Garmento – Mémoire vive

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Giorgio Armani 1988

Découvert il y a quelques années lors d’une recherche sur le Men’s Dress Reform Party, Garmento est un magazine doublé d’un blog qui traite de la mode de saisons passées.
C’est un constat relativement étonnant, voire passionnant : aujourd’hui, à l’heure où tout est disponible instantanément sur internet, il est toujours difficile de tomber sur des photos de défilés ou de campagnes publicitaires des années 80 ou 90, ou même de voir documenté en détail les marques qui eurent du succès il y a quelques décennies. Difficile donc pour les moins de 30 ans de se rendre compte de ce qu’était Helmut Lang à sa grande époque ou de l’ambiance qui régnait au sein des défilés joyeusement déjantés de Maison Martin Margiela. Comment pourrait-on même imaginer que GAP, à une époque, a été une marque cool ?
Garmento nous propose donc, à l’aide de publicités, d’extraits d’ouvrages vintages ou d’interviews, de retracer ces modes, vendues, portées, ou rêvées par les créateurs de l’époque. Dans un secteur où tous les regards sont constamment rivés sur la nouveauté, s’attarder sur ce qui a existé peut s’avérer salvateur.
L’occasion de se rendre compte que la silhouette des hommes évolue, et qu’aucun produit, aussi classique soit-il, n’est intemporel. Pour preuve cette oxford Ralph Lauren de 1992 que nous pourrions aujourd’hui utiliser comme parachute. Morale, destinée particulièrement à ceux qui ont besoin d’excuses pour assumer un gros craquage chez le tailleur : votre enfant n’aura probablement rien à faire des vieux vêtements élimés que vous imaginez lui transmettre, ils seront probablement has-been, c’est tout.

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J.Crew – Transformation radicale

La semaine dernière, je suis retombé sur un commentaire assez intéressant laissé par un de nos lecteurs, il traitait de J.Crew et de leur montée en gamme. Je me suis alors dis que cela méritait un véritable article. En plus cela me donne une bonne excuse pour publier les photos du lookbook automne-hiver 2011, qui viennent d’être diffusées. Attention : J.Crew existe presque exclusivement aux Etats-Unis et n’est pas encore présent en France, par contre le magasin Trunk à Londres propose quelques modèles.

La ré-apparition soudaine de J.Crew sur les radars des amateurs de mode est quelque chose d’assez exceptionnel. L’entreprise américaine vit le jour peu après la seconde guerre mondiale mais ce n’est qu’à partir de 1983 qu’elle prit un considérable essor, rencontrant un fort succès avec des catalogues de vente par correspondance, très au goût de l’époque. Depuis, l’enseigne ne faisait guère parler d’elle et rencontrait quelques problèmes financiers malgré ses nombreux magasins aux États-Unis. Mais voilà, Gap, eux aussi dans le rouge au début des années 2000, ont alors décidé de se séparer de leur PDG, Mickey Drexler. On lui attribut pourtant le succès phénoménal que rencontra Gap dans les années 90 et qui avait propulsé l’entreprise américaine au rang de géant international. Mickey Drexler se retrouva rapidement à la tête de J.Crew, où il fit des merveilles en re-dynamisant la marque avec l’aide du directeur artistique Frank Muyjtens.

La recette du succès ? Comme chez Gap, J.Crew distribue des produits assez classiques. Il faut, je pense, regarder plutôt du côté de leurs innovations en terme de marketing, de la qualité de leurs équipes créatives et de leur stratégie de communication pour comprendre comment ils ont pu augmenter leurs prix ainsi, et rencontrer un tel succès.

Tout d’abord, J.Crew ne distribue pas uniquement sa marque et a su entourer sa marchandise de produits pointus. Ils se mirent donc à distribuer de petites séries de marques bien connues et respectées des passionnés de vêtements : Alden, Viberg, Mister Freedom, Converse, Barbour… En collaborant pour la création de modèles avec certaines, en distribuant tout simplement leurs produits pour d’autres. L’image de marque derrière ces fabricants, souvent des entreprises avec une longue histoire, rayonne sur les produits J.Crew et leur permettent d’être vendu à des prix qu’ils ne justifieraient pas seuls. Ils sont aller assez loin dans le concept, en ouvrant des magasins à thème tels que le fameux Liquor Store. Ma favorite reste leur boutique de l’Upper East Side à New-York, où des chemises J.Crew confectionnées avec du tissu Thomas Mason cotoîent de luxueuses sacoches et parapluies par Swayne Adeney Brigg, mais aussi leurs simples chemises en chambray. C’est un peu le grand écart, mais cela semble fonctionner. Maintenant je serais curieux de savoir quelle est la relation exacte entre ces marques de luxe et J.Crew. Mickey Drexler parle de « dilution de l’impact de la particularité d’une marque », à propos des contrats que font certains designers avec de grands distributeurs américains (type Wallmart), mais ne sont-ils pas logés à la même enseigne ?

Ensuite, l’offre pour homme suit de très près les tendances grâce à des designers talentueux. Sans entrer dans des cycles de créations fast-fashion à la Zara ou Topshop, l’équipe dirigée par le designer hollandais Frank Muyjtens a une bonne connaissance du marché et a su se placer correctement sur l’envie actuelle des passionnés de vêtement. Cela vaut d’ailleurs à Frank Muyjtens de régulièrement apparaître dans Free&Easy. Malgré cela, leurs collections peuvent très facilement plaire aux néophytes et ils ont su développer un style qui leur est propre, assez centré sur la culture vestimentaire américaine. Je pense notamment à leurs tenues composées de blazers, cravates et chemises casual…

Enfin, ceci s’est vu accompagné par une très bonne communication. Leurs produits se sont rapidement retrouvés dans des médias pointus, ciblant, comme l’explique Mickey Drexler, les « 5% de clients les plus exigeant, en termes de design, de goût et de qualité », afin que le « reste suive ». La marque à aussi su misé sur internet et a eu le droit à une place à part sur les blogs américain parmi les plus suivis. Par exemple leurs publicités magazines, que l’on peut trouver notamment dans Inventory, font apparaître des adresses web de fabricants et de médias, s’adressant directement à ces clients exigeants et connectés.

Mais petit bémol, bien que les prix des produits augmentent, certains client se plaignent de la qualité générale qui ne semble pas toujours suivre. Quoiqu’il en soit, cette transformation est quelque chose d’assez unique pour une chaîne de cette taille, il va être intéressant de voir commet cela évolue dans les prochaines années.

Les images présentent leur collection automne-hiver 2011. Vous pouvez trouver la totalité des photos sur ACL.