De bien jolis poids

Leather makes it better.

Bon évidement on est en retard pour les idées cadeaux de Noël mais si vous n’êtes pas trop à cheval sur le calendrier ce qui suit me semble parfait si vous voulez faire sensation tout en restant dans le domaine du goût et des beaux objets. Le bel atelier de laContrie a sorti il y a quelques semaines des poids entièrement gainés à la main dans des cuirs exceptionnels. Ces poids en fonte normalement utilisés par les maroquiniers pour maintenir le cuir en place lors d’une découpe minutieuse trouveront facilement une place de presse papiers et orneront à merveille la pile de courrier qui déborde de votre bureau, intriguant sûrement la plupart de vos collègues par la même occasion. Encore une occasion de se faire remarquer pour laContrie qui continue à merveille de dépoussiérer le monde de l’artisanat en apportant des couleurs et des traitements plutôt inattendus tout en respectant la tradition française de la sellerie maroquinerie: l’anneau est évidement cousu à la main au fil de lin…


Tjikko


Ça n’est pas forcément l’idée que l’on se fait d’un atelier de maroquinerie en plein Paris.


Lorsque l’on se balade un peu dans le paysage de la maroquinerie on se fait vite happer par sa richesse infinie: pièces incroyables sorties des plus prestigieux ateliers du monde, guerres financières, belles endormies à peine réveillées par un LVMH en quête d’un nouveau terrain de jeu, maisons indépendantes rebelles à la course au profit, avides du retour de la qualité à tous les niveaux, one-woman operations en quête d’un monde plus lent, amateurs un peu fous (on va y venir, patience)… difficile de dresser une carte définitive. Le dernier ovni dans lequel je suis rentré c’est Tjikko, de Pierre Lapeyronnie et quelques uns de ses collègues et amis.


Voilà ce que l’on trouve au fond d’une cour du 12ème.

 

Ma première rencontre avec Tjikko s’est faite chez Centre Commercial, rue de Marseille, boutique dans laquelle je flânais, sûrement s parti chercher une incroyable miche de Pain des Amis. En constante observation des nouveautés et des noms inconnus sur la scène de la maroquinerie, un portefeuille marqué d’un « Fabriqué à Paris » en dessous du logo avait attiré mon oeil dans la vitrine. Rien de bien étonnant jusqu’ici, la capitale regorge de petits ateliers qui travaillent à façon. Seulement voilà, le prix n’avait rien à voir avec les travaux de selliers maroquiniers, les coutures n’étaient pas celles d’un sellier traditionnel, les bords noircis témoignaient d’une coupe à chaud, l’objet était réalisé d’une seule pièce de cuir, et le logo marqué au laser dans la peau. Une fois de retour chez moi après quelques rapides recherches sur internet, un email part à la rencontre de cette marque intrigante qui partage sur les réseaux sociaux des photos de jeunes gens pince à coudre entre les cuisses, en train de peaufiner le montage d’un portefeuille assez atypique. La réponse ne se fait pas attendre et rendez vous est pris.


Pierre et Paul au travail sur Tjikko entre deux projets de mobilier.

 

La semaine suivante je pousse une porte du 11ème arrondissement sur l’invitation de Pierre et marche dans une cour intérieure jusqu’à une petite maison entourée de fleurs en pot. Il s’agissait d’une calme journée de juillet et entrer dans l’atelier m’a un peu fait l’effet de soulever une pierre en forêt. Comme si un petit monde coupé de l’extérieur s’affairait à la tâche: l’un m’invite à m’asseoir, me tend un coca, l’autre sort d’une mezzanine sous le toit où il se tenait à accroupi, occupé à améliorer sa technique de couture, pendant qu’une de leur collègue en rendez vous téléphonique avec un distributeur me faisait un signe de la main. À peine les présentations terminées une nouvelle tête fait son apparition: un ébéniste d’une grosse vingtaine d’année venu prévenir que leur travail sur les meubles d’un hôtel ouvrant ses portes prochainement était bientôt achevé. »Voilà Tjikko » résumait Pierre une fois de retour.


Petit coin découpe pour les maquettes et autres ajustements.

 

Après avoir étudié le design et travaillé pour de belles agences, Pierre décide de prendre son indépendance et fonde le studio Pierre Lapeyronnie. Travaillant habituellement du mobilier, des chaises et des luminaires, le studio est véritablement multifacettes: pendant ses périodes d’apprentissage, pour mieux appréhender la matière, les objets et leurs techniques de fabrications Pierre est allé à la rencontre de nombreux artisans qui lui ont transmis les bases de la verrerie, la ferronerie, le travail de la céramique, la coutelerie ou encore de l’ébénisterie. Toujours touche à tout et curieux, le studio Lapeyronnie trouve donc par Tjikko un moyen de s’essayer à la maroquinerie.

Toutes les pièces seront cousues à la main après découpe et pliage.

 

Soucieux de réaliser un produit utile, durable dans le temps et simple à fabriquer, ils commencent avec le porte feuille « Modèle A »: composé d’une seule pièce de cuir découpée au laser, les trous pour la couture sont percés en amont de l’assemblage des poches qui sera réalisé par pliage et fixé au fil de lin, traditionnellement utilisé en maroquinerie. On a donc un peu l’impression que Tjikko se situe tout juste à la rencontre de deux monde, entre l’artisanat et le design industriel cherchant à allier esthétique et suppression des contraintes de fabrication.

Non contents d’avoir déjà quelques points de vente comme Centre Commercial, La Belle Société, Elka et Cieva et Figura Sfondo , Tjikko vient tout juste d’ouvrir la nouvelle mouture de son site internet. Notez que vous pouvez également aller à la rencontre de toute la troupe et vous procurer votre porte feuille directement à l’atelier au 75 rue Léon Frot dans le 11ème à Paris. Si vous êtes curieux et/ou bricoleur, vous apprécierez forcément le détour.


Les parapluies d'Oliver Ruuger

Avis aux amateurs de poignées en croco !


Quand on parle d’artisanat, on a facilement à l’esprit l’image d’un homme ou d’une femme évoluant dans la poussière d’un atelier lugubre, un peu en guerre avec la planète entière car acteur d’un monde ancien en pleine disparition, déjà oublié par le commun des mortels. Pourtant comme la plupart des images mentales que l’on peut construire dans son coin, celle ci se révèle souvent très fausse. Il est d’ailleurs assez amusant de voir comme certains artisans ont compris comment communiquer pour toucher un public déjà rassasié d’innombrables images de processus de fabrication et à quel point ils peuvent être en phase avec les plus hautes sphères de la tendance. Si laContrie en est le parfait exemple, c’est également le cas d’Oliver Ruuger qui a réalisé une série de parapluies incroyables pour la superbe boutique LN-CC à Londres et qui développe une image de marque superbe, très en phase avec les temps qui courent. J’ai d’ailleurs également eu la chance de rencontrer Célia Granger il y a quelques semaines qui réalise un travail remarquable et collabore régulièrement avec quelques designers de haut vol. Habitués à travailler le sur-mesure ou la demi-mesure, il faut comprendre que réaliser une série d’une dizaines de pièces et vendre leurs produits dans des boutiques, aussi haut de gamme soient elles, c’est déjà pour eux sortir très loin de leurs carnets de commandes classiques. Je vous laisse avec une vidéo d’Oliver Ruuger au travail sur une pièce magnifique.

LN-CC FILM: Oliver Ruuger | Making Umbrellas from LN-CC on Vimeo.