S.E.H Kelly – Interview

Nous vous avions parlé de S.E.H Kelly il y a un peu moins d’un an. Cette toute jeune marque anglaise a pour particularité, outre le fait qu’ils ne fasse confectionner leurs vêtements qu’au Royaume-Uni, de n’utiliser que des tissus et autres accessoires tissés et fabriqués sur place. Nous avions à l’époque été séduit par une telle démarche, qui a l’intérêt de pousser encore plus loin le concept d’une production locale de vêtement. Bien entendu nous aurions sûrement été moins intéressé si leurs produits ne nous plaisaient pas autant. Nous les avons rencontré il y a peu et leur avons poser quelques questions, l’occasion de revenir sur leur expérience et sur l’avenir de S.E.H Kelly. Cet article est illustré par des images provenant de la section Makers de leur site, mettant en valeur le travail de leur fournisseurs à l’aide de très belles photos. Ici une usine produisant des draps de laine, localisée dans le Yorkshire.

Redingote : Nous pensons que les gens s’intéressent de plus en plus à ce qu’ils consomment. Ils souhaitent savoir d’où viennent ces produits, comment ceux-ci ont été réalisés et par qui. Avez-vous remarqué un tel regain d’intérêt ?

S.E.H Kelly : C’est une des raisons qui nous a poussé à lancer S.E.H Kelly. Nous avions remarqué que les gens commencent doucement à s’intéresser à l’origine des produits. Qui a fait ca ? Et comment ? Est-ce que c’est vraiment de la qualité ? Est-ce qu’ils pourront porter ça toute leur vie ? Ce sont autant de questions auxquelles nous tentons d’apporter des réponses.

C’est pour cela que nos collections sont toutes petites, nous voulions proposer des produits simples, rien de trop guidé par les tendances. Uniquement des pièces que les gens pourront garder et porter durant des années, peu importe ce qui sera à la mode.

Lorsque nous écrivons à propos d’une nouvelle chemise ou d’une nouvelle veste, nous ne décrivons pas vraiment la manière dont celle-ci est cintrée ou comment elle va rendre son propriétaire cool. Nous préférons parler de la provenance du tissu et de ce genre de choses. Nous pensons que c’est plus intéressant, que cela a plus de valeur.

Pour nous il est aussi très important de parler des gens avec qui nous travaillons. Si ils en venaient à cesser leur activité ce serait alors très difficile de relancer cette industrie en Angleterre. Ce serait vraiment une grande perte. Par exemple nous travaillions avec une bonneterie qui a tout simplement disparu lors de nos deux premiers mois d’activité. Du jour au lendemain, nous n’avons plus eu aucune nouvelle d’eux.

Nous aimons particulièrement travailler avec des usines à Londres parce que nous pouvons aller les voir régulièrement : pour les rencontrer, voir ce qu’ils font et s’assurer que le niveau de qualité est conforme à nos attentes. D’autres fabricants avec qui nous travaillons au Royaume-Uni existent depuis des centaines d’années et nous avions travaillé avec eux sur Savile Row, donc nous connaissons leurs méthodes. Certains de leurs employés travaillent là-bas depuis plus de 30 ans, alors nous connaissons effectivement les personnes qui réalisent nos produits.

Ce sont vraiment eux les professionnels. On lit beaucoup de choses à propos des difficultés que rencontre le secteur en ce moment. Ils n’ont pas vraiment besoin de nous en fait. Dernièrement la demande a beaucoup augmenté, beaucoup de marques recommencent à produire au Royaume-Uni.

Redingote : Nous avons remarqué un véritable support pour cette industrie au Royaume-Uni, par exemple la campagne de sensibilisation « Save Our Skills » du magazine Drapers (sorte de « Journal du Textile » anglais). Avez-vous l’impression que les choses ont un peu changé ?

S.E.H Kelly : On a l’impression que beaucoup de marques réalisent que les consommateurs sont intéressés par des prduits premiums faits au Royaume-Uni. Certains de nos fournisseurs ne travaillaient qu’avec des marques traditionnelles, et maintenant les plus grandes chaînes de magasins veulent travailler avec eux. C’est surtout dû au prestige de proposer un produit Made in UK. C’est une très bonne chose pour les usines, nous espérons que cela va continuer.

Redingote : Vous avez décidé de ne travailler qu’avec des tissus ou accessoires provenant du Royaume-Uni . J’imagine que cela a un impact sur vos collections. De quelle manière cette contrainte influence-t-elle vos créations ?

S.E.H Kelly : Il y a des choses que nous ne pouvons pas faire. Certains tissus, par exemple, ne sont tout simplement pas disponibles ici. C’est le cas des tissus techniques mais il est aussi très difficile de faire fabriquer des T-shirt en jersey ici. Il y a peut-être une ou deux usines pour cela, mais elles ont des minimums de quantité élevés, ce que nous ne pouvons pas encore faire. Par contre au Royaume-Uni il est assez facile de trouver de la laine, du lin et de la soie.

Cela peut aussi avoir un bon côté d’être limité ainsi, cela force à être plus créatif. Nous avons été obligé de penser à des manières originales d’utiliser des tissus. Par exemple il est très facile de se procurer de la laine ou du cachemire ici, contrairement au coton ou plus généralement aux tissus pour chemises, c’est pour cela que certaines de nos chemises sont constituées d’un mélange de laine et de cachemire.

Redingote : Nous avons lu que Thomas Mason (un fabricant anglais historique de tissus pour chemises) avait délocalisé sa production ?

S.E.H Kelly : En effet, la production a été délocalisée en Italie. Cela veut dire qu’il nous a fallut réfléchir à d’autres tissus qui fonctionneraient pour fabriquer une belle chemise. Certaines de nos chemises sont bien plus épaisses que d’habitude car elles sont en partie constituées de cachemire. Le lin est toujours très bon au Royaume-Uni alors nous en utilisons aussi pour nos chemises.

Cela nous force aussi à collaborer de manière plus étroite avec nos fournisseurs. Nous avons travaillé sur des tissus exclusifs avec certains fabricants afin d’avoir plus de variété, plus de couleurs. Ce n’est pas quelque chose que nous nous serions embêtés à faire si nous avions eu accès à tous les tissus du monde.

Redingote : Quelle importance a votre expérience sur Savile Row dans votre travail d’aujourd’hui ?

S.E.H Kelly : Je n’ai pas vraiment appliqué les même styles, parce que je travaillais sur des pièces bien plus structurées, certaines plus casuals aussi, mais principalement des costumes. J’étais en charge du développement de produit pour la gamme prêt à porter d’une maison de Savile Row. Cela signifie que les designers m’apportaient leurs créations et que je devais développer les produits avec les usines. Certaines de ces usines sont totalement hors de notre portée maintenant, ils proposent des tissus à plus de 100 £ le mètre. Sur Savile Row il était possible de les utiliser parce que c’était vraiment du très haut de gamme. C’est intéressant parce que nous travaillons maintenant avec les mêmes usines, mais nous utilisons des tissus plus accessibles.

Redingote : Pour l’instant vos produits ne sont disponibles que sur votre site internet. Est-ce que vous projetez d’être distribués en boutique multi-marque ?

S.E.H Kelly : Nous avons discuté avec quelques magasins au début, des magasins dans lesquels nous aimerions bien être maintenant. Nous n’étions juste pas certains de pouvoir faire ceci tout en conservant des prix raisonnables. Nous allons peut-être venir à Capsule à Paris en janvier prochain, mais d’abord il nous faut travailler à diviser notre offre en différentes gammes de prix. Nous pourrons ensuite voir comment distribuer nos produits dans différents magasins.

Redingote : On ressent une forte inspiration workwear derrière votre dernière collection, comment cela va-t-il évoluer ?

S.E.H Kelly : Je pense que nous sommes en train de nous éloigner intuitivement du workwear.

Les produits sur lesquels j’ai travaillé au cours de mon expérience à Savile Row étaient totalement différents, c’était presque l’opposé. Utiliser des tissus et matières premières provenant de ce monde pour les appliquer sur des styles complètement différents était très intéréssant.

Quoiqu’il arrive, nos collections seront toujours composées de produits simples dans des couleurs plutôt neutres.

Pour la prochaine collection, quelques pieces sont influencées par un côté plus tailoring, certaines pièces d’extérieur font penser à certaines des pièces les plus casual sur lesquelles j’ai pu travailler sur Savile Row. Evidemment nous ne metterons pas d’épaulettes ou quoique ce soit de trop structuré, cela restera donc assez proche de ce que nous faisons déjà.

Ce qui est bien avec le workwear c’est l’aspect fonctionnel des pièces : Où disposer les poches ? Quelles profondeur celles-ci doivent-elles avoir ? Mais cela n’est pas uniquement important pour le workwear, et nous pensons constamment à ceci lorsque nous concevons nos collections.

Damart – Froid Moi? Jamais!



 

Usine Damart à Bingley, Royaume Uni

Il n’a pas fait aussi froid en Europe depuis un bon bout de temps. Avec des température allant jusqu’à -15°C à Orléans et -19,5°C dans le centre de l’Angleterre, un des soucis principaux le matin face à sa penderie est surement de s’habiller chaudement sans pour autant avoir l’air d’un bibendum Michelin.

Que ce soit la ligne Heat Tech de Uniqlo ou l’équivalent chez Gap, le sous-vêtement technique semble être une bonne approche pour garder la chaleur et éviter de rajouter quelques couches de vêtements par dessus sa tenue.

Uniqlo en particulier a frappé très fort en communicant beaucoup sur sa gamme, nous faisant presque oublier qu’une marque Française est déjà sur le créneau depuis plus d’un demi-siècle: Damart.

Cela peut sembler étrange que nous parlions de cette marque sur Redingote. Pourtant, certains de nos lecteurs nous on déjà fait la remarque: nous parlons beaucoup de marques étrangères alors que certaines entreprises font aussi de très bon produits en France, et on ne peut qu’approuver.

On ne dira pas le contraire, l’image de la marque aura plus tendance à vous faire rentrer dans ses magasins accompagné de votre grand-mère plutôt que de votre petite amie. Cela dit, si vous parlez avec vos grands-parents de Damart, une bonne partie d’entre eux en ont sûrement déjà porté ou du moins en ont entendu parler depuis un bon bout de temps.


Moi le premier, je me suis franchement posé la question: est-ce que je serais prêt à acheter du Damart sans avoir peur de laisser dépasser l’étiquette? et après réflexion, je pense bien que oui.

La cible première de la marque sont les séniors ce qui explique peut-être que la communication n’attire pas plus que ça les jeunes actifs. Après, nous aimons porter des vestes en tweed et des pantalons en velours, donc pourquoi pas du Damart?

L’origine de Damart remonte à 1858 avec la création d’une usine de tissage de Laine par la famille Despature à Roubaix. S’ensuit la commercialisation de la fibre Thermolactyl en 1950 qui donne naissance à la marque de VPC Damart trois ans plus tard. L’innovation de la fibre Thermolactyl vient de la création de poches dans la fibre qui emprisonne l’air (le meilleur isolant au monde), tout en laissant respirer la peau. Les propriétés calorifiques de la fibre sont mises en avant par l’agence Havas qui lance le slogan qui assurera le succès de la marque pendant de longues années: « Froid moi? Jamais! ».


Damart pub 1984 2

Depuis sa création la marque a étendu son marché aux USA et à plusieurs pays Européens. Elle a également continué à innover au niveau textile en développant de nouvelles fibres rafraîchissantes (Ocealys), climatisantes (Climatyl) mais aussi amincissantes et hydratantes. Ces derniéres concernent certainement moins les hommes, mais restent innovantes. La fibre à l’origine de leur succès à également fait l’objet d’innovations avec l’ajout de modal (fibre aux propriétés absorbantes à base de cellulose), microfibres ou encore cristaux absorbant les rayons infrarouges pour garder la chaleur du corps. Si certaines de ces innovations peuvent sembler plus commerciales qu’innovantes, la publications d’articles de recherche dans des journaux académiques tel que l’ « International Journal of Clothing Science and Technology » par des chercheurs de la marque, prouve que ce n’est pas pris à la légère.


Suite à la vague de délocalisation qu’ont connu les entreprises textiles Françaises, Damart tient bon jusqu’en 1997 puis délocalise 70% de sa production en Tunisie, gardant la production de ses produits Thermolactyl à Roubaix.
En 2007 la marque décide finalement de délocaliser le reste de sa production en Tunisie mais garde son bureau de recherche et de développement dans ses locaux.
Les différentes organisations s’occupant de Damart à l’étranger étaient, quant à elles, chargées de trouver leurs propres fournisseurs, ce qui explique la présence d’usines Damart aux USA et au Royaume-Uni. Le siège de la marque a désormais décidé de rationaliser sa production et de ne garder que ses meilleurs fabricants à l’étranger.

Après une période difficile, la marque est désormais sur une très bonne pente et progresse à l’international et sur le Net. Cette progression est marquée par le lancement d’une nouvelle offre avec Damart Sport qui propose des vêtements spécifiques aux sports allant de la natation au ski.

Avec des prix comparables à ses concurrents internationaux, Damart représente surement une bonne alternative dans l’offre des sous-vêtements techniques malgré son positionnement quelque peu « vieillot ». Après tout, si l’image vous dérange mais que vous aimez le produit, qui saura que vous en portez sous vos vêtements?


D’autres publicité Damart sont disponible sur le site de l’INA