Louis Thomas Hardin – Moondog

Moondog avec un passant à New-York dans les années 60

Louis Thomas Hardin alias Moondog est un sacré personnage. Si la plupart des musiciens que nous avons déjà évoqué ici ont eu une vie souvent atypique, celle de Moondog l’est encore plus particulièrement.

Il dit sa musique inspirée par le jazz des Indiens d’Amérique. Cette inspiration lui vient sans doute d’un évènement qui l’a marqué au fer rouge : il visite dans son jeune âge une réserve indienne avec son père et assiste à une danse du soleil. À cette occasion, il s’assoit à la place du chef du village afin de jouer des percussions. Cette expérience inoubliable influencera son oeuvre tout au long de sa vie.

À 16 ans, il devient aveugle suite à un accident dans une ferme alors qu’il bricolait un détonateur. Dès lors il étudie la musique à l’école pour aveugle de l’Iowa aux États-Unis. Il y apprend le violon, le piano et l’orgue en plus de prendre des cours de composition musicale.


Moondog et son Trimba

Sa musique est minimaliste, elle inspirera beaucoup Philip Glass et Steve Reich qui ont attaché une attention importante aux travaux de Moondog. On peut d’ailleurs les entendre jouer ensemble dans les années 60 sur un CD inclus dans la biographie de Moondog par M. Scotto et dont Philip Glass a réalisé la préface.

Moondog n’est à l’époque pas du tout connu par les compositeurs de musique classique. Son acceptation comme compositeur « sérieux » lui a totalement échappé.

Il faut dire que son langage musical minimaliste, tonal, très attaché à la mélodie et aux rythmes, évitant toutes dissonances ne correspondait pas du tout à ce qui était en vogue à cette époque.
Les compositeurs reconnus étaient de leur côté plus dans l’excès inverse, ne jurant que par des clusters ou la musique atonale, à l’image d’un Boulez ou d’un Ligeti. Les classes de compositions des conservatoires dans les années 70 étaient presque infréquentables pour ceux qui voulaient étudier l’écriture « classique ».

Son excentricité n’a pas non plus aidé Moondog à se faire reconnaitre comme un compositeur « sérieux ». Il passe la plupart de son temps dans la rue, vêtu de vêtements de Viking fabriqués par lui-même. Il compose très souvent dans les rues de New-York, sous son manteau où on le prend fréquemment pour un sans-abris. Si Moondog n’a pas su s’imposer comme un compositeur « académique », il est vite devenu le roi des hippies aux yeux des beatniks new yorkais et même d’ailleurs… Ces derniers faisaient régulièrement des pélerinages sur la 6ème Avenue pour rencontrer le spécimen !
Il quitte New-York en 1974 pour s’installer en Allemagne où il restera jusqu’à sa mort en 1999 à l’âge de 83 ans.

En plus de ses compositions, Moondog invente également ses propres instruments comme le Trimba (voir photo). Il  touche à tous les styles et tous les instruments. En ressort une oeuvre très hétéroclite et très riche, mêlant musique pour orgue, musique symphonique ou encore pour saxophone à l’image de son album Sax Pax for a Sax réalisé en collaboration avec le London Saxophonic.


Extraits :

Viking 1 (album « In Europe ») :

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Bird’s Lament (Sax Pax for a Sax) :

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Fiesta Piano Solo (More Moondog) :

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Modeste Moussorgski – Tableaux d'une exposition

Portrait de Modeste Moussorgski par Ilya Repine.

Modeste Moussorgski n’a pas été un compositeur très abondant. Musicien, il ne se destinait pourtant pas vraiment à une carrière musicale mais plutôt à celle des armes. Il obtient en 1856 ses galons de lieutenant et en profita pour se lier d’amitié avec des officiers mélomanes qui lui permettront par l’intermédiaire de plusieurs connaissances de faire la rencontre de César Cui et de Mili Balakirev (fondateur du Groupe des Cinq). 
Ces rencontres vont pousser Moussorgski à composer après seulement quelques cours musicaux très sommaires enseignés par Balakirev. Il quitte dès lors rapidement l’armée.

La suite n’est pas très heureuse : en 1861, le servage étant aboli, Moussorgski se retrouve totalement ruiné du jour au lendemain et est contraint de se trouver un travail. Il connaît alors une existence de petit fonctionnaire et ne connaît aucun succès musical. Il sombre dans l’alcool, ses amis l’abandonnent, il meurt dans un hôpital militaire quelques années plus tard, à l’âge de 42 ans.


Maurice Ravel

Il laisse pourtant derrière lui des oeuvres exceptionnelles dont les plus connues sont certainement son opéra Boris Godounov, et son cycle de pièces pour piano Tableaux d’une exposition. Cette dernière oeuvre doit en partie son succès et sa renommée au compositeur français Maurice Ravel qui l’orchestre en 1922. Orchestrateur prodigieux, coloriste de génie, l’orchestration de Maurice Ravel connaît un très grand succès et est jouée aujourd’hui dans le monde entier.

L’oeuvre de Moussorgski est inspirée d’une série de dix tableaux peints par Victor Hartmann. Les pièces sont entrecoupées par des « promenades » qui symbolisent les flâneries du spectateur entre les tableaux.

Extraits de Tableaux d’une exposition :

Version orchestrée par Maurice Ravel :

Version originale pour Piano seul :

Promenade 1 :

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Promenade 1 :

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Les Tuileries :

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Les Tuileries :

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Ballet des poussins dans leur coque :

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Ballet des poussins dans leur coque :

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La cabane sur des pattes de poule :

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La cabane sur des pattes de poule :

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Wendy Carlos – Orange Mécanique

Beethoven, Alex et son serpent – Orange mécanique, Stanley Kubrick (1971)

Comme dans toutes les oeuvres cinématographiques de Stanley Kubrick, la musique joue un rôle primordial, elle nous plonge littéralement dans l’univers du film. Je l’avais déjà souligné avec le Trio op. 100 de Franz Schubert dans Barry Lyndon, et l’avait brièvement évoqué avec la fameuse valse de Chostakovitch dans Eyes Wide Shut.

Amateur éclairé, mélomane accompli, Stanley Kubrick était très exigent quant au choix des musiques utilisées dans ses films, préférant souvent faire appel à des oeuvres classiques de grands compositeurs plutôt qu’à des musiciens de seconde zone.

Dans le cas d’Orange mécanique, qui est une adaptation du roman d’Anthony Burgess A Clockwork Orange, le personnage principal (Alex) idolâtre le compositeur Ludwig van Beethoven. Stanley Kubrick recherchait donc à arranger la musique du compositeur pour que celle-ci soit en adéquation avec l’univers complètement malsain de son film.

Wendy Carlos dans son studio (années 60-70)

Au même moment, Wendy Carlos, qui s’était fait connaître quelques années auparavant avec son album Switched-On Bach, apprend que Kubrick travaille sur l’adaptation du roman de Burgess et décide donc d’arranger la Neuvième symphonie de Beethoven à l’aide de synthétiseurs et d’un vocoder conçu par elle-même avec son ami Robert Moog. C’est l’une des premières utilisations musicales d’un vocoder, le rendu est spectaculaire. Kubrick reçoit les premiers tests de Wendy Carlos et accepte de collaborer avec elle pour la musique du film.


Cassette audio Neuvième Symphonie de Beethoven – Orange mécanique, Stanley Kubrick (1971)


Scherzo de la Neuvième symphonie de Beethoven, adaptée par Wendy Carlos :

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Ode à la Joie – Orange mécanique :

L’extrait ci-dessus commence par l’Ode à la Joie de Beethoven, et fait également entendre l’Ouverture de Guillaume Tell de Rossini dans la scène de la chambre.


En dehors des arrangements de Beethoven, Wendy Carlos inflige le même sort à deux autres grands compositeurs : Henry Purcell et Gioachino Rossini. Ainsi, pour notre plus grand bonheur, on peut entendre successivement « Music for the Funeral of Queen Mary » de Henry Purcell (qui apparaît dès l’ouverture du film), et les ouvertures de « Guillaume Tell » et de « La pie voleuse » de Rossini.

Henry Purcell – Music For The Funeral Of Queen Mary, arrangement Wendy Carlos :


La pie voleuse, Rossini – arrangement Wendy Carlos :


Jean Langlais – Dyptique pour piano et orgue

Jean Langlais

Jean Langlais est un compositeur et organiste français né en 1907. Aveugle dès l’âge de 2 ans, il débute son apprentissage de la musique à l’Institut National des jeunes aveugles à Paris. Cet Institut a d’ailleurs formé un très grand nombre de personnalités : de grands professeurs à l’image de Louis Braille (inventeur du Braille), et beaucoup de musiciens renomés comme Louis Vierne, André Marchal ou encore Gaston Litaize (sans oublier, dans un tout autre registre, Gilbert Montagné).

À l’âge de 20 ans, il est accepté dans la prestigieuse classe d’orgue de Marcel Dupré au conservatoire de Paris. Il apprend également l’improvisation à l’orgue avec Charles Tournemire qui est incontestablement le plus grand improvisateur de la première moitié du XXe siècle.

Jean Langlais est un compositeur très prolifique. Son oeuvre est majoritairement consacrée à l’orgue seul et à la musique liturgique mais il compose néanmoins un peu de musique de chambre et des chants profanes. Il connaît un grand succès aux États-Unis où il fit de nombreuses tournées entre 1952 et 1981.

L’oeuvre ci-dessous est un Dyptique pour piano et orgue. Ces deux instruments sont rarement utilisés ensemble, leur association peut surprendre mais le résultat est extraordinaire. Je vous laisse donc déguster ces sonorités étonnantes !

Dyptique pour piano et orgue :

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Si vous appréciez ce mariage des deux instruments je vous recommande chaudement ce merveilleux CD de Thierry Escaich et Claire-Marie Le Guay :

Félix Mendelssohn – Trio pour Piano op. 49

Félix Mendelssohn

Félix Mendelssohn est un compositeur et chef d’orchestre allemand  issu d’une famille de banquiers réputée. Son grand-père Moïse était un philosophe respecté et la maison Mendelssohn où la famille s’établit en 1811 à Berlin va devenir un centre de la vie mondaine, artistique et scientifique de la métropole prussienne.

De grandes personnalités tels que des philosophes (Hegel et Schleiermacher) ou des musiciens comme Zelter, fréquentent régulièrement la maison, ce qui laisse une atmosphère de créativité très favorable au jeune Félix. Il bénéficie de cours musicaux de grands musiciens et les premiers résultats sont exceptionnels. Ainsi, il donne son premier récital public au piano à l’âge de 9 ans, ce qui ne fût que préluder à une grande mais trop courte carrière de chef d’orchestre et de compositeur. Il meurt très jeune à Leipzig en 1847 à l’âge de 38 ans.

Il laisse néanmoins une oeuvre très importante comprenant de nombreux chef-d’oeuvres. Félix Mendelssohn est connu dans le monde entier pour sa Marche Nuptiale, ce qui, entre nous, n’est vraiment pas l’oeuvre que l’on devrait retenir du compositeur. La Marche Nuptiale est tirée du « Songe d’une nuit d’été » et n’est absolument pas représentative de l’oeuvre complète et notamment sa magnifique Ouverture.

Préférons-lui plutôt son magnifique trio pour piano opus 49 qui est une pure merveille. Ce trio attira d’ailleurs particulièrement l’attention de Robert Schumann à l’époque qui en fit l’éloge en le comparant à ceux de Beethoven et de Franz Schubert…

Trio op. 49 – Molto Allegro Agitato (premier mouvement) :

Trio op. 49 – Scherzo (troisième mouvement) :


Source: Larousse de la musique éd. 1957

Musique au cinéma (1) – Nino Rota

L’ancien orgue de cinéma du Gaumont Palace

Le cinéma a toujours donné une place essentielle à la musique. Alors même que le cinéma en était à ses premiers balbutiements et qu’il n’était encore que muet, on trouvait déjà des musiciens dans les salles lors des projections. Les pianistes, organistes ou autres instrumentistes improvisaient sur les différentes scènes du film, tantôt dramatiques, tantôt burlesques.

Très vite, des fiches ont été glissées dans les boîtes de pellicules pour donner des indications aux musiciens. Y figuraient des instructions quant aux tempi et quant à l’atmosphère musicale à respecter. 
Puis des compositeurs de renom commencent à se prêter au jeu, ainsi, Camille Saint-Saëns en précurseur compose en 1908 une musique spécialement pour me film L’assassinat du duc de Guise de Charles Le Bargy et André Calmette.

La bande son apparaît rapidement, la musique prenant ainsi une place définitive dans le cinéma. Arrivent alors toute une clique de musiciens hollywoodiens dans les années 30-40 s’adonnant à la composition de musiques pour le cinéma avec des résultats plus ou moins intéressants.

D’autres compositeurs, eux, très talentueux, consacreront une grande partie de leur carrière à la composition de musique de films. C’est le cas de Nino Rota qui nous laisse une œuvre tant imposante que magnifique.


Nino Rota

Nino Rota est un compositeur italien né à Milan en 1911. Il a commencé à composer très jeune puisqu’il écrit son premier Oratorio à l’âge de 11 ans. Il composera énormément toute sa vie : plus de 150 oeuvres pour le cinéma en plus de dix opéras, cinq ballets et beaucoup d’autres œuvres instrumentales dont un concerto pour piano et orchestre (1962). Nino Rota reste cependant essentiellement connu pour ses musiques de films, et en particulier à travers l’oeuvre de Federico Fellini. Les deux compères collaboreront dans de très nombreux films, et les musiques sont aujourd’hui devenues totalement indissociables de la filmographie de Fellini.

Parmi les plus connues figurent les musiques de la Dolce Vita, Les Vitelloni, La strada et bien sûr l’incontournable bande son du film Huit et demi :


D’autres partitions très connues du compositeur ont été créées pour des films de Luchino Visconti, notamment dans Le Guépard et Rocco et ses frères. Ci-dessous la célèbre scène de la Valse dans laquelle fait d’ailleurs une courte apparition notre Alain Delon national.


Mais l’une de ses oeuvres les plus entendue dans le monde aujourd’hui reste sûrement la musique du film Le Parrain de Francis Ford Coppola. La bande son est elle aussi indissociable, on ne peut s’empêcher se remémorer les images du film dès que les premières notes résonnent. C’est le cas évidemment de la musique « Love Theme » qui se fait entendre lorsque Michael Corleone rencontre Apollonia en Italie.


Et puisqu’on est dans Le Parrain, restons-y encore un moment. Je ne resiste pas à l’envie de terminer par la scène du mariage même si cette chanson n’a rien à voir avec Nino Rota puisqu’il s’agit d’un chant traditionnel italien intitulé « Luna mezz o mare ». La musique qui accompagne le mariage n’a d’ailleurs pas non plus été composée par Nino Rota mais par le Père de Francis Ford Coppola : Carmine Coppola.

Dimitri Chostakovitch – Trio avec Piano op. 67

Détrompez-vous ! Ceci n’est pas un article sur Harry Potter. Dimitri Chostakovitch est un tout autre magicien. Si son nom ne vous évoque rien, rappelez-vous la musique de la fameuse scène d’ouverture du film de Stanley Kubrick « Eyes Wide Shut » :

Dimitri Chostakovitch est un compositeur Russe né en 1906 à Saint-Pétersbourg et mort à Moscou en 1975. Son oeuvre est très importante, c’est un compositeur très prolifique, il a touché à tous les styles et à toutes les formes. Nous nous attarderons aujourd’hui sur l’un de ses chefs d’oeuvre de musique de chambre : son second trio pour piano violon et violoncelle op. 67 composé en 1944.

Cette oeuvre a donc été écrite pendant la guerre qui est une période très productive pour Chostakovitch, il composait l’année précédente sa Symphonie n°8 considérée par beaucoup comme sa plus belle symphonie.

L’allegro de ce trio laisse entendre un thème traditionnel d’origine juive absolument magnifique qu’il réutilisera d’ailleurs pour son Quatuor n°8 op. 110.
Il apparait d’abord en pizzicato au violon et violoncelle accompagné d’accords répétés par le piano avant d’être manié dans tous les sens possible.

Allegro du second Trio avec Piano de Dimitri Chostakovitch op.67 :

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L'année Franz Liszt

Franz Liszt (1811-1886) – by ‘Spy’ (Leslie Ward, 1851-1922)
from « Vanity Fair » (London May 15, 1886)

La France célèbre cette année le bicentenaire de la naissance de Franz Liszt. Les nouveaux CDs commencent déjà à sortir, les radios de musique classique vont nous servir abondamment l’oeuvre de Liszt, et les meilleures chaînes de télévision y consacreront peut-être même des émissions. Nous ne pouvons que nous réjouir d’une telle chose !

Mais avant que vous en ayez déjà assez (si tant est qu’on puisse en avoir assez ?), je vous propose d’écouter le Liebestraum n°3 du compositeur. Plus connu sous son nom français rêve d’amour, il est ici interprété par Sviatoslav Richter. C’est une oeuvre courte pour piano qui a été composée pour accompagner des poèmes de Ludwig Uhland et de Ferdinand Freiligrath en 1850.


On termine sur un petit clin d’oeil avec une version plutôt originale de la deuxième rhapsodie hongroise de Franz Liszt puisqu’elle est ici revue par le fameux dessin animé américain Tom et Jerry. Le court métrage a été réalisé en 1946, il est la 29ème animation de Tom & Jerry.

Camille Saint-Saëns, "un artisan de génie"

On lui reproche souvent son manque d’originalité ou son manque de génie musical (reproches évidemment liées à son obsession pour la forme). Certains de ses détracteurs allaient même jusqu’à l’ignorer complètement. Dans ce sens, on apprend dans l’ouvrage de Jacques Bonnaure «Saint-Saëns» que Romain Rolland notait en 1907 que l’on pouvait parler des heures de musique française avec des musiciens français sans que fût cité une seule fois le nom de Saint-Saëns. Il faut dire qu’à cette époque, Camille Saint-Saëns avait en face de lui Debussy qui était en train de révolutionner la musique.

Mais si l’oeuvre de Saint-Saëns n’a pas fait avancer le langage musical, son génie se trouve dans la forme, son savoir-faire et son écriture irréprochable.
Il disait lui-même :
«Pour moi l’art c’est la forme. L’expression, la passion, voilà qui séduit avant tout l’amateur. Pour l’artiste, il en va autrement. L’artiste qui ne se sent pas pleinement satisfait par des lignes élégantes, des couleurs harmonieuses, une belle série d’accords, ne comprend pas l’art. Pendant tout le XVIe siècle on a écrit des oeuvres admirables dont toute émotion est exclue.»1

Sa vision de l’art qu’il expose ici par écrit sera son mot d’ordre et il s’y conformera toute sa vie. Pour lui, une oeuvre ne pouvait pas être écrite sans s’attacher à la forme et à la tradition. Il avait une méfiance extrême pour l’expression. Or Camille Saint-Saëns nait à l’époque romantique et va connaître la rupture qui donne lieu à l’époque moderne. Il sera toute sa vie en décalage avec sont temps, comme le dit Jacques Bonnaure, « jeune il ne fut jamais romantique, vieux il ne fut jamais moderne ».

Mais il ne faut pas oublier que le travail de Saint-Saëns a permis l’intégration de formes en France qui étaient réservées jusqu’alors aux compositeurs d’outre-Rhin. En effet, l’oeuvre de Saint-Saëns a par exemple réussi à redonner un élan à la musique symphonique qui avait tendance à s’essouffler au milieu du XIXe siècle.

Finalement, la musique de Saint-Saëns est artisanale avec une maitrise absolue et un savoir-faire traditionnel. Il fut l’un des derniers représentant de cet aspect artisanal de la composition qui était la norme jusqu’au début du XIXe.

Pour illustrer cet article : la symphonie n°3 « avec orgue ». L’orchestration y est assez chargée avec notamment un piano (joué à 4 mains) et un grand-orgue, mais ces deux instruments ne jouent cependant pas du tout comme solistes. Pierre Cochereau, le fameux organiste de Notre-Dame de Paris avouait d’ailleurs lors de l’enregistrement de la symphonie n°3 sous la direction de Karajan, que l’orgue ne servait dans cette oeuvre qu’à « planter quelques clous » !

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Je recommande chaudement le très bel ouvrage de Jacques Bonnaure « Saint-Saëns » sorti en septembre dernier qui est remarquable. Il rend un hommage admirable au compositeur qui à bercé mes toutes jeunes oreilles avec son « Carnaval des animaux »…

1- citation extraite du livre « Saint-Saëns » de Jacques Bonnaure.

Sergueï Rachmaninov — Concerto pour piano n°3

Sergueï Rachmaninov au piano

Le concerto n°3 pour piano de Rachmaninov est mondialement connu pour sa difficulté d’interprétation. Beaucoup de pianistes n’ont d’ailleurs pas osé s’y pencher par crainte.

Cette oeuvre a été composée en 1909 et a été donnée pour la première fois le 28 novembre de la même année. Lors de sa création, c’est Rachmaninov qui était lui même au piano, sous la baguette de Walter Damrosch. Techniquement très complexe pour le pianiste, Rachmaninov avait en partie composé cette oeuvre dans le but de montrer au public qu’en plus d’être un grand compositeur, il était également un pianiste virtuose.

Connaissant un franc succès, ce concerto sera vite dirigé par de grands noms et notamment Gustav Malher qui le dirigea quelques semaines plus tard.
Il est interprété ci-dessous par le virtuose et immense musicien Vladimir Horowitz. Ce concerto fait partie de son répertoire de prédilection, il s’agit d’un des plus beaux enregistrements de ce concerto.