Les douze variations sur le thème « Ah ! Vous dirai-je, maman » est une œuvre pour piano composée par Mozart à l’âge d’environ 25 ans. La composition du thème est – à tort – souvent attribuée à Mozart, mais c’est en réalité une mélodie française issue de la pièce « Les Amusements d’une heure et demy » d’un certain M. Bouin.
On peut en revanche se poser sérieusement la question de savoir si nous aurions un jour entendu la mélodie de cette petite comptine aujourd’hui internationalement connue, si Wolfgang Amadeus Mozart ne l’avait pas popularisée en composant douze variations sur ce thème.
Certes un peu « légère », cette oeuvre ne contribue pas pleinement au génie de Mozart dont l’oeuvre complète est tout simplement miraculeuse. Mozart a d’ailleurs composé ces variations dans un but purement pédagogique, mais on y retrouve bel et bien sa patte et comme toujours, c’est un régal à écouter et à ré-écouter !
D’autres grands compositeurs ont, comme Mozart, utilisé cette mélodie dans leur composition. On retrouve ainsi parmi eux : Camille Saint-Saëns dans le douzième mouvement du Carnaval des animaux (fossiles) qui y fait référence sous forme de clin d’oeil.
Ceux de chez nous est un film réalisé par Sacha Guitry en 1915. Derrière ce court-métrage (22 minutes), l’idée de Sacha Guitry est de créer une sorte de « nouvelle encyclopédie ». Pour cela, il décide de rencontrer des artistes et autres grandes personnalités du moment afin de les immortaliser. Le film est présenté le 22 novembre 1915 à Paris. Le court métrage est projeté sans son : on est encore à l’ère du cinéma muet. Parmi les artistes présentés, on y aperçoit entre autres Claude Monet, Auguste Rodin, Camille Saint-Saëns ou encore Sarah Bernhardt… Le but est de filmer les faits et gestes de la vie quotidienne de ces personnalités, le plus souvent au travail, dès que cela était possible.
Conscient que la seule image pouvait ne pas être suffisante, Guitry décide quelques années plus tard d’en faire une version sonorisée de 44 minutes, qui sortira en 1952. Les scènes sont entrecoupées par Sacha Guitry que l’on voit dans son bureau. Il narre des anecdotes liés aux tournages des différentes scènes et les commente avec son humour et son style si particulier… Il ne s’agit plus dans cette version d’un simple document d’archive, mais d’un véritable film. Il est un témoignage extraordinaire d’une autre époque !
Extrait de Ceux de chez nous avec Camille Saint-Saëns (1952) :
Le cinéma a toujours donné une place essentielle à la musique. Alors même que le cinéma en était à ses premiers balbutiements et qu’il n’était encore que muet, on trouvait déjà des musiciens dans les salles lors des projections. Les pianistes, organistes ou autres instrumentistes improvisaient sur les différentes scènes du film, tantôt dramatiques, tantôt burlesques.
Très vite, des fiches ont été glissées dans les boîtes de pellicules pour donner des indications aux musiciens. Y figuraient des instructions quant aux tempi et quant à l’atmosphère musicale à respecter.
Puis des compositeurs de renom commencent à se prêter au jeu, ainsi, Camille Saint-Saëns en précurseur compose en 1908 une musique spécialement pour me film L’assassinat du duc de Guise de Charles Le Bargy et André Calmette.
La bande son apparaît rapidement, la musique prenant ainsi une place définitive dans le cinéma. Arrivent alors toute une clique de musiciens hollywoodiens dans les années 30-40 s’adonnant à la composition de musiques pour le cinéma avec des résultats plus ou moins intéressants.
D’autres compositeurs, eux, très talentueux, consacreront une grande partie de leur carrière à la composition de musique de films. C’est le cas de Nino Rota qui nous laisse une œuvre tant imposante que magnifique.
Nino Rota
Nino Rota est un compositeur italien né à Milan en 1911. Il a commencé à composer très jeune puisqu’il écrit son premier Oratorio à l’âge de 11 ans. Il composera énormément toute sa vie : plus de 150 oeuvres pour le cinéma en plus de dix opéras, cinq ballets et beaucoup d’autres œuvres instrumentales dont un concerto pour piano et orchestre (1962). Nino Rota reste cependant essentiellement connu pour ses musiques de films, et en particulier à travers l’oeuvre de Federico Fellini. Les deux compères collaboreront dans de très nombreux films, et les musiques sont aujourd’hui devenues totalement indissociables de la filmographie de Fellini.
Parmi les plus connues figurent les musiques de la Dolce Vita, Les Vitelloni, La strada et bien sûr l’incontournable bande son du film Huit et demi :
D’autres partitions très connues du compositeur ont été créées pour des films de Luchino Visconti, notamment dans Le Guépard et Rocco et ses frères. Ci-dessous la célèbre scène de la Valse dans laquelle fait d’ailleurs une courte apparition notre Alain Delon national.
Mais l’une de ses oeuvres les plus entendue dans le monde aujourd’hui reste sûrement la musique du film Le Parrain de Francis Ford Coppola. La bande son est elle aussi indissociable, on ne peut s’empêcher se remémorer les images du film dès que les premières notes résonnent. C’est le cas évidemment de la musique « Love Theme » qui se fait entendre lorsque Michael Corleone rencontre Apollonia en Italie.
Et puisqu’on est dans Le Parrain, restons-y encore un moment. Je ne resiste pas à l’envie de terminer par la scène du mariage même si cette chanson n’a rien à voir avec Nino Rota puisqu’il s’agit d’un chant traditionnel italien intitulé « Luna mezz o mare ». La musique qui accompagne le mariage n’a d’ailleurs pas non plus été composée par Nino Rota mais par le Père de Francis Ford Coppola : Carmine Coppola.
On lui reproche souvent son manque d’originalité ou son manque de génie musical (reproches évidemment liées à son obsession pour la forme). Certains de ses détracteurs allaient même jusqu’à l’ignorer complètement. Dans ce sens, on apprend dans l’ouvrage de Jacques Bonnaure «Saint-Saëns» que Romain Rolland notait en 1907 que l’on pouvait parler des heures de musique française avec des musiciens français sans que fût cité une seule fois le nom de Saint-Saëns. Il faut dire qu’à cette époque, Camille Saint-Saëns avait en face de lui Debussy qui était en train de révolutionner la musique.
Mais si l’oeuvre de Saint-Saëns n’a pas fait avancer le langage musical, son génie se trouve dans la forme, son savoir-faire et son écriture irréprochable.
Il disait lui-même : «Pour moi l’art c’est la forme. L’expression, la passion, voilà qui séduit avant tout l’amateur. Pour l’artiste, il en va autrement. L’artiste qui ne se sent pas pleinement satisfait par des lignes élégantes, des couleurs harmonieuses, une belle série d’accords, ne comprend pas l’art. Pendant tout le XVIe siècle on a écrit des oeuvres admirables dont toute émotion est exclue.»1
Sa vision de l’art qu’il expose ici par écrit sera son mot d’ordre et il s’y conformera toute sa vie. Pour lui, une oeuvre ne pouvait pas être écrite sans s’attacher à la forme et à la tradition. Il avait une méfiance extrême pour l’expression. Or Camille Saint-Saëns nait à l’époque romantique et va connaître la rupture qui donne lieu à l’époque moderne. Il sera toute sa vie en décalage avec sont temps, comme le dit Jacques Bonnaure, « jeune il ne fut jamais romantique, vieux il ne fut jamais moderne ».
Mais il ne faut pas oublier que le travail de Saint-Saëns a permis l’intégration de formes en France qui étaient réservées jusqu’alors aux compositeurs d’outre-Rhin. En effet, l’oeuvre de Saint-Saëns a par exemple réussi à redonner un élan à la musique symphonique qui avait tendance à s’essouffler au milieu du XIXe siècle.
Finalement, la musique de Saint-Saëns est artisanale avec une maitrise absolue et un savoir-faire traditionnel. Il fut l’un des derniers représentant de cet aspect artisanal de la composition qui était la norme jusqu’au début du XIXe.
Pour illustrer cet article : la symphonie n°3 « avec orgue ». L’orchestration y est assez chargée avec notamment un piano (joué à 4 mains) et un grand-orgue, mais ces deux instruments ne jouent cependant pas du tout comme solistes. Pierre Cochereau, le fameux organiste de Notre-Dame de Paris avouait d’ailleurs lors de l’enregistrement de la symphonie n°3 sous la direction de Karajan, que l’orgue ne servait dans cette oeuvre qu’à « planter quelques clous » !
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Je recommande chaudement le très bel ouvrage de Jacques Bonnaure « Saint-Saëns » sorti en septembre dernier qui est remarquable. Il rend un hommage admirable au compositeur qui à bercé mes toutes jeunes oreilles avec son « Carnaval des animaux »…
1- citation extraite du livre « Saint-Saëns » de Jacques Bonnaure.
Je suis tombé par hasard sur l’émission de J.F. Zygel le soir de Noël avant d’aller réveillonner. J’ai juste eu le temps de regarder un court instant et d’écouter la danse macabre de Camille Saint-Saëns qui y était décortiquée. Ça m’a donné envie de réécouter du Saint-Saëns que j’avais un peu laissé de côté ces derniers temps… et à tort étant donné l’incroyable richesse de son oeuvre !
J’ai donc ressorti tous ses CDs et je suis resté pantois devant la beauté de son deuxième concerto pour piano et orchestre.
Je vous laisse donc découvrir ou redécouvrir le 2ème mouvement « Allegro scherzando » .
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Les deux autres mouvements (andante et presto) sont disponible en vidéos sur youtube (ici et là) avec au piano : Arthur Rubinstein.
Camille Saint-Saëns était pianiste et Organiste (à l’Église de la Madeleine à Paris). Il compose une oeuvre très importante dont 12 opéras, 5 symphonies, 5 concertos pour piano, 3 pour violon et 2 pour violoncelle… Il connaît vite un grand succès en France puis plus tard surtout à l’étranger, notamment en Grande-Bretagne et aux États-Unis. En effet le style musical classique de Saint-Saëns apparaît un peu dépassé en France avec l’apparition de compositeurs comme Ravel ou Debussy.