William Lockie, A.P.C., Glenmac et autres …

Les cardigans en laine d’agneau A.P.C. et William Lockie

Lorsque j’ai entendu parler de la collaboration entre A.P.C. et William Lockie, j’ai fait quelques recherches sur la toile, et mis à part une interview intéressante de Louis Wong (le designer en charge des collections chez A.P.C.) par le magazine WAD, impossible de trouver un seul article de plus de 4 lignes traitant du sujet. Beaucoup de blogs et autres magazines en ligne se contentent de recracher des communiqués de presse à longueur de journée, et c’est bien dommage ! Il y a pourtant bien des choses à dire sur William Lockie, qui est un de ces nombreux fabricants centenaires de tricots écossais. Depuis, A.P.C. s’est aussi mis à travailler avec John Smedley, eux basés toujours en Grande-Bretagne, mais cette fois dans le Derbyshire et spécialisés dans la maille en coton.

Pull John Smedley et A.P.C. en Sea Island Cotton

Si vous êtes du genre à passer trop de temps au rayon homme du Bon Marché, vous aurez sûrement remarqué la marque William Lockie, cachée dans un des coins les moins fréquentés du grand magasin. Cet endroit, situé juste à côté du corner Lacoste, est aussi l’hôte d’un autre grand nom du tricot écossais : Glenmac. J’ai découvert Glenmac l’an dernier, dans un vide-grenier, via la découverte d’un superbe pull « Burberrys by Glenmac ». Malgré ses années de service, ce pull était dans un très bon état, pas de bouloches et surtout aucune altération de forme.

L’étiquette du pull Burberrys par Glenmac

Le tricot c’est quelquechose d’assez complexe, et il est assez difficile pour un oeil non averti de reconnaître un article de qualité. C’est surtout un produit duquel on devient assez méfiant, ayant parfois dépensé de bonnes sommes dans une trouvaille et réalisant rapidement l’apparition des fatales bouloches. Pour une marque, faire apparaître la caution d’un fabriquant au savoir faire aussi riche est donc un bon moyen de légitimer son offre.

Mon exemple avec Burberrys montre que cela ne date pas d’hier (le -s final de Burberrys ayant été abandonné en 99), et c’est aujourd’hui Band Of Outsiders qui collabore avec le fabricant écossais pour une série de tricots. De même, la maille du défunt Old England, malgré un étiquettage pas vraiment transparent là-dessus, venait elle aussi de chez Glenmac.

Détail d’un pull Old England en laine d’agneau, réalisé par Glenmac

Le problème lorsqu’on achète des produits de ces marques est qu’on se retrouve parfois face à des coupes datant de plusieurs décennies. Si c’est quelque choses que certains recherchent, la grande majorité d’entre nous sera un peu troublé face à ces pulls archi-longs, où la couture de l’épaule arrive 3 centimètres trop loin. C’est donc un autre avantage de ces collaborations : elles permettent aussi d’utiliser les savoir-faire du fabricant pour faire des pulls un peu plus dans l’air du temps en terme de style et de coupe. C’est par exemple le cas pour les pulls en merinos de chez Frenchtrotters. Ceux-ci ne cachent pas qu’ils sont tricotés et confectionnés dans les usines d’un fameux fabriquant de chandails Breton, dans le Morbihan.

Pull en laine mérinos FrenchTrotters, réalisé par Le Minor

Pour revenir à William Lockie, l’entreprise existe depuis 1874 et a toujours fait très attention à la qualité de ses cachemires. Bénéficiant du même savoir faire ancestral, ses pulls en laine d’agneau et en poil de chameau sont aussi de bons investissements : la marque peut se vanter d’effectuer la fabrication pour de très prestigieux clients : Present, Norton & Sons, Kilgour … Leur pulls sont venus à Paris chez Rocker Speed Shop ainsi qu’au Bon Marché. Si vous voulez en savoir plus et que l’accent écossais ne vous effraie pas, je vous conseille donc d’aller voir cette vidéo du magazine britannique Esquire. On peut y voir le charismatique Patrick Grant (qui a reçu la distinction de « Menswear designer of the year 2010″  outre-manche) visiter les usines de William Lockie, qui se trouve être son fournisseur de tricots en cachemire, aussi bien pour E.Tautz que pour Norton and Sons.

Ci-dessous quelques polaroids de l’usine Glenmac pris par l’équipe de Band of Outsiders, qui décidément affectionnent particulièrement ce format.

Le pull Fair Isle


Edouard VIII, le prince de Galles, en tenue de golf : plus fours en tweed et pull Fair Isle

Les Shetlands sont un chapelet d’îles au nord de l’Ecosse dont l’une est particulièrement connue pour ses motifs tricotés : Fais Isle. Penchons nous un peu sur la riche histoire de ce pull que l’on peut voir partout aujourd’hui.

Historiquement, le tricot vient du monde arabe, et a été très répandu dès le Xème siècle. Les plus vieilles pièces ont été retrouvées dans des tombeaux coptes datant du 4ème et du 5ème siècle. Les peuples arabes l’ont introduit dans les pays annexés (Espagne, Sicile), puis il a été ramené en Europe du nord par les Normands. Anecdote singulière, ce sont les marins espagnols naufragés sur les côtes des îles britanniques qui y enseignèrent l’art du tricot aux insulaires, suite à la destruction de leurs navires par les Anglais en 1588.

Traditionnellement,  les pêcheurs britanniques, français ou hollandais portaient des tricots en jersey damassé. Le jacquard fut prisé pour son épaisseur, résistant au froid et à l’humidité du climat nordique.

La technique utilisée sur l’île pour obtenir des motifs diversifiés, complexes et colorés pouvait nécessiter jusqu’à l’emploi de 17 fils. Une des spécificités du pull Fair Isle est que la couleur des laines peut changer dans le milieu du dessin. Il peut y avoir jusqu’à 12 couleurs utilisées par pull, dont jamais plus de deux par rang. Tricotés par les femmes de marins, uniques et personnels, ils étaient une véritable carte d’identité de son propriétaire.

Les dessins, inspirés de la nature, ont subi de nombreuses influences géographiques et culturelles. Certains ont été identifiés comme originaires d’Extrême-Orient, de Chine, d’Inde, de Turquie, et on trouve par exemple un motif représentant  un arbre inconnu sur l’île. On trouve également des inspirations espagnoles et maures, mais la source principale reste la Scandinavie, notamment le motif « OXO » venu d’Estonie, dont on répertorie plus de 160 variantes, ou l’étoile norvégienne. Cette richesse et cette pluralité des influences est due au trafic maritime important, Fair Isle étant un port de passage au confluant des pays Baltes.

En Grande-Bretagne, c’est en 1921, qu’un négociant offrit au Prince de Galles, Edouard VIII, un pull à motif « OXO », qui sortit le jacquard Fair Isle de son rôle de vêtement de travail.

Côté français, en 1943 Jean Marais porte un pull jacquard dans « L’éternel retour » de Jean Delannoy et contribue à le rendre populaire en France pour les sports d’hiver. Ces deux évènements dans l’histoire du Fair Isle ne suffirent pas à lui insuffler un renouveau durable.

Jean Marais dans « L’éternel Retour » (1943), de Jean Delannoy

Après quelques décennies à avoir souffert d’une image ringarde,  il a été la grande surprise de l’hiver 2010, parmi les come-back pas franchement attendus. Cet artisanat minutieux et travaillé a enfin retrouvé ses lettres de noblesse et s’est vu renouvelé, modernisé. On l’a notamment vu en total look sur le défilé hiver 2010-2011 D&G, et chaque marque, toutes origines confondues, a profité de la tendance pour imaginer sa version du Fair Isle. On notera particulièrement l’utilisation étonnante des motifs Fair Isle par Juny Watanabe sur des Teddy et des vestes, dans sa collection de l’hiver 2011-2012. Mais cet engouement soudain pour ces motifs, dont le tricotage est maintenant totalement industrialisé, ne sauve pas pour autant ces techniques traditionnelles vieilles de plusieurs siècles sont aujourd’hui en voie de disparition avec les dernières tricoteuses.

Patron Bestway datant des années 40


Portrait d’Edouard VIII par John St. Helier Lander

 

Stanley Cursiter, The Fair Isle jumper, 1923

Article par Vanessa Montalbano, retrouvez ses autres articles sur son blog.


Ouverture du Premier Magasin Drakes

Le mois dernier le fabriquant culte d’accessoires Drakes a ouvert sa première boutique à Londres. C’est tout un évènement en soi car il s’est tout de même écoulé 34 ans avant que cette marque ait un lieu dédié. C’est en effet en 1977 que Michael Drake et ses associés fondent Drakes. Ils fournissent depuis les plus grandes marques de luxe en accessoires colorés. Drakes peut aussi se targuer de proposer ses produits dans certains des meilleurs magasins au monde, « des plus conservateurs aux plus innovants ». En effet on peut citer parmi ceux-ci le magasin du fameux blog A Suitable Wardrobe (pour l’exemple conservateur), ou bien le Dover Street Market, en passant aussi par JCrew, qui sont décidément partout.

Et c’est ce subtil mélange entre tradition bien anglaise et modernité qui me plaît beaucoup. On est loin de certaines désuétudes imprimées que l’on peut trouver sur quelques cravates d’enseignes traditionnelles. On est aussi assez éloigné des expérimentations tâtonnantes qui sont l’apanage des marques plus créatives. Bien que beaucoup de motifs sortent des archives du fabriquant, leur sélection tombe toujours très juste, un véritable bol d’air frais dans le monde de la cravate.

Détail intéressant : Drakes fabrique une grande partie de son offre au coeur de Londres, à Clerkenwell. Les cravates de la marque y sont d’ailleurs toutes réalisées à la main. Non seulement la production n’a pas été délocalisée, mais elle est en plus restée dans le centre d’une des capitales où les loyers sont les plus chers au monde.

L’ouverture d’un premier magasin est toujours une étape cruciale dans l’évolution d’une marque : c’est l’occasion d’associer les produits à tout un univers, visuel, sonore, olfactif, qui se doit d’être cohérent et de renforcer l’image de marque. C’est un pari réussi pour Drakes, leur boutique à la modestie toute calculée est, si on veut, une fidèle traduction de l’understatement revendiqué par le fabriquant. Mention spéciale pour l’utilisation de carrelage à l’extérieur, chose que l’on voit souvent (mais en vert) sur les vieux pubs londoniens et que l’on a très peu l’occasion de croiser en neuf.

Sont mis en avant les cravates et accessoires, véritable coeur de l’offre de Drakes, qui se voient ici accompagnés de chemises, vestes et autres pulls en cashmere, toujours à la construction soignée et aux matières impeccables. Le magasin propose aussi un service de cravate bespoke, où tout est fait à la mesure et à l’envie du client. A l’instar des chemisiers installés quelques rues plus loin sur Jermyn Street, la commande minimum est de trois cravates, ce qui fait donc un budget d’entrée assez conséquent.

Je vous laisse avec quelques photos que j’ai pu prendre dans cette boutique, située au 3 Clifford Street, pile entre la boutique Hermès de Bond Street et Savile Row :

Burberry – Echarpe en cachemire

Burberry est une marque à l’histoire longue et intéressante : se reposant sur son passé d’inventeur de la gabardine ainsi que de fournisseur de l’armée anglaise pendant la 1ère guerre mondiale, la marque, jusqu’à la fin du siècle dernier, vendit principalement des écharpes et des trench-coats ainsi que toutes sortes de produits décorés de son fameux motif écossais. Elle fut ensuite violemment redynamisée au début des années 2000, notamment sous l’impulsion de Rose Marie Bravo, qui permit à l’entreprise de se positionner en tant que marque de designer telle qu’on la connait aujourd’hui.

Ici, nous ne sommes pas forcément très fan de tout ce qui est outrageusement ostentatoire. Nous savons reconnaître le savoir-faire ainsi que l’expertise nécessaire à la réalisation de produits de luxe, mais l’abondance de logo est parfois ennuyeuse, elle ne met pas en valeur l’intérêt du produit en tant que tel.

Les écharpes en écossais sont pour moi un véritable classique, évoquant le style BCBG tout autant que celui apprécié à la sortie des matchs de foot. Ce type de produit est tellement présent partout, qu’il perd pour moi tout son coté symbolique de produit bling bling. Je n’avais d’ailleurs jamais croisé de véritable écharpes Burberry auparavant, tellement les produits semblables, pas forcément illégaux, sont légions.

Cette écharpe toute en cachemire est fabriquée en Ecosse, elle est donc garante de l’héritage très britannique de Burberry. Sauf incident de lavage, je parie qu’une telle écharpe sera toujours d’actualité dans 5, 10 ou 20 ans…

Disponible à l’international sur My Wardrobe.


Crédit photo : Amaury Guillais