Beige Habilleur

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Le beige est le nouveau noir

Il y a quelques années, lorsque j’étais encore acheteur pour le Printemps, j’expliquais à qui avait la patience de m’écouter qu’il y avait un gros « gap » sur le marché de la mode homme à Paris. En effet, alors que les projecteurs du monde entier étaient braqués sur Pitti Uomo et que l’intérêt pour la mode authentique et historique s’écartait doucement du bucheron ou du preppy américain pour se focaliser sur le Made in Italy, des multimarques aux accents transalpins ont éclos ici et là dans les grandes villes internationales. Mais voilà, à part une timide approche de Slowear à Paris, où étaient les Trunk Clothiers ou les Gabucci locaux ? La fermeture d’un vieil Old England en bout de course a laissé un trou béant dans le marché (comblé pour la chaussure par Upper Shoes) et l’idée semblait toute trouvée : choisir un emplacement près de la Madeleine, à Paris, avec une force de vente tirée à quatre épingle à la Armoury, on pourrait y proposer des marques aux intonations chantantes telles que Lardini, Boglioli, Lubiam, Camoshita, Finamore ou Barba. Il ne restait plus qu’à communiquer via les réseaux sociaux et profiter de l’engouement international pour le #menswear et on pourrait bénéficier d’un mélange intéressant de clients classiques, habitués à venir s’habiller dans le quartier, et d’une clientèle plus jeune et connectée, en recherche de ces labels introuvables à Paris
C’est donc à point nommé qu’est apparu Beige. Beige est un multimarque en ligne, et, bien qu’il n’ait pas encore de vitrine physique, il vient remplir ce manque. On y trouve donc de belles marques de Pitti Uomo, ou que l’on suit depuis longtemps : Camoshita, Drake’s, Inis Meain, Jamieson’s, LBM, Valstar, Merola … On y fait aussi quelques belles découvertes comme Cohérence, une marque d’outerwear japonaise aux beaux volumes, ou la marque espagnole Justo Gimeno et ses vestes Teba, sorte de chaînon manquant entre une slack jacket, une forestière et une veste de peintre.

Restait à trouver une belle image, et souvent dans ce type d’univers produit, on est trop sage, trop propret, on s’emmerde. C’est un peu l’écueil dans lequel est tombé le pourtant excellent (et concurrent américain de Beige) No Man Walks Alone . Mais c’est avec brio que Beige s’en sort avec ce lookbook Automne-Hiver à l’image contemporaine juste ce qu’il faut. Avec pour décor les lignes architecturales rétro-futuristes de Beaugrenelle, le style est casual mais reste chic, surtout on reste bien éloigné des mises endimanchées trop clichées.
On se projette, cela fonctionne, et on a hâte de voir le prochain.

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Drake’s London AW15

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#layering

Timing malheureux, cet article a pour sujet un lookbook AH15 alors que la saison est finie, les soldes ayant emportées avec elles le reliquat bigarré de cette belle collection Drake’s. Mais un coup d’oeil à l’extérieur suffit pour s’en assurer, l’hiver est toujours là, n’en déplaise aux images ensoleillées qui commencent à envahir notre boite mail encombrée. A l’heure où il est de bon ton de vouloir tout remettre à plat, on essaie tout de même de nous faire parler seersucker et madras alors que nos besoins sont plutôt de l’ordre de la flanelle et du tweed. Si du coup le see now buy now n’est plus possible pour ce lookbook, il n’en demeure pas moins plein de belles images et de bonnes idées de layering, applicables maintenant.
Le mannequin pour l’occasion, Jason Jules, qui semble être dans l’ombre de tout bon projet menswear (ici en background dans un article de mai 2011, ainsi qu’en guest-star chez notre ami Francis en juillet 2011), est aussi à l’origine du blog Garmsville, qu’il vous faut dans votre Feedly.
D’ordinaire plus porté sur un look vintage/héritage forcément plus casual, on ne l’attendait pas forcément chez Drake’s. Mais sa présence, accompagnée du stylisme soigné du lookbook, permettent d’atténuer sagement le côté formel du vestiaire Drake’s, pour un résultat parfait.

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Ouverture du Premier Magasin Drakes

Le mois dernier le fabriquant culte d’accessoires Drakes a ouvert sa première boutique à Londres. C’est tout un évènement en soi car il s’est tout de même écoulé 34 ans avant que cette marque ait un lieu dédié. C’est en effet en 1977 que Michael Drake et ses associés fondent Drakes. Ils fournissent depuis les plus grandes marques de luxe en accessoires colorés. Drakes peut aussi se targuer de proposer ses produits dans certains des meilleurs magasins au monde, « des plus conservateurs aux plus innovants ». En effet on peut citer parmi ceux-ci le magasin du fameux blog A Suitable Wardrobe (pour l’exemple conservateur), ou bien le Dover Street Market, en passant aussi par JCrew, qui sont décidément partout.

Et c’est ce subtil mélange entre tradition bien anglaise et modernité qui me plaît beaucoup. On est loin de certaines désuétudes imprimées que l’on peut trouver sur quelques cravates d’enseignes traditionnelles. On est aussi assez éloigné des expérimentations tâtonnantes qui sont l’apanage des marques plus créatives. Bien que beaucoup de motifs sortent des archives du fabriquant, leur sélection tombe toujours très juste, un véritable bol d’air frais dans le monde de la cravate.

Détail intéressant : Drakes fabrique une grande partie de son offre au coeur de Londres, à Clerkenwell. Les cravates de la marque y sont d’ailleurs toutes réalisées à la main. Non seulement la production n’a pas été délocalisée, mais elle est en plus restée dans le centre d’une des capitales où les loyers sont les plus chers au monde.

L’ouverture d’un premier magasin est toujours une étape cruciale dans l’évolution d’une marque : c’est l’occasion d’associer les produits à tout un univers, visuel, sonore, olfactif, qui se doit d’être cohérent et de renforcer l’image de marque. C’est un pari réussi pour Drakes, leur boutique à la modestie toute calculée est, si on veut, une fidèle traduction de l’understatement revendiqué par le fabriquant. Mention spéciale pour l’utilisation de carrelage à l’extérieur, chose que l’on voit souvent (mais en vert) sur les vieux pubs londoniens et que l’on a très peu l’occasion de croiser en neuf.

Sont mis en avant les cravates et accessoires, véritable coeur de l’offre de Drakes, qui se voient ici accompagnés de chemises, vestes et autres pulls en cashmere, toujours à la construction soignée et aux matières impeccables. Le magasin propose aussi un service de cravate bespoke, où tout est fait à la mesure et à l’envie du client. A l’instar des chemisiers installés quelques rues plus loin sur Jermyn Street, la commande minimum est de trois cravates, ce qui fait donc un budget d’entrée assez conséquent.

Je vous laisse avec quelques photos que j’ai pu prendre dans cette boutique, située au 3 Clifford Street, pile entre la boutique Hermès de Bond Street et Savile Row :