Une marque dont il fait bon de parler en ces temps de rationalisme en marbre.
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Le pull Fair Isle
Edouard VIII, le prince de Galles, en tenue de golf : plus fours en tweed et pull Fair Isle
Les Shetlands sont un chapelet d’îles au nord de l’Ecosse dont l’une est particulièrement connue pour ses motifs tricotés : Fais Isle. Penchons nous un peu sur la riche histoire de ce pull que l’on peut voir partout aujourd’hui.
Historiquement, le tricot vient du monde arabe, et a été très répandu dès le Xème siècle. Les plus vieilles pièces ont été retrouvées dans des tombeaux coptes datant du 4ème et du 5ème siècle. Les peuples arabes l’ont introduit dans les pays annexés (Espagne, Sicile), puis il a été ramené en Europe du nord par les Normands. Anecdote singulière, ce sont les marins espagnols naufragés sur les côtes des îles britanniques qui y enseignèrent l’art du tricot aux insulaires, suite à la destruction de leurs navires par les Anglais en 1588.
Traditionnellement, les pêcheurs britanniques, français ou hollandais portaient des tricots en jersey damassé. Le jacquard fut prisé pour son épaisseur, résistant au froid et à l’humidité du climat nordique.
La technique utilisée sur l’île pour obtenir des motifs diversifiés, complexes et colorés pouvait nécessiter jusqu’à l’emploi de 17 fils. Une des spécificités du pull Fair Isle est que la couleur des laines peut changer dans le milieu du dessin. Il peut y avoir jusqu’à 12 couleurs utilisées par pull, dont jamais plus de deux par rang. Tricotés par les femmes de marins, uniques et personnels, ils étaient une véritable carte d’identité de son propriétaire.
Les dessins, inspirés de la nature, ont subi de nombreuses influences géographiques et culturelles. Certains ont été identifiés comme originaires d’Extrême-Orient, de Chine, d’Inde, de Turquie, et on trouve par exemple un motif représentant un arbre inconnu sur l’île. On trouve également des inspirations espagnoles et maures, mais la source principale reste la Scandinavie, notamment le motif « OXO » venu d’Estonie, dont on répertorie plus de 160 variantes, ou l’étoile norvégienne. Cette richesse et cette pluralité des influences est due au trafic maritime important, Fair Isle étant un port de passage au confluant des pays Baltes.
En Grande-Bretagne, c’est en 1921, qu’un négociant offrit au Prince de Galles, Edouard VIII, un pull à motif « OXO », qui sortit le jacquard Fair Isle de son rôle de vêtement de travail.
Côté français, en 1943 Jean Marais porte un pull jacquard dans « L’éternel retour » de Jean Delannoy et contribue à le rendre populaire en France pour les sports d’hiver. Ces deux évènements dans l’histoire du Fair Isle ne suffirent pas à lui insuffler un renouveau durable.
Jean Marais dans « L’éternel Retour » (1943), de Jean Delannoy
Après quelques décennies à avoir souffert d’une image ringarde, il a été la grande surprise de l’hiver 2010, parmi les come-back pas franchement attendus. Cet artisanat minutieux et travaillé a enfin retrouvé ses lettres de noblesse et s’est vu renouvelé, modernisé. On l’a notamment vu en total look sur le défilé hiver 2010-2011 D&G, et chaque marque, toutes origines confondues, a profité de la tendance pour imaginer sa version du Fair Isle. On notera particulièrement l’utilisation étonnante des motifs Fair Isle par Juny Watanabe sur des Teddy et des vestes, dans sa collection de l’hiver 2011-2012. Mais cet engouement soudain pour ces motifs, dont le tricotage est maintenant totalement industrialisé, ne sauve pas pour autant ces techniques traditionnelles vieilles de plusieurs siècles sont aujourd’hui en voie de disparition avec les dernières tricoteuses.
Patron Bestway datant des années 40
Portrait d’Edouard VIII par John St. Helier Lander
Stanley Cursiter, The Fair Isle jumper, 1923
Article par Vanessa Montalbano, retrouvez ses autres articles sur son blog.
Albam – Athletic Crew Sweatshirt
Le sweatshirt en jersey est une pièce classique qui, à l’instar du jean, peut rapidement se révéler technique. Inventé au début du siècle aux Etats-Unis, il permit de remplacer les inconfortables tricots sur les terrains de sport. A l’époque, la partie centrale des sweats était composée d’une seule pièce de jersey, qui était donc tissé en tubes de plusieurs tailles. Ainsi, chaque machine à tisser permettait de créer une unique taille de tube résultant donc en une taille de pull. Pas étonnant que maintenant les sweats soient composés de plusieurs pièces de tissu. Encore une fois, c’est vers le Japon qu’il faut se tourner pour trouver de parfaites reproductions ou des fabricants travaillant avec des machines américaines d’une époque révolue, chez Real McCoy’s ou Loopwheeler notamment.
L’équipe d’Albam a toujours su créer des pièces simples et fonctionnelles, et bien qu’ils n’aient pas la démarche rigoureusement historique des fabricants japonnais cités ci-dessus, on apprécie la manière dont ils améliorent continuellement leurs produits classiques, détail par détail. En effet, voici la nouvelle version de leur sweatshirt en jersey qui a subi quelques modifications bienvenues : Le sweat possède maintenant des côtes aux extrémités, des renforts aux coudes, deux pièces de tissu sur les côtés, des coutures plates et une petite poche cousue à l’intérieur. Le tissu est Anglais tandis que la confection a été effectuée au Portugal.
Disponible sur le nouveau site d’Albam et en plusieurs couleurs.
Ganseys de la côte est de l'Angleterre
Dans mon article précédent, je vous présentais le pull de Guernesey, pull plutôt simple, traditionnellement confectionné et porté sur la fameuse île anglo-normande. En effet, malgré ses particularités intéressantes, on est loin de la surcharge stylistique d’un Aran ou d’un motif Fair Isle.
Avec les échanges commerciaux entre villages de pêcheurs des côtes anglaises, le pull de Guernesey s’est retrouvé être produit et utilisé de plus en plus au nord, où il était appelé gansey. Et chaque adoption du pull par un nouveau village fut l’occasion de l’adapter au goût local. C’est ainsi que sont apparues torsades, côtes et autres motifs, d’abord sur le haut du pull, puis ensuite sur sa totalité. Les motifs les plus complexes se trouvèrent dans les villages de pêcheurs écossais, le plus au nord.
Chaque village, et parfois chaque famille avait son motif bien défini, certains allant jusqu’à tricoter les initiales du porteur en relief sur le bas du pull. C’est peut-être l’origine la fameuse histoire du pull permettant d’identifier le marin échoué (ou alors, pourquoi pas, juste d’identifier un pull oublié au pub du port voisin).
J’aime bien cette histoire de messages que font passer les motifs utilisés. On est loin d’un gros logo tapageur et pourtant le sens est là, mais pour un oeil averti uniquement. Comme partout, les vêtements permettent aux porteurs de se reconnaître et d’avoir le sentiment d’appartenir à un clan. Je ne prendrai pas le risque d’aller plus loin là dessus, je vous laisse juste apprécier ces photos, provenant des archives du Norfolk, et trouvées grâce au blog Mister Crew. Ces photos et ces pulls datent de la fin du XIXe et du début du XXe siècle et permettent d’apprécier la richesse et la diversité des motifs des ganseys (attention, ces photos sont en noir et blanc, ces pulls sont en fait tous bleu marine).
Pulls marins de Guernesey
Le pull de Guernesey
Alors que l’air du temps est au déterrage progressif tous les vêtements cultes et solides, la plupart des pulls marins européens se sont vus être remis au goût du jour : on peut acheter des chandails bretons chez Urban Outfitters, les motifs fair island ne sont plus l’apanage de comédies françaises des années 70 et LL Bean a réédité son fameux pull norvégien, qui avait eu beaucoup de succès auprès des étudiants américains dans les années 80. Cependant il en reste qui n’ont pas encore eu l’attention qu’ils méritent, et notamment le pull de Guernesey, qui s’est seulement vu timidement ré-édité par Fred Perry.
Guernesey est une petite île située au large des côtes normandes, voisine de Jersey. Lieu de villégiature prisé des Anglais elle fut aussi le refuge de Victor Hugo lorsque celui-ci s’enfuit de France suite au coup d’état de Napoléon 3. Cette île de 63 km2 est aussi connue pour son industrie du tricot, très ancrée dans l’histoire de la région. On doit d’ailleurs aux îles anglo-normandes le nom du point Jersey, point très facile à réalisé et bien connu des amateurs de tricot. Celui-ci est d’ailleurs utilisé pour la confection des pulls de Guernesey.
L’histoire de l’industrie du tricot des îles anglo-normandes remonte au 16e siècle, lorsque la couronne anglaise donna l’autorisation aux populations de l’île d’importer de la laine d’Angleterre et d’exporter des produits finis vers le continent. La production de l’époque était essentiellement des collants, qui furent exportés sur le marché anglais. On raconte même que Marie Stuart portait des collants provenant de la région lorsqu’elle fut exécutée pour trahison, en 1587.
Comme pour les chandails bretons, l’histoire du pull de Guernesey est ancienne et ancrée dans la tradition locale. Ces pulls furent originellement tricotés à la main par les femmes des marins de l’île, les techniques de fabrication du pull se passant de génération en génération. Leur maille serrée en faisait une protection idéale pour affronter quotidiennement le vent, la pluie et les embruns.
Le succès de ce pull fut tel qu’il se retrouva rapidement dans de nombreux villages côtiers de Grande-Bretagne, où il était souvent modifié et appelé gansey. Ses qualités furent vite remarquées, et pendant les guerres napoléoniennes, L’amiral Nelson conseilla à la Royal Navy de l’intégrer dans son équipement. C’est à partir de cette époque que celui-ci fut coloré en bleu-marine. On raconte que des pulls de Guernesey furent portés par les membres d’équipage de la Royal Navy pendant la bataille de Trafalgar et aujourd’hui certaines divisions de l’armée anglaise sont encore équipées de tels pulls.
Une des particularités du pull de Guernesey, en plus de son col bateau, est qu’il est entièrement symétrique : il n’a ni avant, ni arrière et peut aussi bien être porté dans un sens que dans l’autre. Les motifs du pulls représentent des objets du quotidien des pêcheurs de l’île : les côtes en haut des manches symbolisent une échelle ou une passerelle, la couture de l’épaule une corde et le point mousse descendant jusqu’au niveau de l’aisselle sont des vagues se brisant sur le littoral. Mais pour moi le détail qui fait toute la particularité de ces pulls est une petite pièce de tricot en forme de losange située au niveau des aisselles et permettant de meilleurs mouvements. Le pull de Guernesey, comme le pull marin breton, se porte près du corps, cependant la forme spécifique du pull fait que la couture joignant les épaules aux manches dépassent largement sur les bras du porteur.
Ce pull est facilement trouvable en second choix, et plusieurs usines en produisent encore sur Guernesey. Moins répandus que les chandails bretons, cela en fait donc une alternative pour passer la fin de l’hiver – et ceux des prochaines années – au chaud.
Disponible notamment sur guernseyknitwear.co.uk
La bande en point mousse représente des vagues se brisant sur le littoral, et les côtes une passerelle en corde
La couture de l’épaule représente une corde, tandis que la pièce de tricot ajoutée au niveau de l’aisselle permet des mouvements amples
Un marin portant un pull de Guernesey en 1880 – On note que, même à la bonne taille, les coutures des épaules descendent largement sur les bras
Les officiers de la 7ème brigade blindée anglaise avec leurs pulls de Guernesey, en Irak