Strauss, Strauss et Ligeti – 2001, A Space Odyssey

Couverture du vinyl de la BO 2001, l’Odysée de l’espace

Après Barry Lyndon et le magnifique trio op. 100 de Schubert, les reprises surprenantes de Beethoven par Wendy Carlos dans Orange mécanique, et la valse de Chostakovitch dans Eyes Wide Shut, ce sont les musiques de 2001, l’Odysée de l’espace qui retiendrons notre attention cette fois ci.

Stanley Kubrick préférait s’en tenir aux grands compositeurs, à des musiques ayant déjà « fait leurs preuves » plutôt que de s’embarquer dans une création musicale nouvelle qui aurait probablement un effet moins important. Pourquoi donc s’embêter à passer commande de la composition d’une musique alors qu’il suffit de se baisser un peu pour trouver ce qu’il y a de plus parfait. Le films 2001, l’odyssée de l’espace en est l’exemple type.

Dans ce film, deux Strauss contribuent lourdement : le premier, Richard, fait son apparition auditive dès l’ouverture du film avec l’une des musiques les plus connues du monde : Ainsi parlait Zarathoustra.

Ainsi parlait Zarathoustra (introduction) :

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Le second Strauss est Johann II, fils du précédent Johann I, qui au passage n’ont aucun lien de parenté avec Richard. Johann II était un compositeur fécond qui a tout de suite beaucoup séduit le public en composant des valses (plus de 400 au total) qui lui valent aujourd’hui une célébrité universelle et durable. Kubrick a retenu la Valse « Le beau Danube bleu » qui est l’une de ses valses les plus célèbre avec « Sang viennois », « Vie d’artiste », « Histoires de la forêt viennoise », « Rose du Sud » etc. 
La valse se fait entendre dans la fameuse scène du de l’amarrage où la musique transcende l’image (ou bien est-ce l’inverse ?), le résultat est renversant.


Enfin, à l’image du film, très moderne (surtout si on se replace en 1968), Stanley Kubrick fait également appel à Ligeti en utilisant entre autre son oeuvre Lux Æterna. La partition a été composée pour un choeur de 16 voix a cappella, sous forme de canon. Très étrange et mystérieuse, l’oeuvre colle parfaitement à l’univers du film et contribue largement à l’atmosphère qui se dégage de 2001, l’odyssée de l’espace.

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Stravinsky – Le sacre du printemps

Igor Stravinsky

Le Sacre du printemps est l’une des oeuvres les plus connues de Stravinsky. Cette popularité est évidemment liée à la qualité musicale de ce chef d’oeuvre, mais s’explique aussi par l’histoire particulière lors de sa création, et par les différentes adaptations qui en ont été faites.

Il est intéressant en effet d’évoquer le scandale qu’a suscité cette oeuvre lors de sa création au Théâtre des Champs-Élysées à Paris. La chorégraphie de Vaslav Nijinski, relativement moderne pour l’époque additionnée à la musique très rythmique du Sacre du printemps ont provoqué l’indignation.

Dans Chroniques de ma vie, Igor Stravinsky raconte : « J’ai quitté la salle dès les premières mesures du prélude, qui tout de suite soulevèrent des rires et des moqueries. J’en fus révolté. Ces manifestations, d’abord isolées, devinrent bientôt générales et, provoquant d’autre part des contre-manifestations, se transformèrent très vite en un vacarme épouvantable. »

Le film de Jan Kounen « Coco Chanel & Igor Stravinsky » restitue assez bien ce qui a pu se passer ce soir là :


Si la première représentation se passe plutôt mal, le succès de ce ballet ne se fait pourtant pas attendre. Dès l’année suivante et toujours à Paris, le compositeur est cette fois-ci acclamé par le public lors d’une représentation du Sacre du printemps. C’est le début d’un grand succès pour le ballet de Stravinsky.

L’oeuvre suscite finalement l’engouement et va connaître un essor particulièrement important. Ainsi, de nombreux chorégraphes renommés vont créer leurs propres chorégraphies pour ce ballet : on retrouve notamment parmi eux, Maurice Béjart, Pina Bausch, Angelin Preljocaj, Martha Graham, Uwe Scholz ou encore Emanuel Gat.

Enfin, un autre facteur a considérablement participé à la popularisation de cette oeuvre : c’est bien entendu son adaptation pour le long métrage d’animation, Fantasia de Walt Disney que tout le monde a déjà vu !


    Le Sacre du printemps (Pierre Boulez) :

Camille Saint-Saëns, "un artisan de génie"

On lui reproche souvent son manque d’originalité ou son manque de génie musical (reproches évidemment liées à son obsession pour la forme). Certains de ses détracteurs allaient même jusqu’à l’ignorer complètement. Dans ce sens, on apprend dans l’ouvrage de Jacques Bonnaure «Saint-Saëns» que Romain Rolland notait en 1907 que l’on pouvait parler des heures de musique française avec des musiciens français sans que fût cité une seule fois le nom de Saint-Saëns. Il faut dire qu’à cette époque, Camille Saint-Saëns avait en face de lui Debussy qui était en train de révolutionner la musique.

Mais si l’oeuvre de Saint-Saëns n’a pas fait avancer le langage musical, son génie se trouve dans la forme, son savoir-faire et son écriture irréprochable.
Il disait lui-même :
«Pour moi l’art c’est la forme. L’expression, la passion, voilà qui séduit avant tout l’amateur. Pour l’artiste, il en va autrement. L’artiste qui ne se sent pas pleinement satisfait par des lignes élégantes, des couleurs harmonieuses, une belle série d’accords, ne comprend pas l’art. Pendant tout le XVIe siècle on a écrit des oeuvres admirables dont toute émotion est exclue.»1

Sa vision de l’art qu’il expose ici par écrit sera son mot d’ordre et il s’y conformera toute sa vie. Pour lui, une oeuvre ne pouvait pas être écrite sans s’attacher à la forme et à la tradition. Il avait une méfiance extrême pour l’expression. Or Camille Saint-Saëns nait à l’époque romantique et va connaître la rupture qui donne lieu à l’époque moderne. Il sera toute sa vie en décalage avec sont temps, comme le dit Jacques Bonnaure, « jeune il ne fut jamais romantique, vieux il ne fut jamais moderne ».

Mais il ne faut pas oublier que le travail de Saint-Saëns a permis l’intégration de formes en France qui étaient réservées jusqu’alors aux compositeurs d’outre-Rhin. En effet, l’oeuvre de Saint-Saëns a par exemple réussi à redonner un élan à la musique symphonique qui avait tendance à s’essouffler au milieu du XIXe siècle.

Finalement, la musique de Saint-Saëns est artisanale avec une maitrise absolue et un savoir-faire traditionnel. Il fut l’un des derniers représentant de cet aspect artisanal de la composition qui était la norme jusqu’au début du XIXe.

Pour illustrer cet article : la symphonie n°3 « avec orgue ». L’orchestration y est assez chargée avec notamment un piano (joué à 4 mains) et un grand-orgue, mais ces deux instruments ne jouent cependant pas du tout comme solistes. Pierre Cochereau, le fameux organiste de Notre-Dame de Paris avouait d’ailleurs lors de l’enregistrement de la symphonie n°3 sous la direction de Karajan, que l’orgue ne servait dans cette oeuvre qu’à « planter quelques clous » !

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Je recommande chaudement le très bel ouvrage de Jacques Bonnaure « Saint-Saëns » sorti en septembre dernier qui est remarquable. Il rend un hommage admirable au compositeur qui à bercé mes toutes jeunes oreilles avec son « Carnaval des animaux »…

1- citation extraite du livre « Saint-Saëns » de Jacques Bonnaure.

Albert Roussel – Poème de la forêt

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Pas facile de se faire une place au beau milieu des modernes français ! En effet, Albert Roussel est contemporain (entres autres) de Camille Saint-Saëns, Gabriel Fauré, Maurice Ravel, ou encore de Claude Debussy, on vit à cette époque l’apogée de la musique française… Alors que la « concurrence » est rude, Roussel connaît une belle carrière et sa renommée dépasse même largement les frontières hexagonales.
Cependant, il est aujourd’hui souvent laissé de côté au profit des compositeurs précités.

Albert Roussel arrive tardivement à la musique. Ayant pris des cours de piano dès son jeune âge, ses dispositions musicales n’étaient pas passées inaperçues, mais il préfère se consacrer aux études pour devenir marin et rentre à l’École navale en 1887. Au bout de 2 ans, il ressort aspirant 2eme classe et son activité musicale est quasi nulle. Quelques temps plus tard, sur les instances de Joseph Kozul (directeur du conservatoire de Roubaix), Albert Roussel se met sérieusement aux études musicales et renonce à sa carrière dans la marine.

Il poursuit son cursus musicale à Paris et suit les cours d’Eugène Gigout ainsi que de Vincent d’Indy en classe de contrepoint.

Il écrit ses premières oeuvres la trentaine passée, celles-ci subissent à travers d’Indy l’influence franckiste tandis que les suivantes seront plus imprégnées de l’atmosphère debussyste.
Albert Roussel ne se découvrira vraiment qu’au début des années 1920 avec ses oeuvres « Pour une fête de printemps » et sa deuxième symphonie (ce qui fera sans doute l’objet d’un deuxième article).

C’est le deuxième mouvement (Renouveau) de sa première symphonie que je vous laisse écouter juste en dessous, Albert Roussel cède dans cette oeuvre aux suggestions debussytes…

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