Pitti Uomo – Yuketen & Heschung

Oui, du Yuketen made in France

On suivait la marque américaine Yuketen depuis un petit moment pour ses magnifiques mocassins, un peu ambiance trappeur, cousus à la main aux États Unis. Si la marque est connue pour ces quelques pièces, elle a aussi depuis quelques années développé une importante gamme de souliers en cuir en suivant la même recette : tout y passe jusqu’à des desert boots en poulain imitation zèbre.

L’équipe derrière la Yuketen développe aussi la marque de vêtement Monitaly, dont on a parlé il y a peu. Mais la surprise la plus étonnante du dernier Pitti était la collaborations assez inattendu entre ce spécialiste américain et le très français Heschung, qui ajoute un peu de cohérence au tout jeune repositionnement de ce dernier. Apparaissent alors deux modèles : un mocassin à boudin et cousu norvégien très workwear français (on pense immanquablement au Michael de Paraboot), et une version un peu plus « sport », où semelles en cuir et cousu norvégien sont remplacés par une semelle en gomme (elle aussi cousue, quand même).

Si on regrette un peu le logo embossé sur le côté, on ne peux qu’apprécier la dose de fraîcheur apportée sur un modèle que l’on avait pas l’habitude de voir dans de si nombreux coloris. Mention spéciale pours les versions d’une seule couleur, en cuir grainé ou en daim. En bonus, une photo de Pierre Heschung, PDG de Heschung, et de Yuki Matsuda, designer de Yuketen, enthousiastes de présenter une de leur co-création.


Pierre Heschung et Yuki Matsuda, plutôt satisfaits du résultat de leur collaboration


Voici peut-être la paire la plus osée, parfaite si vous n’avez pas froid aux yeux ou si vous êtes japonais


La voilà en cuir grainé, impeccable


Elle existe aussi dans de nombreux coloris de veau velours


Le cousu norvégien, pour sauter dans les flaques d’eau sans mouiller ses chaussettes

 

D’autres coloris…


Voici la version plus « sport », avec une semelle en gomme donc


Elle est aussi disponible dans de nombreux coloris


La semelle en gomme n’est pas uniquement soudée, elle est aussi cousue, ce qui garantie qu’elle tiendra bien en place. C’est le genre de détail que l’on retrouve chez beaucoup de baskets haut de gamme, comme chez Common Project, ou chez les baskets de créateurs (type Lanvin, Dior Homme …)


Le logo sur le côté annonce « Yuketen Made in France »

FrenchTrotters, qui monte qui monte…

Street teasing !


Ça fait quelques mois que la presse spécialisée en parle et vous l’avez peut être déjà lu sur quelques blogs ça et là sur les internets mais il fallait qu’on vous en touche deux mots parce que nos partenaires qui ouvrent une nouvelle boutique de 200m2 à Paris même pas 7 ans après leur premiers pas, ça nous fait forcément un petit quelque chose.

Située au 128 rue vieille du temple, à deux pas de l’actuelle boutique FrenchTrotters Homme, le grand et nouvel espace sera l’occasion d’introduire, aux côtés de l’homme, la sélection femme de FrenchTrotters en plein coeur du Marais à Paris. Déjà proposées dans la boutique du 30 rue de Charonne près de Bastille, vous pourrez retrouver dans ce nouveau lieu certaines marques chères à l’enseigne parisienne ainsi que les lignes FrenchTrotters pour la femme : Michel Vivien, Pomandere, Avril Gau, Laurence Doligé se feront donc également un plaisir de se pavaner dans les rayons.

Côté homme on retrouvera également la ligne FrenchTrotters, quelques unes des marques qui ont fait le succès des boutiques et des nouvelles venues dans la sélection: Gitman Bros, Enginereed Garments, Nigel Cabourn, Nanamica, Alden, SNS, Levi’s Vintage et Barena seront donc de la partie.

Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, Carole et Clarent proposeront une sélection inédite d’objets, de linge et de mobilier dans un espace reservé à la déco intérieure et à la maison, y seront proposées entre autres les créations d’Astier de Villate, Lab. , Khadi & Co et Linge Particulier.

Connaissant le goût certain du couple de dénicheurs de belles choses, on peut être sûr que l’aménagement de la nouvelle boutique sera à la hauteur et qu’il détonnera forcément de l’ambiance habituelle des boutiques environnantes. À n’en pas douter vous y retrouverez également un staff incroyable ayant toujours le bon conseil et le compas dans l’oeil.

Allez, plus qu’un bon coup de peinture…

Pitti Uomo – Salvatore Piccolo PE 2013


Une belle étiquette qui fera frissonner le fan de Dragon Ball qui sommeille en vous

Faute à la tendance preppy à l’américaine, les chemises à cols boutonnés dominent la mode casual depuis maintenant de bonnes années. On a pu voir l’invention typiquement américaine de Brooks Brothers reprise à toutes les sauces, avec pour incontournable chez toutes les marques la chemise à col boutonné en oxford bleu ciel. De l’autre côté de l’échiquier de la mode casual, certains irréductibles persistent à sortir des chemises aux mini-cols étriqués, sortes de reliquats de l’esthétique Dior Homme par Hedi Slimane qui commence franchement à dater.

Ce bref panorama montre bien comme l’offre en terme de forme de chemise commence à manquer de fraîcheur, si bien que beaucoup se concentrent maintenant sur des matières et imprimés innovants pour se démarquer : tissus japonais, chemises hawaiienne, motifs africains, ou même en liberty.

Mais pour ceux qui cherchent un peu de changement sans trahir la discrétion de leur mise, la solution pourrait bien venir d’Italie. L’Italie est un pays à la forte culture vestimentaire masculine, et possède des savoirs-faire inégalés en terme de tissage et de confection de chemises ou de costumes. Non seulement c’est véritablement le dernier bastion d’Europe de l’ouest en terme d’industrie textile, mais en plus les italiens ont su conserver une certaine tradition de l’habillement, qui se traduit par l’existence de centaines d’artisans tailleurs, dont certains font sûrement parmi les plus belles choses au monde.

Voici donc mon coup de coeur de Pitti Uomo : à l’origine un de ces artisans créant des chemises à la demande, Salvatore Piccolo développe depuis quelques saisons une gamme de chemises en prêt à porter, disponibles dans quelques boutiques dans le monde. Pour ces collections, il utilise donc tout ce qui fait de la chemise italienne quelque chose d’unique : montage intégralement réalisé à la main dans la région de Naples (avec un point incroyablement fin), pas de thermo-collage dans les cols et poignets, des raccords particulièrement travaillés, et surtout des cols italiens! Le must reste dans la richesse des tissus utilisés, ceux-ci sont souvent réalisés en exclusivité par des tisseurs italiens pour Salvatore Piccolo, et ils sont sûrement parmis les plus beaux que nous ayons pu apprécier cette saison (à défaut de pouvoir toucher, n’hésitez pas à cliquer sur les photos pour voir de plus près).

La seule boutique où j’ai pu voir leurs chemises est Antonia à Milan (et donc aussi Excelsior, un grand magasin local qui mérite une visite si vous êtes dans le coin). En France la marque n’est disponible pour l’instant qu’à St Tropez, chez le multi-marque Battaglia, tandis qu’aux États-Unis, Barneys l’a rentré il y a quelques saisons. Au delà de ça, Salvatore Piccolo a aussi collaboré avec le magazine Monocle, qui choisit toujours très bien les marques avec lesquelles il s’associe. C’est donc encore une fois une marque que l’on aimerait bien voir se développer en France, je vous laisse apprécier quelques photos prises à Pitti Uomo.


Rayures et reliefs, on est loin de la simple bengal stripe


On atteint ici les limites de l’internet, vous ne pouvez hélas pas toucher ce tissu incroyable

 

Les imperfections de la présentation des modèles (autocollants ci-dessus + cintres métalliques + manque flagrant de repassage) : un moyen de rappeler que nous sommes en face d’un artisan ?


Un tissu rayé n’est jamais qu’un simple tissu rayé chez Salvatore Piccolo : celui-ci découvre des reliefs lorsqu’on regarde de plus près

 

Ce tissu n’est pas énormément étonant, c’est l’association avec un cutaway collar qui l’est plus


Ceci-dit cela reste une très belle étoffe

 

On apprécie aussi les boutonnières, réalisées à la main


Encore une fois, ce qui ressemble tout simplement à une rayure verticale …


…présente en fait une texture assez incroyable


La marque propose aussi des étoles, mouchoirs et vestes très intéressantes


Les effets de textures sont aussi présent sur ce « vichy à flocons »


Du carreaux ou du pied-de poule ?


Les tissus utilisés font un peu penser à ceux développés par Camoshita


Un oxford rouge de toute beauté, ainsi que le renfort qui tient lieu d’hirondelle (comme chez Charvet)

Diastème


Un paquet Diastème ! Notez le papier de soie impeccable.

 

Le foulard pour homme, ça reste assez compliqué avant de se lancer. Le truc conserve ce côté un peu épineux pour n’importe qui ne s’intéressant pas de près aux concours de style quotidien organisé par les internets via The Sartorialist, Neo Retro Streetstyle (le nouveau né), Mister Mort et consort. Même par une journée un peu froide, il faut déjà toucher sa bille pour pouvoir se permettre d’arborer une étole à motif sans avoir l’air d’être déguisé.

Une fois le pas franchi, les rires des amis affrontés, l’appréhension dépassée, on se rend compte qu’il est finalement assez facile de se balader avec un fourreau noué autour du cou. Il passe même parfaitement pour l’alternative bienvenue à la cravate qui serre un peu trop le gosier par les beaux temps qui courent (avec le retour du soleil quoi), en ayant l’avantage d’être l’opportunité de saupoudrer une pointe de fun sur sa garde robe.

À l’origine de Diastème, Thomas Germond voyait déjà ça d’un oeil différent. Pendant les quelques années qu’il a passé à imaginer son projet autour du foulard, la pièce n’était plus seulement pour lui qu’un accessoire textile par excellence mais devenu un élément complexe auquel on pouvait donner ses lettres de noblesses avec un peu de travail, qui pouvait également devenir un moyen d’expression à part entière. Bref, une pièce mêlant exigences qualitatives et esthétiques tout en donnant une liberté créative assez large. Le côté qualitatif de l’étoffe lui a donc beaucoup tenu à coeur le long de son processus : il fallait réussir à proposer un produit de luxe, agréable au toucher comme au porté, qui ne deviennent pas une écharpe trop épaisse et sur lequel le motif passerait bien l’épreuve fatidique de l’impression.

Thomas, au travail.

Une DA exigeante par Laurent Laporte devait terminer de parfaire les produits développés par Thomas : imprimés de cartes de constellations, planches botaniques, tableau de noeuds marins ou interpretation du fameux bandana « Paisley » que l’on retrouve dans la poche des élégants depuis peu et au cou des motards depuis toujours. S’ils ont pensé à tout le monde (hé oui mesdames, vous y avez droit), ils ont également voulu vous imaginer dans toutes les situations : vous trouverez dans la collection Diastème un élégant fourreau en soie, recouvert d’un incroyable imprimé « Pin-up » qui sera parfait pour agrémenter votre tenue lors d’une garden party chic et guindée cet été. Vos convives et autres invités attentifs s’amuseront forcément du détail donné par cet accessoire astucieusement décalé.

Le fameux motif Paisley, ici en « boule de feu »

 

Pour achever de vous (nous) plaire totalement, la réalisation est belle et impeccable : tissés et fabriqués en France par quelques un des meilleurs spécialistes de la soie, la qualité d’impression est irréprochable. Par souci de cohérence, le modèle Hawaï fera exception: réalisé en rayonne, comme les chemises hawaïennes (DA oblige), le tissage aura surement été effectué dans un pays du tiers monde, par des enfants aveugles : je passe donc les détails de l’impression qui pourraient heurter la sensibilité de nos lecteurs les moins aguéris au lourd bilan de l’industrie textile. Cerise sur le gâteau, le packaging est lui aussi très efficace : papier de soie de haute qualité (là aussi réalisé par un géant en la matière), papier kraft pour protéger, coup de tampon pour sigler, et hop, on vend du très haut de gamme. L’ensemble de la collection Diastème est disponible sur le site de la marque et une jolie sélection a également sa place sur La Belle Échoppe.

Et paf, qualité d’impression incroyable. Chapeau les mecs !

Une étiquette aussi joliment brodée, on était obligé.

Georges Bizet – Jeux d'enfants

Georges Bizet

Georges Bizet fait partie de ces innombrables artistes dont l’histoire n’a retenue qu’une oeuvre. Malheureusement, et comme souvent pour les membres de ce triste cercle, il s’agit d’une injustice terrible, tant la valeur de leurs autres créations est importante.

Bizet ne manque pas à la règle. Essentiellement connu pour être le compositeur de l’opéra français le plus connu du Monde, le reste de son oeuvre est souvent passé sous silence.

Si l’opéra Carmen peut sans doute être considéré comme le chef-d’oeuvre de Bizet, il est pourtant bien trop réducteur de résumer le compositeur à cette unique partition.

Sa suite de 12 pièces, Jeux d’enfants, composées en 1871 pour piano à 4 mains en est un exemple parmi d’autres. Bizet a orchestré cinq de ces 12 pièces et les a intégrées dans la suite créée le 2 mars 1873 à Paris, par le Concert national sous la direction d’Édouard Colonne.

Marche :

Le bal :

Et bien sûr, ce n’est pas parce qu’il ne faut pas uniquement résumer Bizet à Carmen qu’on n’a pas le droit de ce faire plaisir !

Extrait de Carmen :

Pitti Uomo – Monitaly PE 2013


Monitaly, c’est la marque de vêtements de l’équipe derrière Yuketen. Présente sur les salons Capsule et à Pitti Uomo depuis plusieurs saisons, c’est toujours un plaisir de passer voir leurs collections. Même si la marque propose toujours des pièces basiques avec les détails et matières qu’il faut, c’est avec des réalisations plus osées qu’elle fait souvent sensation. Cette saison elle revient avec toujours plus d’imprimés extravagants et notamment de quoi satisfaire mon obsession pour les imprimés africains. L’attention pour les détails, pour la qualité des matières et de la réalisation (presque l’ensemble de la collection est confectionnée aux USA) sont à un niveau assez impressionnant, de quoi justifier des prix assez élevés et peut-être expliquer pourquoi la marque est toujours aussi difficile à trouver en France. Je vous conseille une visite sur leur site internet, où vous pourrez apprécier leurs lookbooks, d’une longueur et d’un humour suffisamment rares pour être signalé.

Chez Monitaly le cordon aussi est en cuir (vous remarquerez que les boutons pressions sont aussi finis avec du cuir)


Un petit détail qui fait toute la différence, les lanières de glissière en cuir


Le retour de la fireman jacket, veste inspirée par les anciens uniformes des pompiers américains

 

Ces vestes ont très facilement été intégrées à la garde robe masculine pour devenir de véritables classiques

 

D’origine utilitaire, ce genre de crochets avaient l’avantage de permettre d’ouvrir et de fermer une veste avec des gants, rapidement et sans regarder


Monitaly ont été parmi les premiers, l’été dernier, à remettre au goût du jour la richesse des motifs textiles africains

 

Le col de cette « vacation shirt » ressemble à celui d’une chemise hawaienne


Peut-être à cause de la complexité des motifs, le raccord n’est pas complètement parfait


Ces chemises, ainsi que presque l’intégralité de la collection, ont été confectionnées aux USA

Contrairement à une chemise hawaienne, les boutons ne sont pas en coco mais en nacre


Pour ceux qui assument moins, il y a une version Tshirt plus discrète


Pitti Uomo – Ateliers Heschung

La buck par Ateliers Heschung

Commençons la retrospective de Pitti Uomo par une bonne surprise provenant de chez nous. La plupart d’entre vous aura sûrement déjà entendu parler de Heschung, un des derniers fabricants de souliers pour homme en France, et spécialiste du cousu goodyear et norvégien. Dans le but de re-dynamiser la marque, Heschung nous a fait découvrir pour la première fois il y a 6 mois une collection un peu à part nommée « Ateliers Heschung ». Jusqu’ici j’avais un peu de mal avec les créations Heschung, à cause des formes longues, plutôt arrondies et dont le bout remonte (beaucoup) des chaussures, mais aussi à cause de certains détails de style. Et bien cette nouvelle gamme pourrait bien me faire changer d’avis : intégralement fabriquée en France, celle-ci propose des designs plus dans l’air du temps et certains ont tout pour nous séduire. A Pitti Uomo, la marque présentait une sélection plus large de chaussures, dont certaines pièces très fortes qui devraient arriver rapidement en boutique. Elles sont d’ailleurs déjà disponibles en ligne sur leur site, très bien fait, et qui est plein de belles photos et vidéos autour de la marque.

La marque est spécialiste de ce genre de bottes bi-matières

 

Une cameraman jacket matérialisée en chaussure ?


 

Le contraste entre la toile couleur sable et le veau rend particulièrement bien

 

La marque s’est aussi mise à travailler sur du cordovan, ce cuir de cheval si particulier

 

La belle teinte bordeaux du cordovan

 

Demi-chasse et bottes demi-chasses en veau velour et semelle en gomme

 

Le fameux cousu norvégien, garantissant une étanchéité parfaite

Tommy Ton à Pitti Uomo été 2012

Comme chaque saison, GQ.com a dépêché le photographe Tommy Ton au salon professionnel de mode masculine italien Pitti Uomo. Pour ne pas changer, ce salon a été un véritable défilé de mode, et il y en a pour tous les goûts : des plus extravagants aux plus classiques. Le plus impressionnant c’est surtout qu’il y a fait en moyenne entre 30 et 35°, et donc porter un costume trois pièces, une cravate et ceci avec décontraction c’est véritablement ce que l’on peut appeler être cool. Je vous laisse avec une sélection de photos, le reste est disponible sur GQ.com. Nous étions aussi présents au salon, afin d’essayer de repérer des nouveautés excitantes qui arriveront en boutique l’été prochain, cet article est donc l’introduction d’une petite série sur le Pitti Uomo de cet été. À suivre donc …

Olivier et sa Cameraman




Olivier et sa chère (ahah) Cameraman, de Nigel Cabourn

 

Salut Olivier, c’est quoi cette veste ?

C’est ma parka Nigel Cabourn, le truc plus résistant que j’ai jamais porté. Avec ça, j’ai l’impression de pouvoir partir à l’assaut de la lande écossaise, même avec un vent de malade et une pluie de taré.

D’où est ce qu’elle vient ? elle a une histoire particulière ?

Je l’ai achetée chez FrenchTrotters, après avoir hésité à vendre un rein pour me l’offrir à New York. Du coup, j’ai sagement épargné, c’est un achat complètement raisonné, et je dois dire que l’idée d’investir dans un vêtement en me disant que je dois en prendre soin me plait bien. C’est exactement la même chose quand tu achètes une paire de Alden : tu sais que tu vas tout faire pour les garder le plus longtemps possible, tu vas les entretenir avec amour, ça n’offre aucune prise au temps. Je trouve que ça permet de développer un rapport affectif à certaines pièces, et par les temps qui courent, ça fait du bien.

Et toi, tu as une histoire vécue avec cette pièce ?

J’aime autant penser à tous les endroits où j’ai vadrouillé avec qu’imaginer tous ceux où je l’emmènerai encore. J’adore l’embarquer en milieu hostile, en forêt, en mer, ou tester son étanchéité en scooter. C’est une pièce qui doit vivre, respirer. A vrai dire, je préfère le grand air aux espaces confinés : en soirée, j’aime pas trop la laisser au vestiaire, j’ai toujours peur qu’il lui arrive une misère.

L’usure du Mackintosh: c’est bien parti pour être vraiment joli.

 

Qu’est ce qui fait que tu l’aimes particulièrement ?

Il y a rien de plus énervant qu’une pièce d’outerwear que tu dois ménager, c’est un comme si t’achetais un parapluie hydrophobe. Du coup, je trouve que c’est le bon alliage entre un vêtement élégant et un vêtement utilitaire (et je dis pas ça parce que le « workwear » revient en force depuis quelques saisons).

Ce qui est amusant c’est que c’est un produit rare mais quand on traîne sur internet on tombe régulièrement sur ce modèle qui impressionne pas mal tous les blogeurs mode qui n’ont pas trouvé assez de partenariats pour pouvoir se la payer. Je sais que tu traines un peu sur les mêmes sites que moi quand il s’agit de vêtements, du coup est ce que ça te dérange de temps en temps ?

C’est vrai que sur les dernières saisons, la Cameraman est l’un des plus gros dénominateurs communs entre blogueurs mode. Mais ça m’arrive souvent de me faire interpeller dans la rue et que des gens reconnaissent la pièce. Pourtant, jusqu’à présent, je l’ai jamais croisée sur les épaules de quelqu’un d’autre. Ce serait assez marrant : on pourrait se faire un high five entre amateurs de belles choses.

Pourquoi ce modèle ci en particulier ?

Si je dis pas de bêtises, Nigel Cabourn avait commencé par ressortir la Cameraman dans une espèce de laine bouillie. Je me souviens qu’à l’époque, je trouvais déjà la pièce magnifique, mais j’étais pas ultra fan de la matière, je trouvais ça un peu convenu. Quand j’ai vu ce mélange Harris Tweed / Mackintosh dans des tonalités similaires, j’ai flashé instantanément. Le Mac traditionnel à moins de 25 ans, c’est un peu compliqué, mais là ça créé une rupture. D’autant plus que c’est une matière qui vieillit merveilleusement bien.

Notez aussi la fun shirt en dessous, l’air de rien.


Qu’est ce que tu aimes ou recherches quand on touche au vêtement ?

Je suis attaché à la culture du vêtement, ce qu’il dit sur son époque, ce à quoi il se rattache. Du coup, mon vestiaire est une sorte de mindmapping où je m’amuse à tracer des liens entre telle et telle pièce. Après, j’aime bien qu’un vêtement dure, parce que je veux qu’il puisse faire partie de moi, au même titre que la musique que j’écoute ou les films que j’aime. C’est pas valable sur tout (j’achète encore des t-shirts American Apparel), mais j’ai besoin d’avoir des sapes qui ne soient pas périssables. Quand tu m’as demandé de choisir ma pièce préférée, j’ai hésité à ramener une vieille paire de Vans Era, quand elles étaient encore fabriquées aux Etats-Unis. Je dois les avoir depuis 6 ou 7 ans, c’est probablement les chaussures que je porte le plus. Elles tiennent bon, mais surtout, ça me rappelle mes premiers « engagements » culturels, quand j’ai commencé à vraiment me rattacher à une communauté (à l’époque, le hardcore de chez Dischord). Si j’avais du les jeter au bout de deux ans, j’aurais jamais pu développer cet attachement.

Qu’est ce que tu penses de la mode en général ?

Disons que j’entretiens un rapport affectif à la mode, et un rapport plus « cérébral » à l’industrie de la mode. En ce moment, j’essaie de me documenter un peu sur la sociologie du vêtement, c’est comme se pencher sur un mouvement musical, littéraire ou cinématographique. J’essaie de me forger un esprit critique, d’avoir une approche épistémologique, ça m’aide à fuir le cycle infernal des saisons. printemps/été, automne/hiver, printemps/été, automne/hiver, et ainsi de suite, ça me fatigue un peu. J’ai envie de savoir pourquoi je porte tel ou tel vêtement, et pas seulement d’un point de vue strictement esthétique.

Vue de dos, parce que la coupe est également très réussie.

 

Quelle marque a particulièrement retenu ton attention ces derniers temps ?

Depuis deux ou trois ans, dans le désordre, et en en oubliant certains, je dirais Our Legacy, Mark McNairy, Engineered Garments et Nanamica. Et Nigel Cabourn, forcément.

Pour toi, est ce que la notion de marque est importante ? qu’est ce que tu recherches chez une marque ?

J’y attache assez peu d’importance, même si j’aime bien les marques qui possèdent une histoire ou une identité forte. En revanche, j’essaie d’identifier ce que je préfère chez telle ou telle marque pour y trouver mon compte : j’adore les coupes de chemise de chez Gitman ou Our Legacy, les chinos de Barena sont impeccables, et j’ai jamais mal aux pieds dans les Paraboot.

Les blogs de mode ou de vêtement à ton avis c’est un bon moyen d’influencer les garde robe par les temps qui courent ?

Je rangerais ça en deux catégories : les blogs qui se contentent de faire de la prescription, qui font office de lookbook, et ceux qui essaient de prendre de la hauteur et d’expliquer pourquoi telle ou telle pièce est vraiment intéressante. Je trouve ça vraiment bien de faire de la pédagogie autour de la mode, qui est souvent perçue comme une religion ultra-normée par ceux qui la font et comme un passe-temps futile par 95% des gens. Le vêtement est une contrainte sociale depuis que l’homme a décidé de ne pas se balader à poil, mais ça n’empêche pas d’y prendre un peu de plaisir.

Olivier est journaliste médias pour Télérama et chroniqueur sur Le Mouv. Il collabore également à Snatch.