Wendy Carlos – Orange Mécanique

Beethoven, Alex et son serpent – Orange mécanique, Stanley Kubrick (1971)

Comme dans toutes les oeuvres cinématographiques de Stanley Kubrick, la musique joue un rôle primordial, elle nous plonge littéralement dans l’univers du film. Je l’avais déjà souligné avec le Trio op. 100 de Franz Schubert dans Barry Lyndon, et l’avait brièvement évoqué avec la fameuse valse de Chostakovitch dans Eyes Wide Shut.

Amateur éclairé, mélomane accompli, Stanley Kubrick était très exigent quant au choix des musiques utilisées dans ses films, préférant souvent faire appel à des oeuvres classiques de grands compositeurs plutôt qu’à des musiciens de seconde zone.

Dans le cas d’Orange mécanique, qui est une adaptation du roman d’Anthony Burgess A Clockwork Orange, le personnage principal (Alex) idolâtre le compositeur Ludwig van Beethoven. Stanley Kubrick recherchait donc à arranger la musique du compositeur pour que celle-ci soit en adéquation avec l’univers complètement malsain de son film.

Wendy Carlos dans son studio (années 60-70)

Au même moment, Wendy Carlos, qui s’était fait connaître quelques années auparavant avec son album Switched-On Bach, apprend que Kubrick travaille sur l’adaptation du roman de Burgess et décide donc d’arranger la Neuvième symphonie de Beethoven à l’aide de synthétiseurs et d’un vocoder conçu par elle-même avec son ami Robert Moog. C’est l’une des premières utilisations musicales d’un vocoder, le rendu est spectaculaire. Kubrick reçoit les premiers tests de Wendy Carlos et accepte de collaborer avec elle pour la musique du film.


Cassette audio Neuvième Symphonie de Beethoven – Orange mécanique, Stanley Kubrick (1971)


Scherzo de la Neuvième symphonie de Beethoven, adaptée par Wendy Carlos :

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Ode à la Joie – Orange mécanique :

L’extrait ci-dessus commence par l’Ode à la Joie de Beethoven, et fait également entendre l’Ouverture de Guillaume Tell de Rossini dans la scène de la chambre.


En dehors des arrangements de Beethoven, Wendy Carlos inflige le même sort à deux autres grands compositeurs : Henry Purcell et Gioachino Rossini. Ainsi, pour notre plus grand bonheur, on peut entendre successivement « Music for the Funeral of Queen Mary » de Henry Purcell (qui apparaît dès l’ouverture du film), et les ouvertures de « Guillaume Tell » et de « La pie voleuse » de Rossini.

Henry Purcell – Music For The Funeral Of Queen Mary, arrangement Wendy Carlos :


La pie voleuse, Rossini – arrangement Wendy Carlos :


Beethoven – Sonate pour piano n°17

Wilhelm Kempff au piano

Il n’est plus vraiment nécessaire de présenter Ludwig van Beethoven, tout le monde en a déjà entendu parler, tout le monde connaît sa neuvième symphonie (au moins la version « vocoders » d’Orange mécanique), tout le monde connait sa symphonie n°5, tout le monde connaît le premier mouvement de sa sonate « Clair de lune », et qui n’a jamais entendu la Lettre à Elise ?!

Re-situons tout de même son oeuvre dans le temps :
Beethoven a connu Mozart en fin de vie, son art se situe donc à l’extrémité du classicisme. Il n’y a pas réellement de trace chez lui de l’esprit romantique allemand dont il a pourtant vu les prémices avec Weber et Schubert, et qui s’épanouira avec Schumann et Mendelssohn. Beaucoup de romantiques se réclameront de Beethoven lorsqu’ils iront plus loin dans l’emploi expressif des timbres instrumentaux ou encore quand ils transformeront les formes héritées du XVIIIe siècle. Mais la tendance des romantiques à invoquer des tableaux ou encore leur interprétation fantastique de la nature sont des innovations étrangères à l’art de Beethoven.

Le piano a une importance considérable dans les premières oeuvres de Beethoven, il compose de nombreuses sonates dont la 17ème est sans doute l’une des plus connues, on la nomme communément la sonate « La Tempête ».
Beethoven compose la sonate n°17 en 1802, il est alors très inquiet par sa surdité croissante, c’est d’ailleurs en 1802 qu’il écrit la lettre de détresse, Testament de Heiligenstadt. L’inquiétude de Beethoven se retrouve clairement dans la sonate, on y découvre une atmosphère très sombre, déchirante.

Interprété ici par le génial Wilhelm Kempff, l’allegretto de la sonate « La Tempête » :