Pulls marins de Guernesey

Le pull de Guernesey


Alors que l’air du temps est au déterrage progressif tous les vêtements cultes et solides, la plupart des pulls marins européens se sont vus être remis au goût du jour : on peut acheter des chandails bretons chez Urban Outfitters, les motifs fair island ne sont plus l’apanage de comédies françaises des années 70 et LL Bean a réédité son fameux pull norvégien, qui avait eu beaucoup de succès auprès des étudiants américains dans les années 80. Cependant il en reste qui n’ont pas encore eu l’attention qu’ils méritent, et notamment le pull de Guernesey, qui s’est seulement vu timidement ré-édité par Fred Perry.

Guernesey est une petite île située au large des côtes normandes, voisine de Jersey. Lieu de villégiature prisé des Anglais elle fut aussi le refuge de Victor Hugo lorsque celui-ci s’enfuit de France suite au coup d’état de Napoléon 3. Cette île de 63 km2 est aussi connue pour son industrie du tricot, très ancrée dans l’histoire de la région. On doit d’ailleurs aux îles anglo-normandes le nom du point Jersey, point très facile à réalisé et bien connu des amateurs de tricot. Celui-ci est d’ailleurs utilisé pour la confection des pulls de Guernesey.

L’histoire de l’industrie du tricot des îles anglo-normandes remonte au 16e siècle, lorsque la couronne anglaise donna l’autorisation aux populations de l’île d’importer de la laine d’Angleterre et d’exporter des produits finis vers le continent. La production de l’époque était essentiellement des collants, qui furent exportés sur le marché anglais. On raconte même que Marie Stuart portait des collants provenant de la région lorsqu’elle fut exécutée pour trahison, en 1587.

Comme pour les chandails bretons, l’histoire du pull de Guernesey est ancienne et ancrée dans la tradition locale. Ces pulls furent originellement tricotés à la main par les femmes des marins de l’île, les techniques de fabrication du pull se passant de génération en génération. Leur maille serrée en faisait une protection idéale pour affronter quotidiennement le vent, la pluie et les embruns.

Le succès de ce pull fut tel qu’il se retrouva rapidement dans de nombreux villages côtiers de Grande-Bretagne, où il était souvent modifié et appelé gansey. Ses qualités furent vite remarquées, et pendant les guerres napoléoniennes, L’amiral Nelson conseilla à la Royal Navy de l’intégrer dans son équipement. C’est à partir de cette époque que celui-ci fut coloré en bleu-marine. On raconte que des pulls de Guernesey furent portés par les membres d’équipage de la Royal Navy pendant la bataille de Trafalgar et aujourd’hui certaines divisions de l’armée anglaise sont encore équipées de tels pulls.

Une des particularités du pull de Guernesey, en plus de son col bateau, est qu’il est entièrement symétrique : il n’a ni avant, ni arrière et peut aussi bien être porté dans un sens que dans l’autre. Les motifs du pulls représentent des objets du quotidien des pêcheurs de l’île : les côtes en haut des manches symbolisent une échelle ou une passerelle, la couture de l’épaule une corde et le point mousse descendant jusqu’au niveau de l’aisselle sont des vagues se brisant sur le littoral. Mais pour moi le détail qui fait toute la particularité de ces pulls est une petite pièce de tricot en forme de losange située au niveau des aisselles et permettant de meilleurs mouvements. Le pull de Guernesey, comme le pull marin breton, se porte près du corps, cependant la forme spécifique du pull fait que la couture joignant les épaules aux manches dépassent largement sur les bras du porteur.

Ce pull est facilement trouvable en second choix, et plusieurs usines en produisent encore sur Guernesey. Moins répandus que les chandails bretons, cela en fait donc une alternative pour passer la fin de l’hiver – et ceux des prochaines années – au chaud.

Disponible notamment sur guernseyknitwear.co.uk


La bande en point mousse représente des vagues se brisant sur le littoral, et les côtes une passerelle en corde


La couture de l’épaule représente une corde, tandis que la pièce de tricot ajoutée au niveau de l’aisselle permet des mouvements amples


Un marin portant un pull de Guernesey en 1880 – On note que, même à la bonne taille, les coutures des épaules descendent largement sur les bras


Les officiers de la 7ème brigade blindée anglaise avec leurs pulls de Guernesey, en Irak