu from Sylvain on Vimeo.