When in Rome, do as Romans do

30 chemises identiques ?


Récemment ouverte dans le marais à Paris, la galerie Made In Town propose régulièrement des expositions et événements sur des thèmes qui nous sont chers. Ayant accueilli la présentation de la première collection De Bonne Facture dès l’ouverture, ce lieu dédié à la fabrication locale accueille aujourd’hui une exposition sur le savoir-faire des chemisiers sur mesure romains.

Intitulée d’après le fameux proverbe, When in Rome, Do as Romans Do présente le résultat d’une expérience que rêvent d’effectuer tous les amateurs de belles chemises. Le créateur Pascal Gautrand, à l’occasion d’une résidence d’un an à la villa Médicis, est allé à la rencontre d’une quarantaine de chemisiers romains, afin de leur commander à chacun la réalisation, à leur manière, d’une reproduction d’une basique chemise Zara.

L’Italie, on en a déjà parlé, dispose toujours d’une forte tradition tailleur et les hommes, même les moins impliqués, continuent de s’y faire faire des vêtements sur mesure. Il en résulte dans la capitale italienne un écosystème complet composé de nombreux chemisiers, ayant tous développé un savoir-faire spécifique et une clientèle propre.

Au final, ce n’est pas moins d’une trentaine de chemisiers qui ont accepté de jouer le jeu. Tous ont effectué une chemise se rapprochant de la chemise Zara, utilisant un tissu parmi leur catalogue et travaillant à leur manière : prise de mesure, essayages, fabrication complètement artisanale ou semi-industrielle, demi-mesure ou grande mesure, tout cela pour des prix allant d’une cinquantaine à plus de trois cent euros.

L’exposition présente donc une trentaine de chemises, qui paraîtront identiques à première vue, mais s’avéreront pleines de petits miracles à ceux qui s’attarderont suffisamment. Forme et tissu des hirondelles de renfort, boutonnières finies ou non à la main, couture et taille des boutons, étiquettes plus ou moins visible, tissu d’une finesse particulière, broderies, nombre de points au centimètre, utilisation ou non de thermocollage dans le col et les poignets, montage des manches décalé, tout détail devient alors facteur de différentiation et porte l’empreinte du chemisier et de son savoir-faire.

L’exposition est une occasion rare d’approcher et de toucher les détails chargés d’histoire qui font la qualité et l’exceptionnalité des plus belles chemises romaines.

Celle-ci s’achève samedi prochain, est ouverte du mardi au samedi de 14H à 19H. Tous les détails sont sur le site de la galerie.

 

Les broderies dépendent énormément du savoir-faire de l’artisan.

 

Les coutures des boutons varient énormément d’un chemiser à l’autre, ici une couture fleur de lys contrastée, pas vraiment ce qu’on trouve de plus subtil …

 

Les étiquettes, leur place, leur taille, en disent souvent beaucoup sur un chemisier et l’esprit de sa maison

 

Un détail particulièrement recherché, les emmanchures rabattues à la main, on perçoit tout juste la couture.


Une boutonnière réalisée à la main, que l’on reconnait par l’irrégularité de ses points.

Ouverture du Premier Magasin Drakes

Le mois dernier le fabriquant culte d’accessoires Drakes a ouvert sa première boutique à Londres. C’est tout un évènement en soi car il s’est tout de même écoulé 34 ans avant que cette marque ait un lieu dédié. C’est en effet en 1977 que Michael Drake et ses associés fondent Drakes. Ils fournissent depuis les plus grandes marques de luxe en accessoires colorés. Drakes peut aussi se targuer de proposer ses produits dans certains des meilleurs magasins au monde, « des plus conservateurs aux plus innovants ». En effet on peut citer parmi ceux-ci le magasin du fameux blog A Suitable Wardrobe (pour l’exemple conservateur), ou bien le Dover Street Market, en passant aussi par JCrew, qui sont décidément partout.

Et c’est ce subtil mélange entre tradition bien anglaise et modernité qui me plaît beaucoup. On est loin de certaines désuétudes imprimées que l’on peut trouver sur quelques cravates d’enseignes traditionnelles. On est aussi assez éloigné des expérimentations tâtonnantes qui sont l’apanage des marques plus créatives. Bien que beaucoup de motifs sortent des archives du fabriquant, leur sélection tombe toujours très juste, un véritable bol d’air frais dans le monde de la cravate.

Détail intéressant : Drakes fabrique une grande partie de son offre au coeur de Londres, à Clerkenwell. Les cravates de la marque y sont d’ailleurs toutes réalisées à la main. Non seulement la production n’a pas été délocalisée, mais elle est en plus restée dans le centre d’une des capitales où les loyers sont les plus chers au monde.

L’ouverture d’un premier magasin est toujours une étape cruciale dans l’évolution d’une marque : c’est l’occasion d’associer les produits à tout un univers, visuel, sonore, olfactif, qui se doit d’être cohérent et de renforcer l’image de marque. C’est un pari réussi pour Drakes, leur boutique à la modestie toute calculée est, si on veut, une fidèle traduction de l’understatement revendiqué par le fabriquant. Mention spéciale pour l’utilisation de carrelage à l’extérieur, chose que l’on voit souvent (mais en vert) sur les vieux pubs londoniens et que l’on a très peu l’occasion de croiser en neuf.

Sont mis en avant les cravates et accessoires, véritable coeur de l’offre de Drakes, qui se voient ici accompagnés de chemises, vestes et autres pulls en cashmere, toujours à la construction soignée et aux matières impeccables. Le magasin propose aussi un service de cravate bespoke, où tout est fait à la mesure et à l’envie du client. A l’instar des chemisiers installés quelques rues plus loin sur Jermyn Street, la commande minimum est de trois cravates, ce qui fait donc un budget d’entrée assez conséquent.

Je vous laisse avec quelques photos que j’ai pu prendre dans cette boutique, située au 3 Clifford Street, pile entre la boutique Hermès de Bond Street et Savile Row :

Les chaussures du prince Charles

Les amateurs de beaux souliers le savent sûrement déjà, le prince Charles a une relation toute particulière avec ses chaussures. La presse anglaise y voit un moyen facile de se moquer du prétendant au trône, on peut notamment y lire que le prince Charles porte des chaussures plus vieilles que ses enfants ou même qu’elles sont une preuve que la crise économique touche aussi la famille royale.

C’est indéniable, ces chaussures ont surement accompagné le prince durant de longues années. Mais bien que leur apparence manque de fraîcheur, et que l’on aime ce type de glaçage ou non, ces chaussures ont un cachet certain. Résultat du travail d’orfèvre de John Lobb, le fameux bottier sur mesure de St. James à Londres, elles sont la preuve que des chaussures de qualité peuvent vous accompagner toute une vie. Le prince aurait même une paire depuis plus de 40 ans. Se pose alors la question de l’entretien : crémages, cirages, et toute la bonne volonté du monde ne suffisent pas, car après de nombreuses années des trous finissent par apparaître dans le cuir. La seule solution pour conserver ces chaussures est donc d’appliquer des patchs de cuirs, sortes de rustines qui finissent d’achever le look d’antiquité de la paire d’oxfords noirs en photo ci-dessous.

Certains argumenteront que ces chaussures ressemblent plus à des épaves qu’à la belle paire d’oxfords de l’origine et ils auront sûrement raison. Cependant je trouve qu’elles signent de manière originale, et avec un décalage certain, les tenues toujours travaillées du prince. Et puis à l’heure où l’on peut acheter des chaussures qui s’auto-détruiront après quelques sorties, c’est une véritable démonstration de consommation durable.

Je ne vais pas m’étendre trop sur la maison Lobb, qui mériterait un long article, mais sachez que le John Lobb de St James à Londres et en fait indépendant de l’enseigne internationale du même nom contrôlée par Hermès. Pour la petite histoire, les boutiques John Lobb londoniennes et parisiennes furent à l’origine créées par la même famille. Hermès racheta la filiale française en 1976, et continue d’y fabriquer des souliers sur-mesure selon la même tradition et les mêmes critères de qualités. Cependant la marque de luxe lui a greffé une gamme de prêt-à-chausser, disponible aujourd’hui dans le monde entier.

Voici d’autres paires d’exception du prince, ainsi que quelques photos de sa visite dans les ateliers de John Lobb ltd., provenant du site du bottier.


Golden Hook, une belle aventure française

Golden Hook - Printemps 2010

Au moment du regain d’intérêt de la mode pour l’artisanat, le travail manuel et le côté authentique du vêtement, il est bon de voir que certaines marques faisaient de ces ingrédients une priorité dès leurs débuts, sans attendre l’influence plus ou moins prononcée d’une tendance toujours mise en place par des publicitaires ou autres influenceurs.

Perçue comme innovante à juste titre par la presse et les médias, l’ initiative Golden Hook fait partie de ces projets qui apportent une forme « d’ humanisation » au marché du textile, et qui contribuent à l’affranchir peu à peu de ce côté artificiel et superficiel qui lui colle à la peau.

Golden Hook - Printemps 2010

Golden Hook - Printemps 2010

En proposant des bonnets, écharpes et noeuds papillons confectionnés à la main par de vraies grand mères accros au tricot, Golden Hook n’a pas besoin de se raccrocher à une vieille icône charismatique ou à un quelconque récit, ressorti des livres d’ Histoire afin de façonner une image de marque. La marque n’invente rien: elle s’attache à distribuer des produits de qualité, fabriqués artisanalement, par des individus maîtrisant un savoir faire spécifique; et c’est cette franchise inhabituelle qui a d’ailleurs beaucoup séduit les médias.

De plus, Golden Hook implique réellement le consommateur dans le processus de création: sur le site de la marque, il est possible d’imaginer son produit dans les moindres détails (couleurs, taille, choix de la maille…) et également de choisir la grand mère qui réalisera votre projet.

Golden Hook - Printemps 2010

Pour parfaire l’idée, il était nécessaire que le produit soit qualitatif, réalisé dans de belles matières. Golden Hook traite donc directement avec des éleveurs des Alpes du Sud et continue de ce fait la recherche d’un véritable savoir faire, tout au long du processus de création du produit final.

Golden Hook - Printemps 2010

Golden Hook - Printemps 2010

Golden Hook - Printemps 2010

En dépit du côté un peu fun, qui peut rebuter le modeux hâtif dans son jugement, Golden Hook est donc une très bonne marque, porteuse de valeurs, produisant des pièces de qualité, forte d’une direction artistique cohérente dont témoignent des pièces reconnaissables au premier coup d’oeil (véritable chalenge quand on parle de tout sur mesure).

L’avenir du projet laisse d’ailleurs assez songeur, outre l’élargissement de sa gamme, Golden Hook voit se profiler un avenir assez intéressant au niveau international: imaginez le plaisir qu’ aurait un new-yorkais de se voir tricoter un bonnet par une grand mère new-yorkaise…