T-Shirt Bleu Pastel

Coton bio, pas de coutures latérales, et une couleur d’une belle profondeur

Les destinations touristiques accueillent souvent des commerces déconcertants, proposant des gadgets vites oubliés, de l’artisanat local douteux ou de surprenants sarouels en patchwork de jute. On y trouve cependant de bonnes surprises, parfois en s’éloignant un peu des sentiers battus, ou parfois même en y restant. On peut acheter des espadrilles faites sous ses yeux lors d’un passage à Mauléon, dans le pays basque, offrir des Rondini à sa belle lors d’une escale à St-Tropez, ou bien s’équiper d’un panama superfino lors d’une traversée sac-à-dos de l’Équateur. Les prix seront souvent imbattables, les produits uniques, et surtout, ils s’accompagneront gracieusement du souvenir de leur découverte.

Le pays de Cocagne, la région située entre Toulouse, Albi et Carcassonne, fit fortune au moyen-âge grâce au commerce de la coque de Pastel, d’où elle tire son nom. Le pastel est une plante qui, une fois fermentée, produit un colorant bleu-clair d’une belle intensité. Avant d’être progressivement détrôné par l’indigo, le pastel fut la principale source européenne de coloration bleue, alors la couleur des rois, et la région en fut le plus gros producteur. Non compétitive face à celle de l’indigotier, la production de pastel finit par complètement disparaître. Elle fut cependant reprise il y a une vingtaine d’années par quelques producteurs de la région. Qui permirent le développement au sein de la vallée du Tarn de boutiques touristiques proposant une vaste sélection de produits teints artisanalement à la pastel.

Les propriétaires de ces boutiques vous expliqueront à loisir comment ils procèdent eux-même à la teinture de leur offre, à grand renfort de photos de terrain (assez impressionnantes en fait, car en sortant du bain, le produit teint est en fait d’un vert très vif, ce n’est qu’au contact de l’air, en s’oxydant, que le bleu apparaît). Et si on regrette que leurs T-shirts n’aient pas la coupe parfaite d’un Merz ou d’un Velva-Sheen, la profondeur de couleur toute particulière obtenue après trois plongeons dans un bain de pastel suffit pour convaincre les plus sceptiques.

La mode masculine actuelle fait la part belle à l’indigo, partant des maintenant classiques jeans bruts non lavés pour aller jusqu’à s’inspirer de tissus historiques tels que le calico ou le boro, on pense notamment à Kapital, Visvim ou même à Louis Vuitton. Nombreuses sont aujourd’hui les marques proposant des produits teints en pièces à l’indigo végétal, ce qui permet d’obtenir une très belle couleur, et parfois aussi à celle-ci d’évoluer lorsque le produit est porté et lavé, tel un jean brut. Seulement, certaines marques ont récemment pris le contrepied de cette tendance pour utiliser le bleu plus clair du pastel. C’est par exemple le cas de la marque de T-shirt Sunspel (ici, très belle collection capsule) ou de la marque de denim Nudie ( ici ) qui proposent certains de leurs produits teintés en utilisant ce procédé.

Si ces produits sont très réussis, ils sont hélas vendus dépourvus de toute histoire d’ascension de cité médiévale sous la canicule récompensée par le doux réconfort d’un exceptionnel magret de canard local. Mais bon, à vous de voir.


L’étiquette teinte : détail inhérent aux produits teints à la pièce (ou garment dyed : le vêtement est confectionné non teint, puis plongé intégralement dans des bains de teinture, étiquette inclue)

 

Cette couleur !


Madras – La faute des Écossais



L’été arrivant et me trouvant actuellement à Dehli, la question du madras est venue tout naturellement. La plupart des tissus de madras que nous connaissons sont souvent à carreaux, alors qu’aux dernières nouvelles, le carreau n’a pas toujours été un des signes distinctifs de l’Inde, mais plutôt de… l’Écosse.

Le madras est originaire d’Inde, de la ville du même nom qui s’appelle aujourd’hui Chennai. La ville est située au sud-est du pays, sur les bords de la baie du Bengale.

La ville est connue pour son coton depuis 3000 av. J.-C. Autant dire qu’ils ont de l’expérience. Au 12ème siècle, la qualité reconnue de ce coton lui a valu d’être exporté vers l’Afrique et le Moyen-Orient. Le tissu fait de ce coton était alors appelé gada et était principalement utilisé pour faire des coiffes. Il n’était alors pas du tout recouvert de rayures ni de carreaux. Le tissu a commencé à être imprimé de motifs floraux et religieux à partir du 17ème siècle par le moyen de tampons et est devenu le tissu servant à la confection des tenues traditionnelles de la région jusqu’au 19eme siècle.



La région a été occupée pendant le 19ème siècle par les Écossais. Il paraîtrait que les tisseurs se soient tout simplement inspiré des nombreux tartans qu’arboraient les fiers Écossais pour en faire des créations à leurs goût aux couleurs vives de l’Inde. Tout comme le tricotage pour les pulls marins écossais, chaque village, voir parfois chaque tisseur, a développé son propre tartan, ce qui permet de remonter à l’origine de la fabrication mais aussi de garder une belle diversité de motifs.

Avec l’évolution des technologies, les couteuses teintures naturelles ont été remplacées par leurs homologues chimiques, plus fixatrices, concentrées et facile à produire appelées color-fast.
C’était pourtant là toute la beauté de ce qu’on appelle le bleeding madras. Ce madras est appelé ainsi car les couleurs tendent à dégorger aux premiers lavages et s’atténuer avec le temps. Chacun des lots de coton est trempé dans une mixture de colorant naturels, sels, levures et agents fixateurs avant d’être tissés à la main. Une simple façon de vérifié que votre tissu a été bien teint fil à fil et pas imprimé est de vérifié l’envers du tissu, qui n’est logiquement pas teint dans le cas d’un tissu imprimé. Également, le tissage à la main n’est pas une science exacte et peut parfois faire apparaître des petites erreurs dans le tissu, preuve de la confection manuel. Des petits grumeaux ou slubs en anglais paraissent sur la toile dut à un manque de peignage du tissu. Cet effet, appelé « slubbé » est une des preuves que la toile a bien été tissée manuellement.



Le bleeding madras a eu ses heures de gloire dans les années 50-60 avec la tendance preppy qui a donné naissance à plus de 150 000 nouvelles combinaisons de carreaux. Le premier à importer du madras aux USA n’est autre que le fameux Brooks Brothers (BB pour les intimes) à la fin du 19 siècle. La matière n’est devenue à la mode que quelques années après, dans les années 30 et est encore disponible aujourd’hui dans tous les magasin hors et sur les campus de l’Ivy league tel que J.Press, Brooks, Paul Stuart ou the Andover Shop pour n’en citer que quelques uns. A noter également que l’imprimé qui recouvre le Preppy Handbook n’est autre que du Madras.



Le madras est donc un tissu léger, tissé de manière assez lâche et arborant des couleurs vives. Il est entièrement teint et tissé à la main et peut être uni, à tartan, avec des rayures aléatoires ou avec des dessins. La Commission Fédérale Américaine du Commerce a décrété que le terme de madras ne peut être utilisé sur une étiquette ou de manière commerciale que si il est d’origine indienne et correspond à cette description. Le madras est généralement fait de coton.

Les tissus faits à la main représentent une très grande partie de la production indienne et sont une fierté nationale, le madras en tête. Ce n’est pas pour rien qu’il y a une roue à tisser sur le drapeau indien.