Boardwalk Empire, côté vestiaire

L’engouement pour Mad Men en France, ça a quelque chose de vraiment étrange. On a d’abord l’impression que la presse française a découvert la série cet été, alors que la première saison a tout de même commencé en 2007. Ensuite les critiques vont quasiment toutes dans la même  direction alors que l’intrigue perd vraiment de la vitesse, et que si ça reste amusant à regarder, c’est sûrement grâce à l’esthétique de l’époque, aux femmes, et surtout aux costumes de chez Brooks Brothers mis en scène. Du coup Mad Men, même si Don Draper est un champion du style, on regardait un peu par défaut. En effet, dès que l’on recherche une série avec de beaux costumes, une ambiance travaillée, une intrigue captivante et une esthétique générale impeccable, l’offre tend à être très réduite.  Heureusement il y a quelque semaines, la relève est arrivée et on se rend compte que dès que les gros bonnets du cinéma commencent à s’en mêler, le monde de la série commence à passer aux choses sérieuses.

Évidement, pour ce qui est des costumes, il est sûrement très difficile de rater quelque chose dès que l’on s’intéresse à la Prohibition et aux années folles tellement l’époque est riche au niveau du textile: la série produite par Martin Scoresese et Mark Wahlberg, ça commençait bien, on savait déjà que rien n’allait être laissé au hasard.

Dans Boardwalk Empire, les personnages sont très travaillés et chacun d’entre eux voit ses traits de caractères, ses origines sociales et géographiques retranscrit dans les plis de ses vêtements. Les matériaux utilisés pour fabriquer les pièces nécessaires sont ceux que l’on trouvait à l’époque et John Dunn, le costumier, ne voulait pas utiliser des pièces issues de friperies. L’équipe aurait dû les restaurer et elles risquaient de paraître suspectes à l’écran. Il a donc fait appel Martin Greenfield, une sommité du monde des maîtres tailleurs, qui après avoir travaillé pour Brooks Brothers dans sa jeunesse, habillait entre autres Paul Newman et Bill Clinton. Ce grand monsieur du costume ne se contente d’ailleurs pas de ses gloires passées et entretient également des liens étroits avec Rag&Bone et Band of Outsiders. On peut avoir un aperçu de son atelier sur  The Selby, et c’est assez plaisant à regarder.

Pour commencer notre rapide tour d’horizon, nous allons commencer par le personnage principal. Interprété par Steve Buscemi, une des cartes des frères Coen (entre autres), Enoch « Nucky » Thompson est une sorte d’homme d’affaire qui est arrivé au sommet à la sueur de son front, en utilisant la force et la corruption, et il entend bien conserver les privilèges qu’il a réussi à obtenir. Comme la plupart des détenteurs de fortunes nouvellement acquises, il aime à faire remarquer son succès et sa réussite par des tenues tape à l’oeil, chatoyantes et luxueuses. On se rappelle surtout de Steve Buscemi dans des rôles de ratés ou de personnages secondaires, ici sous les feux de la rampe, on peut imaginer que ces costumes colorés compensent avec l’impression de faiblesse à laquelle renvoie son physique.  D’ailleurs vous aurez le plaisir de remarquer au fil des épisodes que ses costumes sont très souvent colorés et ornés d’accessoires qui rappellent son identité à ses interlocuteurs.

De stature tout à fait différente, on peut s’intéresser à Arnold Rothstein, ponte de l’alcool à New York, interprété par Michael Stuhlbar, encore piqué aux frères Coen. Ses costumes impeccables, assez sobres, rehaussés de quelques accessoires bien sentis en font l’un des personnages les plus élégants de Boardwalk Empire. Calme, éduqué, posé, violent, il a beaucoup de classe et sait manipuler les codes vestimentaires des classes sociales élevés pour ne pas en faire trop et passer pour un parvenu. Précisement ce qu’il peut manquer à notre ami Nucky.

Michael Shannon aka Nelson Van Alden, l’agent du « Federal bureau of internal revenue » n’est qu’austérité. Fanatique religieux, il prend son travail très à coeur et son costume, sans fioriture, ne lui sert qu’à travailler efficacement.

Le cas de Jimy Darmody est assez amusant, habillé au début de pièces tout à fait quelconques, on aura l’occasion de constater son ascension au sein du syndicat du crime italien lors de sa prise de mesure pour son complet bleu marine. À partir du moment où il aura revêti le vêtement, une véritable transformation s’opère et il deviendra l’un des personnages clés de la série. Interprété par Michaël Pitt, le rôle relancera sans aucun doute la carrière du jeune acteur.

Chalky White est un peu l’équivalent de Nucky Thompson au niveau de son style vestimentaire. Sûrement un des seuls noirs américain à avoir sa place dans les affaires à cette époque, il est très fier, et veut prouver son statut grâce à ses vêtements. On avait déjà croisé l’acteur dans The Wire où il jouait le rôle très réussi de Omar Little, un braqueur  semant la pagaille dans Baltimore. Sa garde robe ressemble beaucoup à celle de Nucky.

Bref, si vous cherchez un moyen de passer le dimanche froid qui nous attend au coin du feu, et de passer un bon moment, n’hésitez pas à vous pencher sur Boardwalk Empire. La série nous fait revivre le sentiment qu’on a pu éprouver en regardant Les Affranchis, Le Parrain II ou Il était une fois en Amérique et nous permet de nous délecter d’une esthétique poussée très agréable.

Savile Row Field Day

Les temps sont durs pour l’industrie du textile. Que ce soit le coût de la main d’œuvre, du transport ou du coton, les fabricants font face à de nombreuses difficultés. Avec la période de crise que nous avons tous senti passer, la demande en laine en a aussi fait les frais.

Dans le but de relancer l’économie autour de laine, les tailleurs de la rue la plus connue au monde pour son savoir-faire, Savile Row à Londres, organisent une semaine de promotion de leur matière de prédilection. Soutenue par Sa Majesté le Prince de Galles, la semaine de promotion commencera le 11 octobre 2010 et verra Savile Row se transformer en pâturage pour moutons ce jour là. Le but étant de démontrer que la laine n’est pas aussi inconfortable que certains pourraient le penser.

Pendant cette journée, les producteurs expliqueront la manière dont est traitée la laine pour aboutir à la matière noble utilisée par les tailleurs de la rue. Certains des tailleurs en question ouvriront leurs portes et leurs ateliers à tous les visiteurs afin que chacun puisse avoir un aperçu de leur savoir-faire et du travail nécessaire pour créer les costumes que portent les grands de ce monde.

Pour plus de détails sur l’événement, le programme complet de la journée, le plan pour y aller et la liste des tailleurs participant à l’événement, rendez vous ici.

Men of the Cloth

L’artisanat vestimentaire a le vent en poupe. Même si beaucoup s’intérèssent en ce moment de très près à ce qui se fait de l’autre côté de l’Atlantique, il ne faut pas oublier le patrimoine exceptionnel en la matière dont nous disposons ici, à proximité, en Europe.

Le documentaire Men of the Cloth, qui promet d’être un document assez exceptionnel, nous raconte donc l’histoire de trois maîtres tailleurs italiens, en situant ensuite leur profession dans le contexte actuel en soulignant parfois la difficulté pour ce corps de métier de susciter des vocations.

Produit par la Fondation nationale Italo-américain et par l’ Institut New yorkais de la Culture Italienne, le documentaire s’attache à faire ressentir la passion qui anime ces hommes et révéle la complexité d’un tel artisanat dans un monde très concurrentiel, où le costume a tout de même perdu beaucoup de la magie qu’il dégageait à l’époque à laquelle aller chez le tailleur n’était pas seulement l’affaire de quelques passionnés.

Vicki Vasilopoulos (journaliste pour Esquire, DNR…) suit donc pendant quelques temps Joe Centofanti, Nino Corvato et Checchino Fonticoli trois tailleurs italiens aux parcours bien différents: si les deux premiers exercent aux États Unis, l’un dans la banlieue de Philadelphie, l’autre sur la Madison avenue à New York, le dernier n’est autre que le co-fondateur de l’illustre maison Brioni, qui se tourne vers le futur en fondant une école, la « Brioni factory of artisans ».

Le budget du film étant malheureusement assez léger il semble que la production soit assez lente, le site internet fait d’ailleurs appel aux dons, mais il est sûr qu’à sa sortie il devrait séduire plus d’un amateur de vêtement et de traditions.

photos superbes: JDN