Modeste Moussorgski – Tableaux d'une exposition

Portrait de Modeste Moussorgski par Ilya Repine.

Modeste Moussorgski n’a pas été un compositeur très abondant. Musicien, il ne se destinait pourtant pas vraiment à une carrière musicale mais plutôt à celle des armes. Il obtient en 1856 ses galons de lieutenant et en profita pour se lier d’amitié avec des officiers mélomanes qui lui permettront par l’intermédiaire de plusieurs connaissances de faire la rencontre de César Cui et de Mili Balakirev (fondateur du Groupe des Cinq). 
Ces rencontres vont pousser Moussorgski à composer après seulement quelques cours musicaux très sommaires enseignés par Balakirev. Il quitte dès lors rapidement l’armée.

La suite n’est pas très heureuse : en 1861, le servage étant aboli, Moussorgski se retrouve totalement ruiné du jour au lendemain et est contraint de se trouver un travail. Il connaît alors une existence de petit fonctionnaire et ne connaît aucun succès musical. Il sombre dans l’alcool, ses amis l’abandonnent, il meurt dans un hôpital militaire quelques années plus tard, à l’âge de 42 ans.


Maurice Ravel

Il laisse pourtant derrière lui des oeuvres exceptionnelles dont les plus connues sont certainement son opéra Boris Godounov, et son cycle de pièces pour piano Tableaux d’une exposition. Cette dernière oeuvre doit en partie son succès et sa renommée au compositeur français Maurice Ravel qui l’orchestre en 1922. Orchestrateur prodigieux, coloriste de génie, l’orchestration de Maurice Ravel connaît un très grand succès et est jouée aujourd’hui dans le monde entier.

L’oeuvre de Moussorgski est inspirée d’une série de dix tableaux peints par Victor Hartmann. Les pièces sont entrecoupées par des « promenades » qui symbolisent les flâneries du spectateur entre les tableaux.

Extraits de Tableaux d’une exposition :

Version orchestrée par Maurice Ravel :

Version originale pour Piano seul :

Promenade 1 :

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Promenade 1 :

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Les Tuileries :

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Les Tuileries :

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Ballet des poussins dans leur coque :

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Ballet des poussins dans leur coque :

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La cabane sur des pattes de poule :

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La cabane sur des pattes de poule :

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Wendy Carlos – Orange Mécanique

Beethoven, Alex et son serpent – Orange mécanique, Stanley Kubrick (1971)

Comme dans toutes les oeuvres cinématographiques de Stanley Kubrick, la musique joue un rôle primordial, elle nous plonge littéralement dans l’univers du film. Je l’avais déjà souligné avec le Trio op. 100 de Franz Schubert dans Barry Lyndon, et l’avait brièvement évoqué avec la fameuse valse de Chostakovitch dans Eyes Wide Shut.

Amateur éclairé, mélomane accompli, Stanley Kubrick était très exigent quant au choix des musiques utilisées dans ses films, préférant souvent faire appel à des oeuvres classiques de grands compositeurs plutôt qu’à des musiciens de seconde zone.

Dans le cas d’Orange mécanique, qui est une adaptation du roman d’Anthony Burgess A Clockwork Orange, le personnage principal (Alex) idolâtre le compositeur Ludwig van Beethoven. Stanley Kubrick recherchait donc à arranger la musique du compositeur pour que celle-ci soit en adéquation avec l’univers complètement malsain de son film.

Wendy Carlos dans son studio (années 60-70)

Au même moment, Wendy Carlos, qui s’était fait connaître quelques années auparavant avec son album Switched-On Bach, apprend que Kubrick travaille sur l’adaptation du roman de Burgess et décide donc d’arranger la Neuvième symphonie de Beethoven à l’aide de synthétiseurs et d’un vocoder conçu par elle-même avec son ami Robert Moog. C’est l’une des premières utilisations musicales d’un vocoder, le rendu est spectaculaire. Kubrick reçoit les premiers tests de Wendy Carlos et accepte de collaborer avec elle pour la musique du film.


Cassette audio Neuvième Symphonie de Beethoven – Orange mécanique, Stanley Kubrick (1971)


Scherzo de la Neuvième symphonie de Beethoven, adaptée par Wendy Carlos :

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Ode à la Joie – Orange mécanique :

L’extrait ci-dessus commence par l’Ode à la Joie de Beethoven, et fait également entendre l’Ouverture de Guillaume Tell de Rossini dans la scène de la chambre.


En dehors des arrangements de Beethoven, Wendy Carlos inflige le même sort à deux autres grands compositeurs : Henry Purcell et Gioachino Rossini. Ainsi, pour notre plus grand bonheur, on peut entendre successivement « Music for the Funeral of Queen Mary » de Henry Purcell (qui apparaît dès l’ouverture du film), et les ouvertures de « Guillaume Tell » et de « La pie voleuse » de Rossini.

Henry Purcell – Music For The Funeral Of Queen Mary, arrangement Wendy Carlos :


La pie voleuse, Rossini – arrangement Wendy Carlos :


Jean Langlais – Dyptique pour piano et orgue

Jean Langlais

Jean Langlais est un compositeur et organiste français né en 1907. Aveugle dès l’âge de 2 ans, il débute son apprentissage de la musique à l’Institut National des jeunes aveugles à Paris. Cet Institut a d’ailleurs formé un très grand nombre de personnalités : de grands professeurs à l’image de Louis Braille (inventeur du Braille), et beaucoup de musiciens renomés comme Louis Vierne, André Marchal ou encore Gaston Litaize (sans oublier, dans un tout autre registre, Gilbert Montagné).

À l’âge de 20 ans, il est accepté dans la prestigieuse classe d’orgue de Marcel Dupré au conservatoire de Paris. Il apprend également l’improvisation à l’orgue avec Charles Tournemire qui est incontestablement le plus grand improvisateur de la première moitié du XXe siècle.

Jean Langlais est un compositeur très prolifique. Son oeuvre est majoritairement consacrée à l’orgue seul et à la musique liturgique mais il compose néanmoins un peu de musique de chambre et des chants profanes. Il connaît un grand succès aux États-Unis où il fit de nombreuses tournées entre 1952 et 1981.

L’oeuvre ci-dessous est un Dyptique pour piano et orgue. Ces deux instruments sont rarement utilisés ensemble, leur association peut surprendre mais le résultat est extraordinaire. Je vous laisse donc déguster ces sonorités étonnantes !

Dyptique pour piano et orgue :

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Si vous appréciez ce mariage des deux instruments je vous recommande chaudement ce merveilleux CD de Thierry Escaich et Claire-Marie Le Guay :

Félix Mendelssohn – Trio pour Piano op. 49

Félix Mendelssohn

Félix Mendelssohn est un compositeur et chef d’orchestre allemand  issu d’une famille de banquiers réputée. Son grand-père Moïse était un philosophe respecté et la maison Mendelssohn où la famille s’établit en 1811 à Berlin va devenir un centre de la vie mondaine, artistique et scientifique de la métropole prussienne.

De grandes personnalités tels que des philosophes (Hegel et Schleiermacher) ou des musiciens comme Zelter, fréquentent régulièrement la maison, ce qui laisse une atmosphère de créativité très favorable au jeune Félix. Il bénéficie de cours musicaux de grands musiciens et les premiers résultats sont exceptionnels. Ainsi, il donne son premier récital public au piano à l’âge de 9 ans, ce qui ne fût que préluder à une grande mais trop courte carrière de chef d’orchestre et de compositeur. Il meurt très jeune à Leipzig en 1847 à l’âge de 38 ans.

Il laisse néanmoins une oeuvre très importante comprenant de nombreux chef-d’oeuvres. Félix Mendelssohn est connu dans le monde entier pour sa Marche Nuptiale, ce qui, entre nous, n’est vraiment pas l’oeuvre que l’on devrait retenir du compositeur. La Marche Nuptiale est tirée du « Songe d’une nuit d’été » et n’est absolument pas représentative de l’oeuvre complète et notamment sa magnifique Ouverture.

Préférons-lui plutôt son magnifique trio pour piano opus 49 qui est une pure merveille. Ce trio attira d’ailleurs particulièrement l’attention de Robert Schumann à l’époque qui en fit l’éloge en le comparant à ceux de Beethoven et de Franz Schubert…

Trio op. 49 – Molto Allegro Agitato (premier mouvement) :

Trio op. 49 – Scherzo (troisième mouvement) :


Source: Larousse de la musique éd. 1957

Musique au cinéma (1) – Nino Rota

L’ancien orgue de cinéma du Gaumont Palace

Le cinéma a toujours donné une place essentielle à la musique. Alors même que le cinéma en était à ses premiers balbutiements et qu’il n’était encore que muet, on trouvait déjà des musiciens dans les salles lors des projections. Les pianistes, organistes ou autres instrumentistes improvisaient sur les différentes scènes du film, tantôt dramatiques, tantôt burlesques.

Très vite, des fiches ont été glissées dans les boîtes de pellicules pour donner des indications aux musiciens. Y figuraient des instructions quant aux tempi et quant à l’atmosphère musicale à respecter. 
Puis des compositeurs de renom commencent à se prêter au jeu, ainsi, Camille Saint-Saëns en précurseur compose en 1908 une musique spécialement pour me film L’assassinat du duc de Guise de Charles Le Bargy et André Calmette.

La bande son apparaît rapidement, la musique prenant ainsi une place définitive dans le cinéma. Arrivent alors toute une clique de musiciens hollywoodiens dans les années 30-40 s’adonnant à la composition de musiques pour le cinéma avec des résultats plus ou moins intéressants.

D’autres compositeurs, eux, très talentueux, consacreront une grande partie de leur carrière à la composition de musique de films. C’est le cas de Nino Rota qui nous laisse une œuvre tant imposante que magnifique.


Nino Rota

Nino Rota est un compositeur italien né à Milan en 1911. Il a commencé à composer très jeune puisqu’il écrit son premier Oratorio à l’âge de 11 ans. Il composera énormément toute sa vie : plus de 150 oeuvres pour le cinéma en plus de dix opéras, cinq ballets et beaucoup d’autres œuvres instrumentales dont un concerto pour piano et orchestre (1962). Nino Rota reste cependant essentiellement connu pour ses musiques de films, et en particulier à travers l’oeuvre de Federico Fellini. Les deux compères collaboreront dans de très nombreux films, et les musiques sont aujourd’hui devenues totalement indissociables de la filmographie de Fellini.

Parmi les plus connues figurent les musiques de la Dolce Vita, Les Vitelloni, La strada et bien sûr l’incontournable bande son du film Huit et demi :


D’autres partitions très connues du compositeur ont été créées pour des films de Luchino Visconti, notamment dans Le Guépard et Rocco et ses frères. Ci-dessous la célèbre scène de la Valse dans laquelle fait d’ailleurs une courte apparition notre Alain Delon national.


Mais l’une de ses oeuvres les plus entendue dans le monde aujourd’hui reste sûrement la musique du film Le Parrain de Francis Ford Coppola. La bande son est elle aussi indissociable, on ne peut s’empêcher se remémorer les images du film dès que les premières notes résonnent. C’est le cas évidemment de la musique « Love Theme » qui se fait entendre lorsque Michael Corleone rencontre Apollonia en Italie.


Et puisqu’on est dans Le Parrain, restons-y encore un moment. Je ne resiste pas à l’envie de terminer par la scène du mariage même si cette chanson n’a rien à voir avec Nino Rota puisqu’il s’agit d’un chant traditionnel italien intitulé « Luna mezz o mare ». La musique qui accompagne le mariage n’a d’ailleurs pas non plus été composée par Nino Rota mais par le Père de Francis Ford Coppola : Carmine Coppola.

Dimitri Chostakovitch – Trio avec Piano op. 67

Détrompez-vous ! Ceci n’est pas un article sur Harry Potter. Dimitri Chostakovitch est un tout autre magicien. Si son nom ne vous évoque rien, rappelez-vous la musique de la fameuse scène d’ouverture du film de Stanley Kubrick « Eyes Wide Shut » :

Dimitri Chostakovitch est un compositeur Russe né en 1906 à Saint-Pétersbourg et mort à Moscou en 1975. Son oeuvre est très importante, c’est un compositeur très prolifique, il a touché à tous les styles et à toutes les formes. Nous nous attarderons aujourd’hui sur l’un de ses chefs d’oeuvre de musique de chambre : son second trio pour piano violon et violoncelle op. 67 composé en 1944.

Cette oeuvre a donc été écrite pendant la guerre qui est une période très productive pour Chostakovitch, il composait l’année précédente sa Symphonie n°8 considérée par beaucoup comme sa plus belle symphonie.

L’allegro de ce trio laisse entendre un thème traditionnel d’origine juive absolument magnifique qu’il réutilisera d’ailleurs pour son Quatuor n°8 op. 110.
Il apparait d’abord en pizzicato au violon et violoncelle accompagné d’accords répétés par le piano avant d’être manié dans tous les sens possible.

Allegro du second Trio avec Piano de Dimitri Chostakovitch op.67 :

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Nicolas Gogol – Le Manteau

« Il ne pensait pas à s’habiller. Son uniforme, qui était originellement vert, avait tourné au rouge ; sa cravate était devenue si étroite, si recroquevillée, que son cou, bien qu’il ne fût pas long, sortait du collet de son habit et paraissait d’une grandeur démesurée, comme ces chats de plâtre à la tête branlante que les marchands colportent dans les villages russes pour les vendre aux paysans. Il y avait toujours quelque chose qui s’accrochait à ses vêtements, tantôt un bout de fil, tantôt un fétu de paille.

Il avait aussi une prédilection toute spéciale à passer sous les fenêtres juste au moment où l’on lançait dans la rue un objet qui n’était rien moins que propre, et il était rare que son chapeau ne fût orné de quelque écorce d’orange ou d’un autre débris de ce genre. Jamais il ne lui arrivait de s’occuper de ce qui se passait dans les rues et de tout ce qui frappait les regards perçants de ses collègues, accoutumés à voir tout de suite sur le trottoir opposé à celui qu’ils suivaient un mortel en pantalon effilé, ce qui leur procurait toujours un contentement inexprimable. Akaki Akakievitch, lui, ne voyait que les lignes bien droites, bien régulières de ses copies et il fallait qu’il se heurtât soudainement à un cheval qui lui soufflait à pleins naseaux dans la figure, pour se rappeler qu’il n’était pas à son pupitre, devant ses beaux modèles de calligraphie, mais au beau milieu de la rue. »

[…]

« Depuis quelque temps Akaki avait dans le dos et dans les épaules des douleurs lancinantes, quoiqu’il eût l’habitude de parcourir au pas de course et hors d’haleine la distance qui séparait sa demeure de son bureau. Après avoir bien pesé la chose, il aboutit définitivement à la conclusion que son manteau devait avoir quelque défaut. De retour dans sa chambre, il examina le vêtement avec soin et constata que l’étoffe si chère était devenue en deux ou trois endroits si mince qu’elle était presque transparente ; en outre, la doublure était déchirée. Ce manteau était depuis longtemps l’objet incessant des railleries des impitoyables collègues d’Akaki. On lui avait même refusé le noble nom de manteau pour le baptiser capuchon. Le fait est que ce vêtement avait un air passablement étrange. D’année en année, le collet avait été raccourci, car d’année en année le pauvre titulaire en avait retranché une partie pour rapiécer le manteau en un autre endroit, et les raccommodages ne trahissaient pas la main expérimentée d’un tailleur. Ils avaient été exécutés avec autant de gaucherie que possible et étaient loin de faire bel effet. Quand Akaki Akakievitch eut achevé ses tristes explorations, il se dit qu’il devait sans hésiter porter son manteau au tailleur Petrovitch qui habitait au quatrième une cellule toute sombre. »


La nouvelle complète est consultable ici, et est disponible ici.

L'année Franz Liszt

Franz Liszt (1811-1886) – by ‘Spy’ (Leslie Ward, 1851-1922)
from « Vanity Fair » (London May 15, 1886)

La France célèbre cette année le bicentenaire de la naissance de Franz Liszt. Les nouveaux CDs commencent déjà à sortir, les radios de musique classique vont nous servir abondamment l’oeuvre de Liszt, et les meilleures chaînes de télévision y consacreront peut-être même des émissions. Nous ne pouvons que nous réjouir d’une telle chose !

Mais avant que vous en ayez déjà assez (si tant est qu’on puisse en avoir assez ?), je vous propose d’écouter le Liebestraum n°3 du compositeur. Plus connu sous son nom français rêve d’amour, il est ici interprété par Sviatoslav Richter. C’est une oeuvre courte pour piano qui a été composée pour accompagner des poèmes de Ludwig Uhland et de Ferdinand Freiligrath en 1850.


On termine sur un petit clin d’oeil avec une version plutôt originale de la deuxième rhapsodie hongroise de Franz Liszt puisqu’elle est ici revue par le fameux dessin animé américain Tom et Jerry. Le court métrage a été réalisé en 1946, il est la 29ème animation de Tom & Jerry.

Camille Saint-Saëns, "un artisan de génie"

On lui reproche souvent son manque d’originalité ou son manque de génie musical (reproches évidemment liées à son obsession pour la forme). Certains de ses détracteurs allaient même jusqu’à l’ignorer complètement. Dans ce sens, on apprend dans l’ouvrage de Jacques Bonnaure «Saint-Saëns» que Romain Rolland notait en 1907 que l’on pouvait parler des heures de musique française avec des musiciens français sans que fût cité une seule fois le nom de Saint-Saëns. Il faut dire qu’à cette époque, Camille Saint-Saëns avait en face de lui Debussy qui était en train de révolutionner la musique.

Mais si l’oeuvre de Saint-Saëns n’a pas fait avancer le langage musical, son génie se trouve dans la forme, son savoir-faire et son écriture irréprochable.
Il disait lui-même :
«Pour moi l’art c’est la forme. L’expression, la passion, voilà qui séduit avant tout l’amateur. Pour l’artiste, il en va autrement. L’artiste qui ne se sent pas pleinement satisfait par des lignes élégantes, des couleurs harmonieuses, une belle série d’accords, ne comprend pas l’art. Pendant tout le XVIe siècle on a écrit des oeuvres admirables dont toute émotion est exclue.»1

Sa vision de l’art qu’il expose ici par écrit sera son mot d’ordre et il s’y conformera toute sa vie. Pour lui, une oeuvre ne pouvait pas être écrite sans s’attacher à la forme et à la tradition. Il avait une méfiance extrême pour l’expression. Or Camille Saint-Saëns nait à l’époque romantique et va connaître la rupture qui donne lieu à l’époque moderne. Il sera toute sa vie en décalage avec sont temps, comme le dit Jacques Bonnaure, « jeune il ne fut jamais romantique, vieux il ne fut jamais moderne ».

Mais il ne faut pas oublier que le travail de Saint-Saëns a permis l’intégration de formes en France qui étaient réservées jusqu’alors aux compositeurs d’outre-Rhin. En effet, l’oeuvre de Saint-Saëns a par exemple réussi à redonner un élan à la musique symphonique qui avait tendance à s’essouffler au milieu du XIXe siècle.

Finalement, la musique de Saint-Saëns est artisanale avec une maitrise absolue et un savoir-faire traditionnel. Il fut l’un des derniers représentant de cet aspect artisanal de la composition qui était la norme jusqu’au début du XIXe.

Pour illustrer cet article : la symphonie n°3 « avec orgue ». L’orchestration y est assez chargée avec notamment un piano (joué à 4 mains) et un grand-orgue, mais ces deux instruments ne jouent cependant pas du tout comme solistes. Pierre Cochereau, le fameux organiste de Notre-Dame de Paris avouait d’ailleurs lors de l’enregistrement de la symphonie n°3 sous la direction de Karajan, que l’orgue ne servait dans cette oeuvre qu’à « planter quelques clous » !

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Je recommande chaudement le très bel ouvrage de Jacques Bonnaure « Saint-Saëns » sorti en septembre dernier qui est remarquable. Il rend un hommage admirable au compositeur qui à bercé mes toutes jeunes oreilles avec son « Carnaval des animaux »…

1- citation extraite du livre « Saint-Saëns » de Jacques Bonnaure.