Camille Saint-Saëns, "un artisan de génie"

On lui reproche souvent son manque d’originalité ou son manque de génie musical (reproches évidemment liées à son obsession pour la forme). Certains de ses détracteurs allaient même jusqu’à l’ignorer complètement. Dans ce sens, on apprend dans l’ouvrage de Jacques Bonnaure «Saint-Saëns» que Romain Rolland notait en 1907 que l’on pouvait parler des heures de musique française avec des musiciens français sans que fût cité une seule fois le nom de Saint-Saëns. Il faut dire qu’à cette époque, Camille Saint-Saëns avait en face de lui Debussy qui était en train de révolutionner la musique.

Mais si l’oeuvre de Saint-Saëns n’a pas fait avancer le langage musical, son génie se trouve dans la forme, son savoir-faire et son écriture irréprochable.
Il disait lui-même :
«Pour moi l’art c’est la forme. L’expression, la passion, voilà qui séduit avant tout l’amateur. Pour l’artiste, il en va autrement. L’artiste qui ne se sent pas pleinement satisfait par des lignes élégantes, des couleurs harmonieuses, une belle série d’accords, ne comprend pas l’art. Pendant tout le XVIe siècle on a écrit des oeuvres admirables dont toute émotion est exclue.»1

Sa vision de l’art qu’il expose ici par écrit sera son mot d’ordre et il s’y conformera toute sa vie. Pour lui, une oeuvre ne pouvait pas être écrite sans s’attacher à la forme et à la tradition. Il avait une méfiance extrême pour l’expression. Or Camille Saint-Saëns nait à l’époque romantique et va connaître la rupture qui donne lieu à l’époque moderne. Il sera toute sa vie en décalage avec sont temps, comme le dit Jacques Bonnaure, « jeune il ne fut jamais romantique, vieux il ne fut jamais moderne ».

Mais il ne faut pas oublier que le travail de Saint-Saëns a permis l’intégration de formes en France qui étaient réservées jusqu’alors aux compositeurs d’outre-Rhin. En effet, l’oeuvre de Saint-Saëns a par exemple réussi à redonner un élan à la musique symphonique qui avait tendance à s’essouffler au milieu du XIXe siècle.

Finalement, la musique de Saint-Saëns est artisanale avec une maitrise absolue et un savoir-faire traditionnel. Il fut l’un des derniers représentant de cet aspect artisanal de la composition qui était la norme jusqu’au début du XIXe.

Pour illustrer cet article : la symphonie n°3 « avec orgue ». L’orchestration y est assez chargée avec notamment un piano (joué à 4 mains) et un grand-orgue, mais ces deux instruments ne jouent cependant pas du tout comme solistes. Pierre Cochereau, le fameux organiste de Notre-Dame de Paris avouait d’ailleurs lors de l’enregistrement de la symphonie n°3 sous la direction de Karajan, que l’orgue ne servait dans cette oeuvre qu’à « planter quelques clous » !

Audio clip: Adobe Flash Player (version 9 or above) is required to play this audio clip. Download the latest version here. You also need to have JavaScript enabled in your browser.

Je recommande chaudement le très bel ouvrage de Jacques Bonnaure « Saint-Saëns » sorti en septembre dernier qui est remarquable. Il rend un hommage admirable au compositeur qui à bercé mes toutes jeunes oreilles avec son « Carnaval des animaux »…

1- citation extraite du livre « Saint-Saëns » de Jacques Bonnaure.

Gabriel Fauré – Dolly (Berceuse)

4202585091_ac6b065f66_b

Gabriel Fauré incarne pour moi toute la finesse musicale française : discours léger mais plénitude harmonique, audace des modulations et des enchaînements d’accords… Sa musique peut apparaître très classique au premier abord, mais Gabriel Fauré a su construire son propre langage harmonique qui est aujourd’hui enseigné dans tous les conservatoires.

Fauré n’était pas spécialement orchestrateur, ce qui contribue encore aujourd’hui à l’image très/trop classique que l’on peut avoir de lui comparé à l’originalité des timbres de l’orchestre utilisés par Claude Debussy, Maurice Ravel ou encore Stravinsky.

Gabriel Fauré a d’ailleurs composé beaucoup plus de musique de chambre que d’oeuvres orchestrales (qui restent quand même des oeuvres remarquables, notamment Pelléas et Mélisande pour ne citer qu’elle). Si Gabriel Fauré ne fait pas parti des grands orchestrateurs, il est en revanche reconnu comme l’un des plus illustres harmonistes de son temps et également comme un mélodiste de génie.

La musique de Gabriel Fauré est finalement très intimiste, tout en finesse et intérieure, à l’image de son requiem, qui est à mes yeux l’un des plus beaux que l’on ait jamais écrit.

La berceuse issue de la suite Dolly, composée en 1894 pour piano à 4 mains est un exemple parfait de l’oeuvre de Gabriel Fauré qui aura excellé toute sa vie dans la mélodie, le piano et la musique de chambre.

Audio clip: Adobe Flash Player (version 9 or above) is required to play this audio clip. Download the latest version here. You also need to have JavaScript enabled in your browser.

Cette oeuvre a été composée en l’honneur d’Hélène, surnommée Dolly, la fille d’Emma Bardac, cantatrice et future épouse de Claude Debussy. La Berceuse a été écrite pour le premier anniversaire de celle-ci, les autres étant composées pour d’autres anniversaires de Dolly ou d’autres événements familiaux.


4203678818_cb2218fd4d_b 4195038987_23e177b745_o