"Life's better in a great hat"


Alain Delon – Borsalino & Co: le ton est donné.

Le chapeau, c’est toujours une question épineuse. En arrivant à la fin de « Il était une fois en Amérique » ou du « Parrain », j’ai toujours eu cette note de regret en rechaussant mes pantoufles: où sont ils tous passés ces gens tirés à quatre épingles, qui portent leurs couvres chefs comme si c’était l’exercice le plus simple au monde?

Bon ok, le sportswear américain est passé par là, la consommation de masse aussi, résultat: on ne sait plus mettre de chapeau. Quelques rares Chaps et autres designers y arrivent encore pourtant avec brio et quelques hipsters semblent enclins à s’y risquer par les temps qui courent.

« Allo? yeah sorry, I can’t hear you over the sound of how awesome I look. »

Pour le commun des mortels, dompter un chapeau, c’est dur. Ça demande du cran. Essayez et vous verrez: si ils n’ont pas l’habitude de vous voir avec un doulos sur la tête et que vous franchissez le pas ce week end, Lundi vous devrez affronter la mine amusée de vos collègues de bureau, même si ils font mine de ne pas y toucher. Alors forcément, à moins d’avoir une allure innée et une confiance à toute épreuve, on hésite. Le chapeau on l’achète mais il traîne sur une étagère ou dans le grenier, avec celui du grand père.

Pourtant il faut reconnaître que point de vue élégance, et même si vous êtes très bien coiffé, un chapeau ça peut avoir son petit effet. Ça n’est d’ailleurs pas pour rien que le grand père en avait un (marqué de ses initiales à l’intérieur), il vivait du temps où on savait.

Du coup pour commencer la rééducation de nos générations (et on sent poindre une cause à défendre), l’étape intermédiaire de la casquette en tweed paraît la solution de secours idéale, La Conj vantait les mérites de la maison Lock&Co à Londres il y a quelque temps déjà. Ça va nous permettre d’y aller doucement, par pallier, habituer l’oeil des railleurs du Lundi matin. D’ailleurs notez que c’est peut être une réponse à la question que vous avez déjà du vous poser cette année en vous promenant ou même le soir dans les bars: « Pourquoi diable ces gens ont ils des bonnets Saint James sur la tête en permanence ? » et bien voilà, c’était pour préparer le passage au chapeau. N’y voyez rien contre les bonnets, ils sont très bien, surtout quand il fait froid. Par contre, comme toute galure masculine d’ailleurs, ça se retire en intérieur.

Optimo Hats à Chicago, dont vous avez un aperçu de l’esprit dans la vidéo ci-après.

Tout ce tintouin, ça m’est surtout revenu après être tombé sur Optimo Hats. En bref, Optimo Hats c’est l’initiative de Graham Thompson, un passionné de chapeau qui apprend avec tristesse que son chapelier préféré va partir à la retraite sans personne pour reprendre l’affaire après lui. Alors étudiant, Graham décide de se lancer dans le chapeau et entre comme apprenti au service de son mentor Johnny, à qui il rachètera l’équipement pour commencer sa propre maison de chapeaux à Chicago. La belle histoire ne s’arrête pas là puisque la compagnie est florissante et répond à des dizaines de commandes tous les jours. Les pièces de chez Optimo sont devenues célèbres à travers les États Unis pour leur qualité et coiffent des acteurs, des politiciens et des amateurs de beaux chapeaux. Graham semble assez intransigeant au niveau de la sélection des matériaux et de la recherche du meilleur savoir faire possible, son soucis étant de développer un beau produit de luxe qui traversera les années. En vrai passionné, il est déterminé à ce que l’on regarde ses chapeaux dans plusieurs décennies et que l’on dise: voilà l’époque à laquelle on savait faire des beaux chapeaux.

Optimo Hat Company from Optimo Hats on Vimeo.

En plus on voit bien que la force de Graham Thompson est d’avoir su faire survivre un savoir faire exceptionnel mais aussi de ne pas l’avoir laissé prendre la poussière: Optimo Hats doit avoir un des plus beaux sites internet qu’une fabrique de chapeau ai jamais eu. Agréablement navigable et au graphisme soigné, le contenu est intéressant et élaboré très proprement.

Notez que pour les audacieux qui n’aiment pas la casquette anglaise, le béret reste également une très bonne alternative, il protège tout aussi bien du froid et de la pluie. En plus vous avez de la chance, j’ai là une bonne adresse pour trouver ça…

Merci Scott pour l’image.


Boardwalk Empire, côté vestiaire

L’engouement pour Mad Men en France, ça a quelque chose de vraiment étrange. On a d’abord l’impression que la presse française a découvert la série cet été, alors que la première saison a tout de même commencé en 2007. Ensuite les critiques vont quasiment toutes dans la même  direction alors que l’intrigue perd vraiment de la vitesse, et que si ça reste amusant à regarder, c’est sûrement grâce à l’esthétique de l’époque, aux femmes, et surtout aux costumes de chez Brooks Brothers mis en scène. Du coup Mad Men, même si Don Draper est un champion du style, on regardait un peu par défaut. En effet, dès que l’on recherche une série avec de beaux costumes, une ambiance travaillée, une intrigue captivante et une esthétique générale impeccable, l’offre tend à être très réduite.  Heureusement il y a quelque semaines, la relève est arrivée et on se rend compte que dès que les gros bonnets du cinéma commencent à s’en mêler, le monde de la série commence à passer aux choses sérieuses.

Évidement, pour ce qui est des costumes, il est sûrement très difficile de rater quelque chose dès que l’on s’intéresse à la Prohibition et aux années folles tellement l’époque est riche au niveau du textile: la série produite par Martin Scoresese et Mark Wahlberg, ça commençait bien, on savait déjà que rien n’allait être laissé au hasard.

Dans Boardwalk Empire, les personnages sont très travaillés et chacun d’entre eux voit ses traits de caractères, ses origines sociales et géographiques retranscrit dans les plis de ses vêtements. Les matériaux utilisés pour fabriquer les pièces nécessaires sont ceux que l’on trouvait à l’époque et John Dunn, le costumier, ne voulait pas utiliser des pièces issues de friperies. L’équipe aurait dû les restaurer et elles risquaient de paraître suspectes à l’écran. Il a donc fait appel Martin Greenfield, une sommité du monde des maîtres tailleurs, qui après avoir travaillé pour Brooks Brothers dans sa jeunesse, habillait entre autres Paul Newman et Bill Clinton. Ce grand monsieur du costume ne se contente d’ailleurs pas de ses gloires passées et entretient également des liens étroits avec Rag&Bone et Band of Outsiders. On peut avoir un aperçu de son atelier sur  The Selby, et c’est assez plaisant à regarder.

Pour commencer notre rapide tour d’horizon, nous allons commencer par le personnage principal. Interprété par Steve Buscemi, une des cartes des frères Coen (entre autres), Enoch « Nucky » Thompson est une sorte d’homme d’affaire qui est arrivé au sommet à la sueur de son front, en utilisant la force et la corruption, et il entend bien conserver les privilèges qu’il a réussi à obtenir. Comme la plupart des détenteurs de fortunes nouvellement acquises, il aime à faire remarquer son succès et sa réussite par des tenues tape à l’oeil, chatoyantes et luxueuses. On se rappelle surtout de Steve Buscemi dans des rôles de ratés ou de personnages secondaires, ici sous les feux de la rampe, on peut imaginer que ces costumes colorés compensent avec l’impression de faiblesse à laquelle renvoie son physique.  D’ailleurs vous aurez le plaisir de remarquer au fil des épisodes que ses costumes sont très souvent colorés et ornés d’accessoires qui rappellent son identité à ses interlocuteurs.

De stature tout à fait différente, on peut s’intéresser à Arnold Rothstein, ponte de l’alcool à New York, interprété par Michael Stuhlbar, encore piqué aux frères Coen. Ses costumes impeccables, assez sobres, rehaussés de quelques accessoires bien sentis en font l’un des personnages les plus élégants de Boardwalk Empire. Calme, éduqué, posé, violent, il a beaucoup de classe et sait manipuler les codes vestimentaires des classes sociales élevés pour ne pas en faire trop et passer pour un parvenu. Précisement ce qu’il peut manquer à notre ami Nucky.

Michael Shannon aka Nelson Van Alden, l’agent du « Federal bureau of internal revenue » n’est qu’austérité. Fanatique religieux, il prend son travail très à coeur et son costume, sans fioriture, ne lui sert qu’à travailler efficacement.

Le cas de Jimy Darmody est assez amusant, habillé au début de pièces tout à fait quelconques, on aura l’occasion de constater son ascension au sein du syndicat du crime italien lors de sa prise de mesure pour son complet bleu marine. À partir du moment où il aura revêti le vêtement, une véritable transformation s’opère et il deviendra l’un des personnages clés de la série. Interprété par Michaël Pitt, le rôle relancera sans aucun doute la carrière du jeune acteur.

Chalky White est un peu l’équivalent de Nucky Thompson au niveau de son style vestimentaire. Sûrement un des seuls noirs américain à avoir sa place dans les affaires à cette époque, il est très fier, et veut prouver son statut grâce à ses vêtements. On avait déjà croisé l’acteur dans The Wire où il jouait le rôle très réussi de Omar Little, un braqueur  semant la pagaille dans Baltimore. Sa garde robe ressemble beaucoup à celle de Nucky.

Bref, si vous cherchez un moyen de passer le dimanche froid qui nous attend au coin du feu, et de passer un bon moment, n’hésitez pas à vous pencher sur Boardwalk Empire. La série nous fait revivre le sentiment qu’on a pu éprouver en regardant Les Affranchis, Le Parrain II ou Il était une fois en Amérique et nous permet de nous délecter d’une esthétique poussée très agréable.