Hender Scheme


Chez Hender Scheme, on bosse avec de vieilles machines. Simples et robustes.

Célia Granger, laContrie, Isaac Reina, Ephtée… les maisons de maroquinerie indépendantes et intéressantes ne manquent pas en France (Ephtée est un peu à part, puisqu’elle fait des malles), le savoir faire haut de gamme traditionnel y est préservé même si on le décrit beaucoup comme en voie de disparition. Les seuls à qui on aurait quelque chose à envier à ce niveau là sont sûrement les japonais. Anglais, italiens, espagnols et américains ont également des artisans incroyables mais le style qu’ils développent est souvent moins subtil, peut être un tantinet plus tacky en ce qui concerne la maroquinerie. Le Japon regorge quant à lui de petits ateliers aux savoir-faire époustouflants, animés par une quête de perfection (là dessus, n’hésitez pas à visionner l’excellent documentaire Jiro Dreams of Sushi), qui ont cette idée juste d’une pièce parfaitement équilibrée.

Ryo au travail. Notez que le cuir est pré-percé pour gagner du temps, là où l’artisan traditionnel perce au fur et à mesure de sa couture, ce qui sera plus joli.

Amoureux de processus et de produits respirant la qualité, Ryo Kashiwazaki d’ Hender Scheme a bien compris l’intérêt de faire appel à ce vivier pour produire ses collections. Le label a également remarqué que ces mêmes artisans avaient du mal à communiquer ou ne savaient pas toujours comment attirer les regards de ces jeunes fashion-addicts qui traînent sur Four Pins et qui sont sûrement les consommateurs de produits haut de gamme de demain: susciter leur envie c’était se placer dans le paysage, leur montrer, à l’instar de Visvim, qu’un autre « luxe » était possible, loin du cognac et des manchettes en platine. Les vieilles maisons européennes ont d’ailleurs exactement ce même problème, d’attirer une clientèle plus jeune (sans compter Hermes évidement). Hender Scheme a donc réussi le pari: la marque s’est fait un nom ces deux dernières années en trouvant un moyen d’allier savoir-faire traditionnel et design populaire pour créer un cocktail qui étonne: reproduire des sneakers emblématiques à la main, dans de beaux cuirs naturels non teints . Quand les icônes de la fast-fashion et de la culture hip-hop rencontrent des techniques ancestrales, ça parle tout de suite à notre génération: blogs de streetwear et boutiques indépendantes de petits créateurs haut de gamme ont tous été très enthousiastes.

La fameuse paire de Jordan IV.

La Cortez, ça faisait longtemps.

Une boîte à mouchoirs en papier ? parfaite pour la plage arrière. Ça ne se prend pas trop au sérieux chez Hender Scheme apparemment, du coup j’aime encore plus la marque.

Le problème dans tout ça c’est que l’on pourrait penser que la démarche est un peu du design facile, jouant avec les frontières parfois floues entre contrefaçon et création. À mes yeux il s’agit surtout d’un beau développement produit doublé d’une belle opération de communication alliant artisanat ancestral et culture populaire, qui offre un moyen de garder plus de 10 ans une paire de Jordan IV qui s’embellira avec le temps, de la même manière qu’une paire sortie des ateliers Weston. On espère juste que le label va réussir à sortir de ce schéma bientôt pour se faire remarquer par ses propres chaussures, et non par une « simple » version haut de gamme de modèles existants.

www.henderscheme.com et merci à Haven pour les images !

T-Shirt Bleu Pastel

Coton bio, pas de coutures latérales, et une couleur d’une belle profondeur

Les destinations touristiques accueillent souvent des commerces déconcertants, proposant des gadgets vites oubliés, de l’artisanat local douteux ou de surprenants sarouels en patchwork de jute. On y trouve cependant de bonnes surprises, parfois en s’éloignant un peu des sentiers battus, ou parfois même en y restant. On peut acheter des espadrilles faites sous ses yeux lors d’un passage à Mauléon, dans le pays basque, offrir des Rondini à sa belle lors d’une escale à St-Tropez, ou bien s’équiper d’un panama superfino lors d’une traversée sac-à-dos de l’Équateur. Les prix seront souvent imbattables, les produits uniques, et surtout, ils s’accompagneront gracieusement du souvenir de leur découverte.

Le pays de Cocagne, la région située entre Toulouse, Albi et Carcassonne, fit fortune au moyen-âge grâce au commerce de la coque de Pastel, d’où elle tire son nom. Le pastel est une plante qui, une fois fermentée, produit un colorant bleu-clair d’une belle intensité. Avant d’être progressivement détrôné par l’indigo, le pastel fut la principale source européenne de coloration bleue, alors la couleur des rois, et la région en fut le plus gros producteur. Non compétitive face à celle de l’indigotier, la production de pastel finit par complètement disparaître. Elle fut cependant reprise il y a une vingtaine d’années par quelques producteurs de la région. Qui permirent le développement au sein de la vallée du Tarn de boutiques touristiques proposant une vaste sélection de produits teints artisanalement à la pastel.

Les propriétaires de ces boutiques vous expliqueront à loisir comment ils procèdent eux-même à la teinture de leur offre, à grand renfort de photos de terrain (assez impressionnantes en fait, car en sortant du bain, le produit teint est en fait d’un vert très vif, ce n’est qu’au contact de l’air, en s’oxydant, que le bleu apparaît). Et si on regrette que leurs T-shirts n’aient pas la coupe parfaite d’un Merz ou d’un Velva-Sheen, la profondeur de couleur toute particulière obtenue après trois plongeons dans un bain de pastel suffit pour convaincre les plus sceptiques.

La mode masculine actuelle fait la part belle à l’indigo, partant des maintenant classiques jeans bruts non lavés pour aller jusqu’à s’inspirer de tissus historiques tels que le calico ou le boro, on pense notamment à Kapital, Visvim ou même à Louis Vuitton. Nombreuses sont aujourd’hui les marques proposant des produits teints en pièces à l’indigo végétal, ce qui permet d’obtenir une très belle couleur, et parfois aussi à celle-ci d’évoluer lorsque le produit est porté et lavé, tel un jean brut. Seulement, certaines marques ont récemment pris le contrepied de cette tendance pour utiliser le bleu plus clair du pastel. C’est par exemple le cas de la marque de T-shirt Sunspel (ici, très belle collection capsule) ou de la marque de denim Nudie ( ici ) qui proposent certains de leurs produits teintés en utilisant ce procédé.

Si ces produits sont très réussis, ils sont hélas vendus dépourvus de toute histoire d’ascension de cité médiévale sous la canicule récompensée par le doux réconfort d’un exceptionnel magret de canard local. Mais bon, à vous de voir.


L’étiquette teinte : détail inhérent aux produits teints à la pièce (ou garment dyed : le vêtement est confectionné non teint, puis plongé intégralement dans des bains de teinture, étiquette inclue)

 

Cette couleur !


De Bonne Facture

Chemise De Bonne Facture, double étiquetage, tissu japonais, boutons en corne et finitions exceptionelles

J’ai entendu parler de De Bonne Facture pour la première fois en juin 2011. Nous venions alors de lancer La Belle Échoppe, et présentions notre sélection de produits Made in France au salon Capsule à Paris. Déborah Neuberg s’est alors présentée pour nous parler de son projet de faire travailler des ateliers français pour créer un vestiaire masculin d’exception. Nous suivons l’évolution du projet depuis cette date et c’est un grand plaisir que de le voir se matérialiser sous une forme aussi aboutie.

De Bonne Facture est une sorte de super-marque mettant en avant les ateliers derrière la fabrication de chaque vêtement ou accessoire. Passée par Hermès, Deborah semble en avoir conservé l’exigence : aucun compromis n’est fait sur la qualité et c’est une bibliothèque de pièces exceptionnelles, aux tons doux et très facilement portables qui sont présentés. Travaillant depuis pas loin de deux ans sur ce projet, Deborah a parcouru la France à la recherche de ces ateliers aux savoir-faire souvent uniques et anciens. Ceux-ci sont mis en avant via un double étiquetage et toute une série de reportages et d’articles sur les carnets De Bonne Facture.

Les chemises sont confectionnées par FLS, qui compte aussi parmi ses clients de très prestigieuses marques françaises ou japonaises. Les pulls marins tricotés à Quimper en Bretagne sont l’oeuvre de La Fileuse d’Arvor, qui, si cet atelier est moins connu que Saint James ou Le Minor, n’en fait pas moins de très belles qualités de chandails. Les pantalons proviennent de Basse-Indre et c’est un homme d’expérience manipulant une machine centenaire qui tricote les très jolies cravates chinées. Les boutons, lorsqu’ils ne sont pas issus d’un stock oublié et miraculeusement conservé, sont produits par Brochot, spécialiste français du bouton en corne officiant dans le Jura depuis 1958.

En résulte donc une première collection composée de pièces essentielles, simples et à la coupe moderne : chemises, cardigans et chandails, pantalons en laine, cravates … Un soin particulier a été apporté à la sélection des matières, laines chinées pour les cravates et pantalons, tissus japonais donnant un aspect casual intéressant pour les chemises, et laine vierge connue pour ne jamais boulocher pour les pulls bretons. Les détails de façon ne sont pas en reste, la chemise est parmi ce qu’il se fait de mieux : 7 points au centimètre, coutures rabattues, une propreté et une netteté exemplaire, tout ceci accompagné de boutons en corne d’une belle finesse. Il en est de même pour les chandails, dont la tenue bénéficie de toute l’expérience de La Fileuse d’Arvor et qu’on enfilerait volontiers sans se poser de question le matin.

De quoi se composer un vestiaire chic et tout en simplicité, et surtout s’assurer de porter parmi ce qu’il se fait de mieux aujourd’hui en France.

De Bonne Facture présentera sa collection aux acheteurs professionnels du 16 au 26 janvier au sein de la galerie Made In Town, dans le 3ème à Paris. Le public est aussi le bienvenu, il sera d’ailleurs possible de commander.


Le printemps du bon pied

Jake Davis et ses Birkenstock, hobo sans les mites.

Ça y est !  les premières éclaircies sont arrivées, le printemps se prépare, il va falloir mettre le nez dehors et LA grande question se pose, celle qui tient éveillé tout le monde: qu’est ce que je vais  bien pouvoir chausser une fois l’hiver passé ?

Je vous vois d’ici et anticipe: non, nous ne sommes pas un blog de fille qui pointe la IT shoe du moment, il s’agit juste de quelques pistes, peut être qu’elles vous faciliteront la tâche.

Premièrement attention, tout de suite on est tenté de verser dans le daim (qui ne l’est pas?) mais la pluie n’est jamais très loin et le cuir sera beaucoup moins fragile. Une fois la remarque effectuée, on peut avancer.

Quoddy via Mister Crew

Si on veut rester dans l’americana Made in USA, il faudra se tourner vers Quoddy pour les classiques et dans la direction de Yuketen si vous recherchez un peu d’originalité, tant dans les formes que dans les coloris et les matières.

Les coloris New Amsterdam de Mark Mc Nairy se sont diversifiés depuis la première collection: restez tout de même sur les plus sobres… celles de la photos sont chez FrenchTrotters.

La sphère internet de la sappe est d’accord depuis environ une année, Mark Mc Nairy est une bonne option. Fabriquée en Angleterre, sa ligne de chaussure offre un bon rapport qualité prix et est disponible assez largement sur internet.

La Converse Jack Purcell n’a pas encore trop envahi les trottoirs et se présente comme un bon choix de basket simple pour les mois qui arrivent (sans jamais détrôner une bonne paire de Vans évidement). Le fait qu’on la retrouve dans les romans noirs de James Ellroy sous le nom de chaussure « beau sourire » n’y est sûrement pas pour rien.

Les États Unis c’est super, mais penchons nous maintenant sur la question européenne. Notre ami Laurent Laporte avait commencé avec la France en s’intéressant à Paraboot il y a quelques mois déjà, nous allons donc nous contenter de continuer le tour du domaine.

Les Clarks et le Wu-Tang, une vraie histoire d’amour.

Les Clarks sont évidement de la partie bien que les très bons modèles wallabee et weaver ne soient malheureusement pas assez distribués en France. Si vous avez peur de ressembler à Ghostface Killah, pensez plutôt à Wes Anderson qui les marie parfaitement avec ses velours côtelés. Bon, si je classe la marque parmi les européennes, c’est que je me base sur l’origine culturelle anglaise de Clarks, parce qu’au niveau de la fabrication cela les situerait plutôt en Asie si je ne m’abuse.

Wes Anderson avec sa paire attitrée.

Restent tout de même en Angleterre des marques très intéressantes qui fabriquent sur place: Tricker’s nous a prouvé tout au long de l’année passée sa capacité d’adaptation en multipliant les collaborations avec des entités plus tendance respectées comme 14oz ou Junya Watanabe. Déniché il n’y a pas si longtemps que ça, Sanders est également un fabricant qu’il faut retenir, tant les prix pratiqués semblent raisonnables (cela dépendra bien sûr de la qualité des produits, mais je n’en ai malheureusement pas encore eu entre les mains).

Moins médiatisée, Sanders semble pourtant capable de développer des modèles intéressants

Le plus étonnant dans tout ça est sûrement  le prix de la Desert Boot A.P.C. qui dépasse celui d’une paire de Church’s sur Très Bien Shop, alors qu’il n’y a pas de doute sur la renommée et la qualité des produits de cette dernière. A.P.C. de son côté souffre de plus en plus de mauvais retours sur les forums qui traitent de vêtements. Si quelqu’un est enclin à m’expliquer, je suis preneur.

Une Birkenstock Boston

Trêve de bavardage, en route pour l’Allemagne: souvent perçue comme une chaussure de touriste, la Birkenstock est pourtant une paire de très bonne qualité et d’un confort tout à fait respectable, dotée selon les modèles d’une esthétique très réussie. Ce n’est biensûr  pas Jake Davis qui dira le contraire, Birkenstock étant donc une alternative à ne pas sous-estimer.

Mocassins de haut vol.

Enfin, on peut passer par le Japon si vraiment vous voulez ajouter un élément très fort à votre garde robe (et mettre la main au portefeuille). Il suffira pour ceci que vous vous arrêtiez sur The Glade (le site de Firmament Berlin) et que vous vous procuriez cette paire de mocassins Visvim, à la fois technique, classique et fabriquée dans des matériaux nobles: le challenge est dur à relever, je suis sûr que même si vous n’êtes pas clients, vous apprécierez la performance. L’inspiration « american native » assez présente chez Visvim de manière générale est d’ailleurs très intéressante.